Je suis mis en examen, comment m’y préparer et quels sont mes droits ?

Par David Curiel et Anna-May Jacob Couderc, Avocats.

7824 lectures 1re Parution: 4.2  /5

Explorer : # mise en examen # droits du mis en examen # préparation juridique # détention provisoire

Aujourd’hui fréquemment pointée du doigt dans l’actualité, la mise en examen suscite inquiétudes et interrogations pour la personne concernée. Nous tentons de synthétiser dans cet article la chronologie et les principaux droits d’un individu mis en examen dans le cadre d’une information judiciaire.

-

1. Qu’est-ce qu’une mise en examen ?

Vous pouvez être mis en examen si le juge d’instruction estime qu’il existe à votre encontre des indices graves ou concordants prouvant que vous avez pu commettre une infraction.

Nous vous rassurons immédiatement sur le fait que cette mise en examen ne signifie pas que vous êtes coupable, il peut tout à fait y avoir un non-lieu à la fin de l’instruction. Ce non-lieu signifie qu’il n’y a pas suffisamment de preuves contre vous et que, par conséquent, vous ne serez jamais jugé pour les faits qui vous sont reprochés.

La mise en examen intervient à l’issue de l’interrogatoire de première comparution (IPC) mené par le juge d’instruction, soit directement après une garde à vue, soit à l’issue d’une enquête de police prolongée.

L’avocat est obligatoire durant l’interrogatoire de première comparution et vous avez également la possibilité d’être assisté par un interprète si besoin.

En cas d’IPC dans le cadre d’un déferrement postérieurement à une garde à vue, votre avocat aura eu très peu de temps pour consulter le dossier avant l’interrogatoire mais sera en mesure de vous communiquer les informations essentielles. Ce dernier se rendra ensuite dans les cellules du Tribunal pour s’entretenir avec vous et vous exposer les éléments à charge et à décharge retenus contre vous.

L’entretien est confidentiel et sans limite de temps. N’hésitez pas à informer votre avocat sur tout incident ayant pu survenir durant la garde à vue. Il est primordial que vous l’informiez également de tout élément susceptible de jouer en votre faveur dans l’hypothèse où le juge envisagerait un placement en détention provisoire (emploi, hébergement, famille, problèmes de santé…).

Lors de la présentation devant le juge d’instruction, vous aurez le droit de faire des déclarations spontanées, de répondre aux questions ou de vous taire.

Sauf en cas d’IPC programmé à l’avance, où vous aurez la possibilité de préparer cet interrogatoire avec votre avocat qui aura eu le temps de consulter intégralement le dossier, nous vous conseillons de ne pas répondre aux questions.

2. Que se passe-t-il à l’issue de ma mise en examen ?

Si le juge d’instruction décide de vous mettre en examen, vous pouvez :

a. Être placé sous contrôle judiciaire.

Dans ce cas, vous serez contraint de respecter un certain nombre d’obligations (pointage, soins psychologiques, formation/emploi, cautionnement...) et/ou d’interdictions (de paraître dans certains lieux, de contacter le ou la plaignante, de quitter le territoire métropolitain…).

b.Être assigné à résidence sous surveillance électronique [1].

Dans ce cas, vous serez dans l’obligation de porter un bracelet électronique et vos sorties seront réglementées. Les horaires sont prédéterminés avec le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP).

c. Être placé en détention provisoire.

Si le juge d’instruction estime que les éléments contenus dans le dossier, ainsi que les éléments de votre personnalité (notamment votre casier judiciaire), justifient un placement en détention provisoire, il saisira un second juge dénommé « Juge des libertés et de la détention » qui statuera sur votre placement (ou non) en détention provisoire, juste après votre interrogatoire de première comparution [2].

Sachez que vous pourrez faire appel dans les 10 jours de ce placement en détention et vous défendre au cours d’une audience devant la Chambre de l’instruction.

3. Quels sont les droits du mis en examen ?

En tant que mis en examen, vous avec bien évidemment un droit d’accès au contenu de la procédure, et ce, à tout moment de l’instruction, mais vous bénéficiez également de droits plus spécifiques, qui vous seront notifiés lors de l’IPC, et qui seront, pour la plupart, exercés par votre avocat.

a. Le droit de faire des demandes d’actes.

Le juge d’instruction instruit à charge et à décharge. Autrement dit, il est susceptible d’ordonner de nombreux actes d’investigation permettant de prouver votre culpabilité ou votre innocence.

A cette fin, votre avocat peut solliciter du juge d ’instruction, la réalisation de certains actes apparaissant nécessaires à la manifestation de la vérité, tels que l’audition d’un témoin important, une confrontation avec un témoin et/ou avec d’autres mis en examen dans le même dossier, une expertise etc.

En fonction de l’avancée de l’information judiciaire et au regard des différentes justifications qui pourront être apportées dans votre demande, le juge d’instruction pourra y faire droit.

b. Le droit de faire des requêtes en nullité.

Si vous estimez avoir fait l’objet d’un vice de procédure, vous avez la possibilité de formuler des requêtes en nullité auprès de la Chambre de l’instruction.

Vous disposez d’un délai de 6 mois à compter de votre mise en examen pour soulever les nullités intervenues avant à l’interrogatoire de première comparution, y compris durant la garde à vue.

Quelques exemples de vices de procédure fréquents en garde à vue : notification tardive de vos droits, absence de votre avocat lors de vos auditions alors que vous en aviez fait la demande ou encore le maintien d’une mesure de garde à vue pourtant déconseillée par le médecin…

Vous avez également la possibilité de solliciter la nullité de l’interrogatoire de première comparution et par conséquent, la nullité de votre mise en examen.

Compte tenu de la technicité et de la complexité des requêtes en nullité, nous vous invitons à faire appel à votre avocat pour effectuer ce type de démarche.

c. Le droit de demander la modification de votre contrôle judiciaire ou de solliciter votre mise en liberté.

Au cours de l’instruction du contrôle judiciaire, si votre situation personnelle et/ou professionnelle évolue, il est possible de saisir le juge d’instruction afin de demander une modification des obligations et interdictions auxquelles vous êtes astreint dans le cadre du contrôle judiciaire.

Il est également possible de solliciter des mainlevées « temporaires et partielles » de votre contrôle judiciaire vous permettant notamment de quitter le territoire pour une durée déterminée et à condition de respecter les autres obligations de votre contrôle judiciaire.
Dans l’hypothèse d’une instruction qui durerait plusieurs années, il est également possible de solliciter la mainlevée totale de votre contrôle judiciaire.

Si vous êtes placé en détention provisoire, l’objectif de votre avocat sera de transmettre, régulièrement, des demandes de mise en liberté.

En fonction des éléments de votre personnalité et des éléments à charge retenus contre vous, votre avocat est susceptible de solliciter votre remise en liberté assortie d’une assignation à résidence sous surveillance électronique. Autrement dit, vous sortirez avec un bracelet électronique.

d.Le droit de faire des observations à la fin de l’instruction.

Lorsque le juge d’instruction estime que les investigations sont terminées et que l’information judiciaire touche à sa fin, il envoie à chacune des parties un avis de fin d’information.

S’il compte présenter des observations et/ou demander des actes supplémentaires, votre avocat dispose alors d’un délai de 15 jours à compter de cet avis pour en informer le juge d’instruction. Votre avocat dispose ensuite d’un délai de 3 mois si aucun des mis en examen n’est placé en détention provisoire ou d’un mois si un des mis en examen est placé en détention provisoire, pour présenter ses observations.

Le principal objectif de ces observations est de mettre en lumière les éléments à décharge et/solliciter une éventuelle requalification des faits.

À la fin de l’instruction, si le juge estime qu’il existe des charges suffisantes à votre encontre, justifiant votre renvoi devant une juridiction de jugement, il rend une « ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel » (aussi appelée ORTC) ou une « ordonnance de mise en accusation devant la cour d’assises » (aussi appelée OMA). A l’inverse, s’il estime que les charges sont inexistantes ou insuffisantes à votre encontre, il rend une « ordonnance de non-lieu ».

e. Puis-je contester ma mise en examen ?

Il a été indiqué précédemment qu’il était possible de demander la nullité de l’interrogatoire de première comparution, et par conséquent, la nullité de la mise en examen.

Mais il est également possible, à l’issue d’un délai de 6 mois suivant l’interrogatoire de première comparution, de solliciter sa « démise en examen » et l’octroi du statut de témoin assisté.

Il s’agira de démontrer l’existence d’éléments nouveaux rendant inopérants les indices graves et/ou concordants qui ont été retenus contre vous au moment de votre mise en examen. Si cette demande aboutit, vous serez alors placé sous le statut de témoin assisté.

Le statut de témoin assisté est un statut intermédiaire entre celui de simple témoin et celui de mis en examen. Il est décidé par le juge d’instruction lorsqu’il existe des indices rendant vraisemblable une participation à l’infraction mais insuffisants pour le mettre en examen.

Le témoin assisté bénéficie du droit d’être assisté par un avocat et a également accès au dossier de la procédure. Néanmoins, aucune mesure de sûreté ne peut être prononcée à son égard. Autrement dit, il ne peut être placé ni sous contrôle judiciaire, ni sous assignation à résidence avec surveillance électrique, ni en détention provisoire.

Le mot de la fin.

Sachez qu’une instruction est susceptible de durer plusieurs années et que vous êtes présumé innocent jusqu’à ce qu’une juridiction de jugement statue sur votre culpabilité et prononce, le cas échéant, une peine à votre encontre.

Il est donc important d’être accompagné d’un avocat durant toute la durée de l’instruction afin que ce dernier s’assure que vos droits sont bien respectés.

David CURIEL, Avocat au Barreau de Paris
Anna-May JACOB COUDERC, Avocate au Barreau de Paris

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

5 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1L’assignation à résidence n’est pas possible immédiatement après l’interrogatoire de première comparution pour des raisons pratiques. En effet, l’assignation à résidence nécessite une enquête de faisabilité. Autrement dit, des inspecteurs doivent vérifier la possibilité matérielle de la pose du bracelet électronique et s’assurer que l’ensemble des occupants du domicile qui vous héberge sont en accord avec les modalités.

[2Si le juge d’instruction estime que le placement en détention provisoire n’est pas justifié et qu’il décide de ne pas saisir le Juge des libertés et de la détention, sachez que le Procureur de la République peut forcer la saisine du Juge des libertés et de la détention s’il estime qu’un placement en détention provisoire se justifie en matière criminelle ou pour les délits punis de 10 ans d’emprisonnement, conformément à l’article 137-4 du Code de procédure pénale.

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27852 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.

• L'IA dans les facultés de Droit : la révolution est en marche.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs