Rupture conventionnelle du salarié protégé : la procédure.

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Explorer : # salariés protégés # rupture conventionnelle # procédure # autorisation inspecteur du travail

Depuis son origine, la rupture conventionnelle peut être utilisée pour rompre le contrat de travail (à durée indéterminée) d’un salarié protégé. Une procédure particulière doit cependant être suivie, jusqu’à l’obtention d’une autorisation de l’inspecteur du travail.

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1. Quels sont les salariés protégés concernés ?

Selon l’article L1237-15, alinéa 1er du Code du travail :

« la rupture conventionnelle est applicable "aux salariés bénéficiant d’une protection, mentionnés aux articles L2411-1 et L2411-2" du même code ».

Les cas de protection visés à l’article L2411-1 sont au nombre de 20, parmi lesquels figurent les mandats de délégué syndical, membre élu à la délégation du personnel du CSE, représentant syndical au CSE, représentant de proximité, conseiller du salarié, conseiller prud’hommes, etc.

D’autres cas visés par ce texte sont beaucoup plus spécifiques (membre de la délégation du personnel du CSE interentreprises, membre du groupe spécial de négociation et membre du comité d’entreprise européen, membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société européenne, etc.).

Quant à l’article L2411-2, celui-ci énonce que sont également protégés le délégué syndical, le membre de la délégation du personnel du CSE, le représentant de proximité, institués par convention ou accord collectif de travail.

Attention : dans le silence des textes, l’administration considère que les salariés demandant l’organisation d’élections, les candidats aux fonctions électives, les anciens salariés protégés et les représentants de section syndicale, qui ne sont pas expressément visés par le dispositif, bénéficient de la rupture conventionnelle spécifique réservée aux représentants du personnel [1].

Un arrêt de la Cour d’appel de Paris a toutefois retenu la solution inverse pour le salarié candidat aux élections professionnelles [2].

Enfin, pour les médecins du travail, la rupture conventionnelle est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail, après avis du médecin inspecteur du travail [3].

2. Quelle est la procédure ?

Comme pour les salariés non protégés, l’employeur et le salarié protégé doivent discuter du principe et des conditions de la rupture conventionnelle, lors d’un ou de plusieurs entretiens préalables, au cours desquels chacun peut se faire assister.

2.1. Consultation du CSE.

Pour certains salariés protégés, l’employeur a l’obligation d’informer et de consulter le CSE, préalablement à la signature de la rupture conventionnelle, afin d’obtenir son avis.

Il s’agit des membres élus du CSE titulaires ou suppléants, des représentants syndicaux au CSE et des représentants de proximité [4].

Selon l’article L2421-4 du Code du travail, la consultation préalable est également requise pour les salariés investis de certains mandats particuliers (membre du groupe spécial de négociation et membre du comité d’entreprise européen, membre du groupe spécial de négociation et représentant au comité de la société issue de la fusion transfrontalière…).

Pour tous ces salariés, l’employeur doit convoquer le CSE, l’informer et le consulter sur le projet de rupture conventionnelle.

L’avis émis par le CSE est exprimé au scrutin secret après audition de l’intéressé [5].

A noter : selon le Conseil d’Etat [6], l’obligation de consultation du CSE (sur le licenciement de certains salariés protégés prévue par l’article L2421-3 du Code du travail) ne concerne que les entreprises de 50 salariés et plus.

2.2. Signature de la rupture conventionnelle.

Une fois l’avis (favorable ou défavorable) du CSE obtenu - quand il est requis - l’employeur et le salarié peuvent signer la rupture conventionnelle, en utilisant le formulaire relatif aux salariés protégés [7].

A noter : ce formulaire est quasiment identique à celui applicable aux salariés non protégés.

La seule différence entre les deux réside dans le fait que celui applicable aux salariés protégés ne contient pas de rubrique destinée à la DIRECCTE (aujourd’hui DREETS), puisque la rupture conventionnelle de leur contrat de travail est soumise à l’autorisation de l’inspecteur du travail et non à l’homologation de la DREETS.

La signature de la convention de rupture fait courir un délai de rétractation de 15 jours calendaires, comme pour les salariés non protégés.

3. Demande d’autorisation.

La demande d’autorisation de l’employeur ne peut intervenir, au plus tôt, que le lendemain de l’expiration du délai de rétractation.

La circulaire DGT n° 2008-11 du 22 juillet 2008 précise que cette demande doit être adressée à l’inspecteur du travail :

« selon les règles habituelles (C. trav. art. R2421-1 et suivants) accompagnée du formulaire spécifique aux salariés protégés de rupture conventionnelle qui contient la convention de rupture ».

L’inspecteur du travail compétent pour instruire la demande est celui dont dépend l’établissement dans lequel est employé le salarié protégé.

La demande d’autorisation doit être accompagnée du formulaire Cerfa (et de la convention de rupture annexe, le cas échéant) et du procès-verbal de la réunion du CSE, lorsque l’avis de ce dernier est requis [8].

Attention : il est impératif de porter à la connaissance de l’inspecteur du travail le ou les mandats détenus par le salarié protégé. Le formulaire ne contenant pas de case spécifique pour cette information, il faut l’indiquer dans la lettre de demande d’autorisation.

La demande d’autorisation peut être adressée à l’inspecteur du travail par voie électronique ou lettre recommandée avec avis de réception en deux exemplaires.

4. Rôle de l’inspecteur du travail.

Comme pour la procédure d’homologation, l’objet de la procédure d’autorisation consiste, pour l’inspecteur du travail, à vérifier le respect des conditions relatives à la rupture conventionnelle et de s’assurer de la liberté de consentement des parties.

L’inspecteur du travail doit, en outre, s’assurer de l’absence de toute pression de la part de l’employeur qui se rattacherait notamment à l’exercice du mandat du salarié, la décision autorisant la rupture conventionnelle devant toujours constater l’absence de lien avec le mandat [9].

L’inspecteur du travail doit procéder à une enquête contradictoire et entendre l’employeur et le salarié [10].

Il doit rendre sa décision dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la demande d’autorisation, son silence équivalant à un refus [11].

Enfin, la décision d’autorisation doit être motivée et notifiée par lettre recommandée avec avis de réception à l’employeur et au salarié.

La rupture du contrat de travail du salarié protégé ne peut intervenir que le lendemain du jour de l’autorisation [12].

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

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Notes de l'article:

[1Circ. DGT 07-2012 du 30-7-2012.

[2CA Paris 22-2-2012 n° 10-04217.

[3C. trav. art. L1237-15, al. 2.

[4C. trav. art. L2421-3.

[5C. trav. art. R2421-20.

[6Avis CE 29-12-2021 n° 453069 : JO 9-1-2022.

[7Cerfa n° 14599*01.

[8C. trav. art. R2421-1.

[9Circ. DGT n° 2008-11 du 22 juillet 2008.

[10C. trav. art. R2421-4.

[11C. trav. art. R2421-19 et R2421-22.

[12C. trav. art. L1237-15.

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