SCI : peut-on prouver une cession de parts sociales lorsque le cédant n’a pas signé l’acte de cession ?

Par Eléonore Catoire, Avocate.

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Explorer : # cession de parts sociales # preuve écrite # signature contestée # droit des sociétés

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La cession des parts sociales dans une SCI nécessite un écrit, mais l'absence d'un acte formel ne rend pas la cession nulle. Un associé contesté a perdu son procès car il ne s'est pas intéressé à la société pendant des années, et des preuves corroborent la cession.
Description rédigée par l'IA du Village

Dans un nouvel arrêt quoiqu’inédit, la Chambre civile de la Cour de cassation est venue affirmer pour les SCI que l’écrit n’est pas exigé comme une condition de validité de la cession.

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Le Code Civil, qui encadre les dispositions applicables aux sociétés civiles, prévoit aux articles 1861 et suivants, le régime juridique de la cession des parts sociales : agrément des associés, notification du projet de cession, saisine d’un expert pour valorisation [1], droit de repentir de l’associé cédant, nantissement...

Plus précisément : la cession de parts sociales de sociétés civiles doit être constatée par écrit [2].

Un dossier de formalité doit être déposé auprès du tribunal de commerce pour mettre à jour la liste des associés avec la répartition exacte du capital social post-cession.

Au cas d’espèce, trois associés constituent une SCI avec pour objectif l’acquisition d’un local commercial.

Quelques années plus tard, la totalité des parts sociales sont cédées pour 2 000 euros au profit de deux acquéreurs : 1% pour une personne physique, 99% par une autre SCI.

Un acte de cession est enregistré et déposé au greffe du tribunal de commerce.

Quelques mois plus tard, l’actif immobilier de la SCI est vendu pour 1 million d’euros ....

La différence entre la valeur de 100% du capital de la SCI, et finalement de son actif cédé un an plus tard est abyssale.

Le contentieux prend son origine dans la contestation, par l’un des associés fondateurs, de sa signature sur l’acte de cession.

La saisine d’un expert judiciaire graphologue le confirme, il ne pouvait être tenu comme l’auteur de la signature et la mention apposée sur l’acte de cession litigieux puisque ce n’est pas sa signature.

Il assigne les deux acquéreurs en indemnisation de son préjudice.

L’associé fondateur à l’origine de l’acte introductif d’instance se voit débouté par les juges du fonds, lesquels considèrent que l’exigence d’un écrit constatant la cession de parts sociales n’est pas une condition de validité de la cession, valablement formée par l’échange de consentements.

Mécontent, le demandeur se pourvoit en cassation, mais une nouvelle fois les juges de la Haute Cour rejettent son argumentaire.

En réalité, même s’il appert qu’il n’avait pas signé lui-même l’acte de cession litigieux, la Cour de cassation s’est fondée sur une attestation postérieure à la cession, laquelle faisait expressément mention de la cession de ses parts sociales, certifiant par ailleurs le rachat de son propre compte courant.

Le dispositif rappelle :

« 7. Ayant exactement retenu que cette cession était soumise au droit commun de la preuve, elle s’est fondée, après avoir écarté l’acte de cession du 25 mars 2009, que M. [C] n’avait pas signé, sur une attestation du 5 octobre 2009 faisant expressément mention de la cession de ses parts sociales et certifiant le rachat de son compte courant au sein de la SCI Canala.
8. Ce document constitue un commencement de preuve par écrit, susceptible de suppléer l’écrit, dont elle a estimé qu’il était corroboré par le comportement de M. [C], lequel ne s’était pas étonné, de 2009 à 2014, de n’avoir été convoqué à aucune assemblée générale et de n’avoir reçu aucun document relatif à la vie de la société, ce dont elle a déduit qu’il savait avoir cédé ses parts depuis de nombreuses années.
9. Elle a, encore, retenu que la signature de M. [C] apposée sur cette attestation avait été certifiée par un fonctionnaire municipal, en présence de l’intéressé muni d’une pièce d’identité sur laquelle figurait une précédente signature, ce qui permettait d’authentifier l’acte litigieux et d’accréditer l’existence de la cession
 ».

Grâce à un faisceau d’indices, les juges ont entériné l’existence de la cession de parts sociales puisque :

  • Une attestation, signée par le demandeur à l’action, faisait état de la cession, et le rachat de son propre compte courant.
  • Cette attestation a été signée sous contrôle d’un fonctionnaire municipal lequel avait vérifié la carte d’identité du signataire.
  • L’associé fondateur s’est désintéressé pendant plusieurs années de la vie de la société, sans s’offusquer de l’absence de convocation aux assemblées générales, et de ne recevoir aucune information sur la vie sociale.

L’argument selon lequel « la fraude corrompt tout » n’a pas trouvé écho dans l’oreilles des juges suprêmes, lesquels ont appuyé la décision de leurs collègues de la cour d’appel.

Même si l’acte de cession litigieux a bien été écarté, les autres indices ont permis de considérer que la cession de parts sociales avait bien eu lieu.

L’absence d’écrit ne rend pas la cession nulle.

Il appartient alors à celui qui se prévaut d’une cession de parts sociales contestée, de rapporter la preuve de l’existence d’un accord sur la réalité de l’acte.

Si la question de la signature, certifiée par un fonctionnaire municipal est difficilement contestable, il est également reproché à l’associé demandeur de pas s’être intéressé à la société pendant plusieurs années après la cession contestée.

Il conteste avoir cédé ses parts en 2009, mais il se serait rendu compte qu’il n’était plus associé de la SCI, seulement en 2014 soit 6 ans après ?

Lorsque vous êtes associés d’une société, vous devez vous intéresser, récolter des informations auxquelles vous avez droit, et vérifier que vous êtes convoqués chaque année pour l’approbation des comptes de la société.

Dans chaque société, il faut au moins une assemblée générale par an.

Pour mémoire, s’agissant des SCI, le Code civil prévoit :

  • Le droit d’obtenir au moins une fois par an, communication des livres et documents sociaux
  • Le droit de poser par écrit des questions sur la gestion sociale. Le gérant devra y répondre dans un délai d’un mois.
  • Le droit d’obtenir la reddition des comptes, c’est-à-dire d’être convoqués en assemblée générale (au moins une fois par an), pour que les gérants rendent compte de leur gestion.

Simultanément, vous devez recevoir un rapport écrit sur l’ensemble de l’activité de la société au cours de l’exercice écoulé comportant l’indication des bénéfices réalisés/prévisibles, et des pertes encourues/prévues.

Les comptes n’ont pas à être déposés et publiés auprès du greffe du tribunal de commerce comme dans les sociétés commerciales, mais ces assemblées doivent tout de même être convoquées pour tenir les associés informés.

Vos statuts ou pactes d’associés peuvent vous attribuer des droits supplémentaires, pensez à vérifier.

Être associé de SCI ne vous rend pas passif, il vous appartient aussi de solliciter des informations à défaut, cela pourra vous être reprochés.

Eléonore Catoire,
Avocate au Barreau de Lille
https://www.catoire-avocat.com/

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[11843-4 du C.Civil.

[2Art 1865.

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