La vente en l’état futur d’achèvement est définie à l’article 1601-3 du Code civil comme étant le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes.
Contrairement à l’autre forme de vente d’immeuble à construire qu’est la vente à terme, les ouvrages à venir deviennent la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution et l’acquéreur est tenu d’en payer le prix à mesure de l’avancement des travaux.
Il faut encore distinguer les ventes conclues en secteur protégé, et les ventes conclues en secteur libre.
Les ventes conclues en secteur protégé sont celles qui visent le transfert de propriété d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation. C’est le secteur protégé qui nous intéresse ici.
Un régime d’ordre public.
La vente en l’état futur d’achèvement répond à un régime juridique d’ordre public. Cela signifie que la conclusion d’un tel contrat est obligatoire dès lors que tous les critères de la vente en l’état futur d’achèvement sont remplis.
C’est l’article L261-10 du Code de la construction et de l’habitation qui nous l’apprend :
« Tout contrat ayant pour objet le transfert de propriété d’un immeuble ou d’une partie d’immeuble à usage d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation et comportant l’obligation pour l’acheteur d’effectuer des versements ou des dépôts de fonds avant l’achèvement de la construction doit, à peine de nullité, revêtir la forme de l’un des contrats prévus aux articles 1601-2 et 1601-3 du Code civil, reproduits aux articles L261-2 et L261-3 du présent Code. Il doit, en outre, être conforme aux dispositions des articles L261-11 à L261-14 ci-dessous ».
En effet, la sensibilité de l’acte de construire, avec ses aléas et ses risques, implique de nombreuses garanties pour l’acquéreur.
Diverses exceptions existent à cette obligation de conclure un contrat de vente en l’état futur d’achèvement.
Nous retiendrons seulement la plus courante, celle de la conclusion d’un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plan si la fourniture du terrain est indirecte [1]. Dans ce cadre en effet, la conclusion d’une vente en l’état futur d’achèvement peut être remplacée par la conclusion d’un CMI.
Contenu du contrat.
Nécessairement conclu sous la forme authentique, le contrat de vente en l’état futur d’achèvement doit comporter impérativement à peine de nullité les indications prévues à l’article L261-11 du Code de la construction et de l’habitation.
Il s’agit des mentions et indications suivantes :
« a) La description de l’immeuble ou de la partie d’immeuble vendu ;
b) Son prix et les modalités de paiement de celui-ci ;
c) Le délai de livraison ;
d) Lorsqu’il revêt la forme prévue à l’article 1601-3 du Code civil, reproduit à l’article L261-3 du présent Code, la justification de la garantie financière prescrite à l’article L261-10-1, l’attestation de la garantie étant établie par le garant et annexée au contrat.
e) La description des travaux dont l’acquéreur se réserve l’exécution lorsque la vente est précédée d’un contrat préliminaire comportant la clause prévue au II de l’article L261-15 et dès lors que l’acquéreur n’a pas demandé au vendeur d’exécuter ou de faire exécuter les travaux dont il s’est réservé l’exécution.
Toutefois, lorsque la vente concerne une partie d’immeuble, le contrat peut ne comporter que les indications prévues aux a à d du présent article propres à cette partie, les précisions relatives aux parties d’immeuble non concernées par la vente doivent alors figurer, soit dans un document annexé à l’acte, soit dans un document déposé au rang des minutes d’un notaire et auquel l’acte fait référence.
Il doit également mentionner si le prix est ou non révisable et, dans l’affirmative, les modalités de sa révision.
Il doit, en outre, comporter en annexes, ou par référence à des documents déposés chez un notaire, les indications utiles relatives à la consistance et aux caractéristiques techniques de l’immeuble.
Le règlement de copropriété est remis à chaque acquéreur lors de la signature du contrat ; il doit lui être communiqué préalablement.
Lorsqu’avant la conclusion de la vente, le vendeur a obtenu le bénéfice d’un prêt spécial du Crédit foncier de France ou du Comptoir des entrepreneurs, le contrat doit mentionner que l’acheteur a été mis en état de prendre connaissance, dans des conditions fixées par décret, des documents relatifs à l’équilibre financier de l’opération, au vu desquels a été prise la décision de prêt. L’inobservation des dispositions du présent article entraîne la nullité du contrat. Cette nullité ne peut être invoquée que par l’acquéreur et avant l’achèvement des travaux ».
Ces éléments sont déterminants.
En effet, dans le cadre de la vente en l’état futur d’achèvement, l’acquéreur est en mesure d’exiger la réalisation d’un immeuble rigoureusement conforme à ses prescriptions contractuelles.
Le descriptif de l’immeuble est donc fondamental. A l’inverse d’une vente classique d’un immeuble achevé, l’acquéreur peut ici exiger un immeuble rigoureusement conforme à ce qui est inscrit dans les documents contractuels.
Le prix de vente.
Suivant l’article R261-14 du Code de la construction et de l’habitation :
« Les paiements ou dépôts ne peuvent excéder au total :
35% du prix à l’achèvement des fondations ;
70% à la mise hors d’eau ;
95% à l’achèvement de l’immeuble.
Le solde est payable lors de la mise du local à la disposition de l’acquéreur ; toutefois il peut être consigné en cas de contestation sur la conformité avec les prévisions du contrat ».
Le contrat peut comporter des pénalités en cas de retard dans les paiements. Le taux de celle-ci ne peut excéder 1% par mois.
Les obligations et garanties dues par le vendeur.
Le vendeur doit délivrer un immeuble conforme aux prévisions contractuelles, et dans un délai déterminé.
Précision importante, le vendeur conserve les pouvoirs de maître de l’ouvrage jusqu’à la réception des travaux.
En effet, c’est le vendeur qui va réceptionner les travaux. Il les livre en suivant (ou concomitamment) à l’acquéreur. Bien que possible, il est plus rare que la livraison se fasse avant la réception des travaux.
Le vendeur d’un immeuble à construire est plus particulièrement débiteur de diverses garanties.
Il doit tout d’abord garantir les désordres apparents.
A ce sujet, rappelons que
« Le vendeur ne peut être déchargé avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur des désordres apparents ».
En réalité, une interrogation subsiste quant à la portée exacte de cette disposition insérée à l’article 1642-1 du Code civil.
Suivant une jurisprudence claire de la Cour de cassation, cet article n’imposerait probablement pas à l’acquéreur de dénoncer ces désordres dans un délai d’un mois suivant la prise de possession de son bien. C’est en tout cas ce que semble retenir rigoureusement la Cour de cassation dans un arrêt du 16 décembre 2009 [2].
Cette disposition imposerait donc seulement que le désordre apparaisse dans le délai d’un mois suivant la prise de possession (ou à la date de la réception si celle-ci est postérieure au délai d’un mois suivant la prise de possession).
Quant à l’action de l’acquéreur pour dénoncer ces désordres, elle devrait être engagée dans le délai d’un an suivant la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents [3].
La prudence impose cependant de dénoncer tous les désordres apparents dans le délai d’un mois suivant la livraison. Le délai d’un an étant un délai certain pour agir en justice, et certaines jurisprudences retiennent bien que la dénonciation du désordre apparent doit être fait dans le mois suivant la prise de possession [4].
En tout état de cause, en dénonçant le désordre dans le délai d’un mois, l’acquéreur s’évitera tout débat sur la date d’apparition du désordre.
Le vendeur doit les garanties décennale et biennales [5].
Le vendeur ne doit pas la garantie des vices cachés [6] et il ne doit pas la garantie de parfait achèvement.
En effet, l’article 1792-6 du Code civil vise exclusivement les entrepreneurs. L’acquéreur pourra en revanche engager la garantie de parfait achèvement à l’encontre de l’entrepreneur qui a réalisé les travaux.
Soulignons encore qu’avant la conclusion d’un contrat prévu à l’article L261-10, le vendeur souscrit une garantie financière de l’achèvement de l’immeuble ou une garantie financière du remboursement des versements effectués en cas de résolution du contrat à défaut d’achèvement [7].
Cette garantie est très importante dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement. C’est elle qui va permettre à l’acquéreur d’être garanti de pouvoir achever son immeuble, même si le vendeur fait faillite, même si les entreprises intervenant sur le chantier sont défaillantes. Il est ainsi financièrement assuré qu’un organisme prendra à sa charge le coût d’achèvement de la construction.
L’article R261-17 du Code de la construction et de l’habitation précise en effet que :
« La garantie financière d’achèvement de l’immeuble résulte de l’intervention, dans les conditions prévues ci-après, d’une banque, d’un établissement financier habilité à faire des opérations de crédit immobilier, d’une entreprise d’assurance agréée à cet effet ou d’une société de caution mutuelle constituée conformément aux dispositions de la loi modifiée du 13 mars 1917, ayant pour objet l’organisation du crédit au petit et moyen commerce, à la petite et moyenne industrie ».
Retenons simplement que cette garantie peut prendre la forme soit d’une ouverture de crédit par laquelle celui qui l’a consentie s’oblige à avancer au vendeur ou à payer pour son compte les sommes nécessaires à l’achèvement de l’immeuble. Soit d’une convention de cautionnement aux termes de laquelle la caution s’oblige envers l’acquéreur, solidairement avec le vendeur, à payer les sommes nécessaires à l’achèvement de l’immeuble.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le contrat de vente en l’état futur d’achèvement est un régime intéressant pour l’acquéreur, avec de nombreuses garanties. C’est également un régime particulièrement lourd à mettre en œuvre, notamment en raison de son formalisme et des obligations que le vendeur doit respecter.