La société en participation est l’incarnation de la « société contrat » qui ne crée pas de personne morale et qui n’est constituée que d’un acte.
Elle résulte d’un accord de volonté entre les associés qui décident de mettre en commun des moyens (apports) avec pour but de partager les bénéfices de l’opération envisagée et le cas échéant d’un assumer les pertes.
Le contrat de société peut être écrit ou non. Il n’existe pas de formalisme pour le contrat de société en participation.
Article 1871 du Code civil.
Les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors « société en participation ». Elle n’est pas une personne morale et n’est pas soumise à publicité. Elle peut être prouvée par tous moyens.
S’agissant d’un contrat elle est soumise aux obligations prévues aux articles du Code civil régissant la formation et la validité du contrat [1].
S’agissant d’une société elle doit respecter le droit commun des sociétés [2].
La société créée de fait quant à elle n’existe que par un article unique du Code civil qui indique de manière lapidaire :
Article 1873.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux sociétés créées de fait.
Aucune définition légale n’est donnée, la seule information est qu’elle emprunte son régime à celui de la société en participation.
A ce stade de l’analyse, les sociétés sont jumelles pour avoir le même régime juridique et siamoises pour être attachées l’une à l’autre par un simple texte.
Dans ces conditions se pose donc immédiatement la question de l’autonomie de la société en participation par rapport à la société créée de fait ; disposant du même régime juridique cette autonomie doit être cherchée ailleurs. C’est donc dans les critères de qualification qu’il convient de chercher. L’autonomie de la société créée de fait n’a de sens que si les critères de qualification sont différents et si l’une peut appréhender des situations qui échappent à l’autre.
A ce propos la jurisprudence rappelle que la société en participation suppose la réunion des éléments traditionnelles de la société : les apports, la participation aux bénéfices et aux pertes et l’affectio societatis.
Du côté de la société créée de fait la jurisprudence formule les mêmes exigences [3] :
« Attendu que l’existence d’une société créée de fait entre concubins, qui exige la réunion des éléments caractérisant tout contrat de société, nécessite l’existence d’apports, l’intention de collaborer sur un pied d’égalité à la réalisation d’un projet commun et l’intention de participer aux bénéfices ou aux économies ainsi qu’aux pertes éventuelles pouvant en résulter ; que ces éléments cumulatifs doivent être établis séparément et ne peuvent se déduire les uns des autres ».
En résumé, les conditions de reconnaissance des deux sociétés sont les mêmes.
On passe, à ce niveau de notre analyse, des sociétés siamoises à la société schizophrène.
Quel est en effet la distinction qui justifie le maintien des deux notions qui ont le même régime juridique et qui ont les mêmes critères de qualification ?
On a l’habitude de dire que la société créée de fait est une société qui s’ignore. Une société spontanée.
Il y aurait donc une différence de nature entre la société en participation et la société créée de fait. La première serait un contrat et la seconde… autre chose.
Le critère entre les deux sociétés serait donc « l’animus contrahendi » c’est-à-dire la conscience ou la volonté de contracter, de s’engager juridiquement dans une opération.
Les associés de la société en participation auraient cette volonté que n’auraient pas les associés de la société créée de fait. Ce serait donc ce niveau de conscience qui permettrait d’appréhender des situations au titre de la société créée de fait qui n’entreraient pas dans le concept de société en participation.
Ce critère pose néanmoins une difficulté majeure compte tenu du droit positif. En effet la jurisprudence exige systématiquement pour reconnaitre l’existence d’une société créée de fait la constations de l’affectio societatis. Selon la Cour de cassation, l’affectio societatis peut se définir comme la volonté de chaque associé de collaborer effectivement à l’exploitation, dans un intérêt commun et sur un pied d’égalité [4].
Il est donc nécessaire, pour reconnaitre l’existence d’une société créée de fait, de constater cette volonté de collaborer.
Est-il alors envisageable d’avoir une volonté de collaborer sans avoir de volonté de s’engager au sens contractuel. En résumé, peut-il y avoir affectio sociétatis sans animus contrahendi ?
Cette question renvoi à une question plus large qui est celle du niveau de conscience ou de volonté exigé pour qu’un contrat se forme. Mais dans notre cas on perçoit immédiatement le côté spécieux de la distinction.
L’analyse de la jurisprudence tant à la conclusion que la société créée de fait ne serait qu’une forme non solennelle de la société en participation. En substance, lorsqu’il existe un contrat au sens instrumentum il y aurait société en participation et à défaut on retiendrait la notion de société créée de fait. Cette vision des choses est pourtant erronée car la société en participation n’exige aucun formalisme et surtout le formalisme à lui seul ne saurait consacrer une notion autonome.
Dans ces conditions pourquoi la notion de société créée de fait conserve-elle toujours cette vivacité dans la jurisprudence ?
La première raison est liée à l’existence même de la notion dans le Code civil. Si la notion existe on est tenté de l’utiliser.
La seconde raison est que, naturellement, on associe le concept de société à une entreprise et il peut paraitre étrange d’invoquer ce concept dans un autre environnement à savoir le droit de la famille (souvent le concubinage) terrain de prédilection de la société créée de fait.
Est-il pourtant contestable de qualifier de société en participation l’accord entre deux concubins de partager les bénéfices d’une opération dans laquelle le premier apporte un immeuble et le second son travail ?
La troisième raison est que le juge n’a aucun intérêt à requalifier de société en participation une société crée de fait pour la simple et bonne raison que les régimes juridiques sont les mêmes.
En tout état de cause le constat semble fait que les deux notions sont d’une telle proximité que l’on peut légitimement s’interroger sur la pertinence du maintien du concept de société créée de fait. A défaut, et si l’on voulait sauver la notion en lui donnant une véritable autonomie, il conviendrait de réfléchir à la persistance de l’exigence de l’affectio sociétatis .