Les cloches des églises ou plus précisément leurs sonneries ont donné lieu à une jurisprudence abondante, parfois considérées comme une bataille laïque, parfois comme une position abusive de la part de nouveaux venus à la campagne.
Néanmoins il convient de distinguer selon que la sonnerie soit civile ou religieuse.
1. La règlementation applicable
A. Le droit de faire sonner les cloches
Le régime juridique des sonneries des cloches des églises est fixé par la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État et par le décret d’application du 16 mars 1906.
En effet, l’article 27 de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des églises et de l’Etat dispose que « les sonneries des cloches seront réglées par arrêté municipal, et, en cas de désaccord entre le maire et le président de l’association culturelle, par arrêté préfectoral. »
Cette même loi prévoit dans son article 43, qu’un décret déterminera les conditions et les cas dans lesquels les sonneries civiles pourront avoir lieu.
Ce décret, qui a été pris le 16 mars 1906 prévoit dans son article 51 que « les cloches des édifices servant à l’exercice public du culte peuvent être employées aux sonneries civiles dans le cas de péril commun qui exigent un prompt secours. Si elles sont placées dans un édifice appartenant à l’État, au département ou à la commune ou attribué à l’association culturelle en vertu des articles 4, 8, 9 de la loi du 9 décembre 1905, elles peuvent, en outre, être utilisées dans les circonstances où cet emploi est prescrit par les dispositions des lois et règlements, ou autorisé par les usages locaux ».
Les sonneries des cloches relèvent donc, sauf désaccord avec le président du conseil de fabrique ou du conseil paroissial, du maire qui, dans son pouvoir réglementaire, doit distinguer les sonneries dites civiles de celles religieuses.
Cette compétence du maire ne manque cependant pas de poser problèmes aux édiles.
B. Versus le droit à la tranquillité
En effet, le maire est également responsable de la police municipale compétente… en matière de bruit, ce qui ne va pas sans provoquer quelques heurts entre les habitants attachés aux sonneries des cloches et ceux qui aspirent à la tranquillité.
L’article L. 2212-1 du Code général des collectivités territoriales dispose que « le maire est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’État dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de la publication des actes de l’État qui y sont relatifs ».
L’article L. 2212-2-2° du même code prévoit que la police municipale comprend « le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique... telles que les bruits, y compris les bruits de voisinage... ».
C. Mesuré à l’aune du Code de la santé publique
Si certaines décisions plus anciennes ont clairement écarté les articles R 48-1 à R 48-4 Code de la santé publique en indiquant que : « il résulte des termes même de ces dispositions que les sonneries des cloches d’une église n’entre pas dans leur champs d’application » (Articles 48-1 à 48-4) du code de la santé publique - TA Dijon N°010068 ; 4 juin 2002 Commune de Givry).
Si les tribunaux s’accordent à dire que le Code de la santé publique n’est pas applicables en la matière, ils prennent cependant régulièrement le Code de la santé publique en compte en estimant par exemple, pour la cour d’appel de Douai que des mesures de bruit effectuées par un bureau de contrôle aux abords de la propriété des plaignants avaient révélé une émergence sonore de 8 dB(A).
Les juges prêtent ainsi attention à ces mesures, mais ils estiment cette émergence nettement inférieure à la valeur admissible qui est de 12 dB(A) (compte tenu du facteur correctif lié à la durée d’apparition du bruit perturbateur).
Pour ces raisons, la cour de Douai avait considéré que les nuisances sonores engendrées par les sonneries de la cloche de l’église de Férin ne pouvaient être regardées comme portant une atteinte à la tranquillité publique à laquelle le maire aurait été tenu de remédier, donnant ainsi raison au maire de la commune qui avait refusé de donner une suite favorable à la demande des plaignants (Cour administrative d’appel de Douai, 1ère Chambre N°04DA00251 du 26 mai 2005).
2. La distinction entre sonneries civiles ou religieuses
A. La distinction entre la sonnerie civile de celle religieuse
Cette disposition résulte des textes cités ci-dessus.
Il convient dès lors de faire la distinction entre les sonneries civiles et religieuses.
La distinction est au demeurant fort simple.
Sont considérées comme des sonneries civiles notamment la sonnerie des heures associées à une horloge, que l’horloge et les cloches soient sur un édifice civil (mairie, école…), ou qu’elles soient sur un édifice religieux du domaine public (appartenant à l’État ou à la commune), en réalité, toutes les sonneries qui ne sont pas reliées directement ou indirectement à un culte ou à une religion.
Les sonneries religieuses sont celles qui sont reliées à l’usage cultuel des cloches sises dans le clocher d’une église, quelle qu’elle soit : angélus, offices, cérémonies circonstancielles telles que mariage, naissance, décès etc
A titre d’exemple le Conseil d’État s‘est prononcé très tôt sur les sonneries qui résonnent à la pointe du jour ou au tombé de la nuit.
« Les sonneries qui ont lieu quotidiennement le matin au point du jour, à midi et le soir, à la tombée de la nuit, ont, par leur origine, un caractère religieux et, par suite, ne rentrent pas dans la catégorie des sonneries civiles autorisées par les usages locaux et que le maire peut seul réglementer par application de l’article 51 du décret du 16 mars 1906. Le même principe doit être appliqué à la sonnerie dite "du « glas » exécutée à l’occasion d’un décès, et il n’y a pas lieu de s’arrêter à cette circonstance qu’il est quelquefois procédé à cette sonnerie dans la commune par des parents ou amis de la personne décédée. » (Conseil d’Etat 4 Août 1913 Recueil Lebon N°51353)
B. La mise en pratique des textes
Il convient avant tout de rappeler que le maire ne saurait, sans se rendre coupable d’un excès de pouvoir, interdire toute sonnerie de cloches, quelle qu’elle soit, il porterait atteinte au libre exercice du culte, mais aussi serait dans l’illégalité puisqu’il prendrait une interdiction générale, ce qui n’est pas dans ses compétences.
« Ces mesures ne peuvent être prises d’une façon générale et absolue sur le territoire de la commune » (Conseil d’État 5 février 1960 - commune de Mougins)
D’autre part, le maire ne peut, sans excès de pouvoir, ordonner de sonner les cloches pour un événement non religieux pour lequel ni la loi ni les règlements ne prévoient de célébration nationale ou pour lequel l’usage n’est pas établi localement (CE 6 décembre 1918 - CE 26 décembre 1930)
Par contre, il peut tout à fait interdire ponctuellement des sonneries par exemple en cas de défaut de solidité du clocher (CE - Abbé Rambaud - 12 février 1909).
Il en va de même si l’interdiction est prise pour des motifs de défense nationale par exemple.
Par ailleurs le maire peut très bien refuser de limiter les sonneries des cloches civiles lorsqu’il s’agit d’un usage local.
Le Conseil d’État vient de rappeler les règles dans une décision récente, et de rappeler la définition de la notion d’usage local en matière de sonneries civiles.
La définition du Conseil d’État est limpide et sans ambiguïté :
« Considérant qu’il résulte de ces dispositions, en tant qu’elles régissent l’usage civil des cloches et non leur usage religieux, qu’à l’exception des sonneries d’alarmes et des sonneries prescrites par les lois et règlements, les cloches des édifices servant à l’exercice public du culte ne peuvent être employées à des fins civiles qu’à condition que leurs sonneries soient autorisées par les usages locaux ; que l’usage local s’entend de la pratique régulière et suffisamment durable de telles sonneries civiles dans la commune, à la condition que cette pratique n’ait pas été interrompue dans des conditions telles qu’il y ait lieu de la regarder comme abandonnée ; qu’en jugeant qu’un usage local des sonneries civiles de cloches, au sens des dispositions réglementaires précitées, ne pouvait procéder que d’une pratique qui existait lors de l’entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 1905 et n’avait pas été interrompue depuis lors, la cour administrative d’appel de Paris a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé » (Conseil d’Etat 14 octobre 2015 N° 374601).
En matière d’usage religieux, les dispositions sont un peu différentes.
En effet, il appartient au maire, en vertu de l’article 27 de la loi du 9 décembre 1905 et de l’article 50 du décret du 16 mars 1906, de régler par arrêté municipal l’usage des cloches dans l’intérêt de l’ordre public, et de concilier ce pouvoir avec le respect de la liberté des cultes garantie par l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 et par l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 (Conseil d’État, 8 juillet 1910).
En cas de désaccord entre le maire et le président de l’association cultuelle ou, à défaut, le curé ou le pasteur affectataire, le préfet prend l’arrêté.
Il est précisé que le maire ne peut édicter de mesures d’interdiction à des jours et heures, qui auraient pour effet de supprimer les sonneries d’offices religieux, alors même qu’aucun motif tiré de la nécessité de maintenir l’ordre et la tranquillité publique ne peut être invoqué (Conseil d’État, 11 novembre 1910).
Enfin, il convient que cette réglementation relève expressément du maire et non du conseil municipal, qui n’a pas de compétences en la matière.
Il convient cependant de rappeler qu’en matière d’utilisation cultuelle des sonneries, le plus souvent, les arrêtés ont été pris peu après la parution de la loi de 1905 et son décret d’application et que l’utilisation cultuelle des sonneries est fait l’objet de peu de jurisprudence, contrairement à l’utilisation civile des cloches qui elle fait l’objet d’une jurisprudence abondante, visant le plus souvent à supprimer les sonneries civiles nocturnes.
De façon surprenante la réglementation mise en place par la loi de 1905 n’est pas applicable sur l’intégralité du territoire de la République française.
Si l’application de la loi de 1905 a bien été étendue à la Martinique, à la Guadeloupe et à la Réunion à partir de 1911, la loi ne s’applique toujours pas en Guyane qui reste sous le régime de l’ordonnance royale du 27 août 1828. Cette situation n’a pas changé quand la Guyane est devenue un département.
Il convient de noter que sur territoire métropolitain lui-même, il existe une exception de taille.
3. Une réglementation à part : le cas de l’Alsace Moselle
La loi de séparation des Églises et de l’État a été adoptée en 1905, période pendant laquelle les départements d’Alsace-Moselle étaient annexés par l’empire allemand, à la suite de la défaite de 1870 et du traité de Francfort du 10 mars 1871. En 1918, quand l’Alsace-Moselle redevient française, la loi de 1905 n’y est pas appliquée. L’Alsace-Moselle conserve son droit local, ce qui est confirmé par la loi du 1er juin 1924.
La réglementation est ainsi particulière, comme l’a précisé le ministre de l’Intérieur, qui est également ministre de cultes, suite à une question écrite du sénateur de Moselle, monsieur Jean-Louis Masson.
« S’agissant des départements d’Alsace et de Moselle, la matière est régie par l’article organique 48 du culte catholique de la loi du 18 germinal an X dont les dispositions sont à interpréter au regard d’un avis du Conseil d’État du 17 juin 1840. Il en résulte que les règles relatives aux sonneries à caractère religieux sont définies conjointement par l’évêque et le préfet, ce qui a, du reste, été fait dans le département de la Moselle pour lequel un règlement daté du 29 août 1991 a formalisé l’accord intervenu entre ces deux autorités. Sa mise en œuvre ne nécessite pas d’arrêté préfectoral puisque son exécution incombe aux ministres du culte soumis au pouvoir hiérarchique de l’évêque. A défaut d’un tel règlement, il est procédé de la même manière que pour les sonneries à caractère civil dont les modalités sont fixées d’un commun accord par le maire et le curé ou desservant dans le respect des usages et coutumes en vigueur dans chaque commune sous réserve que ceux-ci ne présentent pas de graves inconvénients. Il est peu probable, de ce fait, que les conditions requises pour l’édiction d’une mesure de portée générale telle que celle évoquée par l’honorable parlementaire puissent être réunies dans ce cas. » (JO Sénat du 23/03/2006 - page 865)
En conclusion, si l’usage cultuel des sonneries pose peu de problèmes, celui civil de ces mêmes sonneries donne lieu à une jurisprudence fournie et abondante alimentée par des citoyens désireux de pouvoir dormir sur leurs deux oreilles.
Discussions en cours :
Est ce que une paroisse du diocèse a le droit de loue des salles en soirée et la nuit.?
Apartir de quel heure et jusqu’à quel heure ils ont le droite de la loué ?
Bonjour,
Mon voisin, installé dans notre village depuis 3 ans environ, a installé une cloche extérieure sur la façade supérieure de son habitation, qui sonne toutes les demies-heures minimum, sans compter l’angélus et les sonneries de passages à table et j’en passe...
Au début nous avons fait avec, pensant que nous allions nous y habituer, mais ce n’est malheureusement pas le cas, bien au contraire, et nous craignons de ne plus supporter ces sonneries incessantes !
Que pouvons-nous faire pour remédier à cela ?
Merci de votre aide...
Bonjour je très attaché au sonneries des cloches d eglise. Mais là c est un particulier et donc il n as pas le droit de faire un bruit qui dépasse un certain volume sonore nuit et jour là le maire est compétent pour faire cesser le bruit. Cordialement
Peut ont interdire un angelus à 16db
Bonjour,
16 db , n’est ce pas trop faible ? C’est moins que le bruit de fond d’une rue...
A la suite de plaintes, de 2/10 riverains, j’ai mesuré 86.6 db avec couverture nuageuse et 80 par temps clair.
L’Angélus dure 2.5 mn
Quelqu’un connait il la limite tolérée en DB ainsi que la durée de l’Angélus ?
Cdlt
Bonjour le texte ne fait pas mention des sonneries concernant l’utilisation des cloches pour indiquer les horaires, en effet que les cloches sonnent pour diverses raisons soit ... dans notre village les cloches sonnent les heures ,les quarts d’heures les demi heures les trois quarts et les heures de 7 heure du matin jusqu’à 22h00 plus les offices religieux mariages enterrements etc ... je vous laisse le soin de faire le calcul . Quand vous habitez sous le clocher pensez vous qu’on puisse jouir de la "tranquillité ? J’aimerais connaître votre avis et si possible nos droits . Un grand Merci
Bonjour , mon problème est un peu différent des cloches, mais j’espère que vous pourrez m’éclairer.
J’habite dans le bourg d’un petit village, en face de l’église. J’y loue des gîtes et chambres d’hôtes. Depuis quelque temps, lors d’un enterrement, la totalité de la cérémonie est diffusée par haut-parleur. Inutile de vous dire à quel point c’est inconfortable pour mes clients qui profitent de la piscine et en prennent plein les oreilles.
Est-ce légal ?