Le Conseil d’Etat définit la notion de « maison d’habitation individuelle ».

Par Cyrille Tchatat, Avocat.

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Explorer : # urbanisme # réglementation # construction

Le terme « maison d’habitation individuelle » contenu dans un document d’urbanisme ne peut être compris comme désignant uniquement une unité d’habitation et limitant le nombre de logements compris dans une construction. (CE 12 novembre 2012 Société agence Charles Katz , req. n° 344365 )

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Dans sa décision du 12 novembre 2012, le Conseil d’État juge que :

« 1. Considérant que, selon le règlement du plan d’occupation des sols de la commune de Louveciennes, la zone UG est une zone à caractère principal d’habitat individuel dans laquelle sont admises les " maisons d’habitation individuelles " ; qu’aux termes des dispositions de l’article UG 5 A de ce règlement, applicables au secteur UGa : " (...) le nombre de maisons individuelles que peut contenir une parcelle ne peut dépasser / - une maison par parcelle de 1 000 mètres carrés au moins ; / une maison supplémentaire par tranche de 750 mètres carrés au-delà des 1 000 mètres carrés de base contenus dans cette même parcelle, à la condition qu’il n’y ait ni division, ni détachement de parcelle. " ;

2. Considérant que si ces dispositions ont légalement limité la densité de l’habitat dans la zone à laquelle elles s’appliquent, elles n’ont pas pour objet et n’auraient pu légalement avoir pour effet de limiter le nombre de logements que ces constructions peuvent comporter ;

3. Considérant, par suite, que si le nombre de logement que comporte une construction est au nombre des critères qui permettent de la caractériser comme " maison individuelle " au sens de l’article UG 5 A cité ci-dessus du règlement du plan d’occupation des sols de Louveciennes, la cour a cependant entaché son arrêt d’erreur de droit en jugeant qu’une " maison individuelle " au sens de cet article ne pouvait comporter qu’une seule unité d’habitation, et en assimilant en conséquence une demande de permis de construire pour une maison individuelle comportant trois logements à une demande de permis de construire pour trois maisons individuelles au sens de cet article ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, son arrêt doit être annulé  » (CE 12 novembre 2012 Société Agence Charles Katz, req. n° 344365).

La Haute Juridiction censure ainsi l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Versailles par lequel cette dernière avait considéré que :

« ces dispositions ont pour objet et pour effet de limiter la densité des constructions dans le secteur UG a ; que, dès lors, les auteurs du plan d’occupation des sols de la commune de Louveciennes doivent être regardés comme ayant entendu désigner par l’expression maison individuelle toute unité d’habitation réalisée dans cette zone, et non, comme le soutient la société AGENCE CHARLES KATZ, toute construction individuelle présentant l’aspect d’un pavillon et pouvant comprendre deux, voire plusieurs logements ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le projet porte sur la construction de trois pavillons, les pavillons 1 et 3 comportant chacun deux logements, sous la forme de deux maisons jumelées ; que le projet doit par conséquent être regardé, aux sens des dispositions précitées de l’article UG 5, qui visent à encadrer le nombre de maisons individuelles pouvant être implantées sur une même parcelle, comme emportant la réalisation de cinq maisons individuelles ; qu’il est constant que la superficie totale du terrain d’assiette du projet est de 2 527 m² et est donc inférieure à la surface minimum de 4 000 m² exigée par lesdites dispositions ; que, dès lors, les premiers juges étaient fondés à estimer que les dispositions précitées de l’article UG 5 A précitées du règlement d’occupation des sols de la commune de Louveciennes avaient été méconnues  » (CAA Versailles 3 août 2010 Société Agence Charles Katz, req. n° 09VE00748).

La position adoptée par la Haute Juridiction s’infère de ses précédentes décisions par lesquelles elle a été amenée à définir les notions de « maison d’habitation » ou « Villa ».

Dans sa décision « Epx Agopyan » elle avait déjà jugé, au visa d’un cahier des charges de lotissement limitant les constructions aux villas, maisons de campagne, ou habitations bourgeoises, qu’un immeuble de trois niveaux destiné à l’habitation et comprenant 10 studios, 4 appartements de deux pièces et dix-sept places de stationnement ne pouvait être regardé ni par ses dimensions, ni par la qualité de sa construction et son agencement, ni par sa destination comme contraire aux prescriptions du cahier des charges d’un lotissement et surtout comme ne présentant pas le caractère d’une « habitation bourgeoise » (CE 28 janvier 1977 Epx Agopyan, req. n° 98918).

S’agissant précisément des « maisons à usage d’habitation », le Conseil d’Etat avait retenu que

«  Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 6 du règlement du cahier des charges du lotissement "Domaine du Château de l’Anglais" : "Il ne pourra être construit sur chacun des lots voisins de Nice, c’est-à-dire les lots n°s ... 23, 24 ... qu’une seule maison à usage d’habitation, dite villa, composée d’un simple rez-de-chaussée sur sous-sol élevé d’un étage et d’un garage particulier" ; que cette disposition ne permet qu’une seule construction sur chaque lot et en limite la hauteur, mais n’interdit pas de réaliser une construction comportant plusieurs logements

Considérant, eu égard au nombre limité de logements autorisés et aux qualités architecturales du projet, que ce dernier doit être regardé comme constituant une villa au sens des dispositions précitées » (CE 20 janvier 1988 Fouque, req. n° 64302).

Ainsi, il semblerait à la lecture de ces décisions, que de telles dispositions ne revêtent qu’une portée architecturale ou esthétique et tendent seulement à imposer l’édification de constructions ayant l’aspect de maison individuelle, sans que l’on ne puisse tenir compte de leur caractère mono ou pluri-familial.

Il apparaît que le juge fait preuve de pragmatisme et réalisme lorsqu’il interprète les dispositions d’un document d’urbanisme, relatives au type de construction autorisé dans une zone.

Les immeubles collectifs peuvent ainsi être accueillis dans une zone à vocation pavillonnaire, au regard de leur volume et de leur aspect.

Il a ainsi été jugé qu’un ensemble de 332 m2 de SHON, se composant de trois maisons d’un étage et de leurs annexes, agencée autour d’une cour commune constitue, par son architecture et sa faible superficie et alors même qu’elle comporte cinq logements distincts, une construction à usage d’habitation individuelle et non une construction à usage d’habitation collective, alors que l’article UG 2 du règlement du plan d’occupation des sols de la commune interdit, dans la zone où se trouve le terrain d’assiette les « constructions à usage d’habitation collective » (CE 22 juillet 1992 Comité de sauvegarde de Maurepas Village, req. n° 78196).

La décision du Conseil d’État du 12 novembre 2012 vient confirmer cette position et applique semble t-il pour la première au document d’urbanisme, la raisonnement retenu pour les cahiers de charge de lotissement, en soulignant que l’obligation de réaliser une seule maison sur une parcelle n’interdit pas de réaliser une construction comportant plusieurs logements.

Par ailleurs, la Haute Juridiction ne semble plus tenir compte du critère du nombre de logements pour apprécier la notion de maison d’habitation, alors même que ce critère a toujours été retenu pour dénier cette qualité à une construction (voir notamment : CE 24 novembre 1976 Emin, req. ° 97412 : pour un immeuble de 3 niveaux comportant 24 logements et 4 boutiques).

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Discussion en cours :

  • par SIMON , Le 23 janvier 2019 à 16:52

    Merci pour cet article très intéressant.
    Si je souhaite construire une maison+une annexe indépendante+un garage, cela est donc considéré comme une seule et unique maison d’habitation et non 2 est-ce bien cela ?

    Merci d’avance.

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