Quelles mentions doit-on faire figurer sur les CGV entre professionnels ? Par Natacha Smania, Avocat.

Quelles mentions doit-on faire figurer sur les CGV entre professionnels ?

Par Natacha Smania, Avocat.

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Explorer : # conditions générales de vente # mentions obligatoires # relations contractuelles # clauses contractuelles

Les articles de loi relatifs aux conditions générales de vente entre professionnels figurent dans la première section du chapitre sur la transparence de la relation commerciale, ce qui est révélateur de la volonté du législateur de les mettre en avant.
Ces conditions générales de vente constituent « le socle unique de la négociation commerciale » [1].

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Il convient donc d’apporter un soin tout particulier à leur rédaction, en précisant d’une part les mentions obligatoires et, d’autre part en fixant un cadre aux relations commerciales tout en respectant les dispositions légales et notamment, le droit commun des contrats.

En outre, il faudra veiller à l’équilibre global des relations contractuelles dans la mesure où le législateur est venu préciser que ces dernières ne doivent pas soumettre une des parties à des obligations qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties [2].

1/ Les mentions obligatoires.

L’article L441-1 du Code de commerce prévoit que les conditions générales de vente comprennent notamment les conditions de règlement, ainsi que les éléments de détermination du prix tels que le barème des prix unitaires et les éventuelles réductions de prix.

Le barème des prix unitaires : il peut être défini comme : les éléments de référence qui permettent la détermination du prix, notamment si le prix est soumis à un cours variable. Il peut dès lors s’agir d’un tarif de base qui serait affecté d’un coefficient ou d’un indice.

Leur durée de validité et leur date d’application sont fixées librement entre les parties.

Il convient d’être attentif au III de l’article L441-1 du Code de commerce qui prévoit que lorsque le prix d’un service ne peut être déterminé a priori ou indiqué avec exactitude, le prestataire de services est tenu de communiquer au destinataire qui en fait la demande la méthode de calcul du prix permettant de vérifier ce dernier, ou un devis suffisamment détaillé.

A noter s’agissant des produits agricoles ou des produits alimentaires comportant un ou plusieurs produits agricoles qu’en application de l’article L443-4 du Code de commerce, les conditions générales de vente doivent faire mention des éventuels indicateurs ayant servi à la détermination des prix.

Les conditions de règlement : il conviendra de mentionner les délais de paiement lesquels doivent respecter les règles prévues aux articles L441-10 et L441-11 du Code de commerce.

L’article L441-10 du Code de commerce prévoit que les conditions de règlement doivent préciser les conditions d’application et le taux d’intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture, ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes facturées sont réglées après la date d’exigibilité, et qui s’élève à ce jour à la somme de 40 euros.

Le fait de ne pas mentionner ces éléments est passible d’une amende administrative.

L’obligation d’information : l’article L441-2 du Code de commerce prévoit que tout prestataire de service est tenu des obligations d’information prévues à l’article L111-2 du Code de la consommation.

Le délai de rétractation : principalement réservé aux contrats conclus entre un professionnel et un consommateur, le délai de rétractation existe également dans les relations entre professionnels sous certaines conditions en application de l’article L221-33 du Code de la consommation :
- Le contrat doit avoir été conclu hors établissement,
- L’objet du contrat ne doit pas entrer dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité,
- Le nombre de salariés employés par le client professionnel doit être inférieur à 5.

2/ Les conditions de vente.

Bien que n’ayant pas un caractère obligatoire, certaines mentions sont incontournables pour le professionnel en cas de litige.

La clause de réserve de propriété : l’article 1196 du Code civil prévoit que les parties ont la possibilité d’aménager conventionnellement le moment où a lieu le transfert de propriété.

Cela aura notamment pour intérêt de permettre au vendeur de pouvoir sous certaines conditions exercer une action en revendication dans le cadre d’une procédure collective de son client.

Cette clause est valable entre les parties mêmes si elle est stipulée dans un ensemble contractuel, toutefois l’article L624-16 du Code de commerce prévoit que la clause doit avoir été convenue entre les parties dans un écrit au plus tard au moment de la livraison.

Il est conseillé de faire figurer cette clause en caractère apparent, dans la mesure où la Cour de Cassation a jugé que la clause doit figurer de façon apparente, très lisible et non équivoque.

Ainsi, la connaissance de la clause par l’acquéreur n’est pas acquise dès lors que la clause figure au dos des bons de livraison et des factures, sans distinction apparente au milieu des autres conditions générales de vente et sans que l’attention de l’acheteur ait été appelée par une mention en caractères gras et apparents au recto desdits documents [3].

Le transfert des risques : En principe, le transfert des risques est lié au transfert de la propriété et s’opère au jour où la vente est parfaite, c’est-à-dire selon le Code civil au jour où le vendeur et l’acheteur sont d’accord sur la chose et le prix, lorsqu’il s’agit d’une vente en bloc ou d’un corps certain, ou au jour de l’individualisation de la chose pour les choses de genre.

Il convient d’être attentif en cas de clause de réserve de propriété puisque sauf accord contraire des parties, le risque de détérioration de la chose reste à la charge du vendeur.

Il est parfaitement possible d’indiquer dans les conditions générales de vente que le transfert des risques se fait à l’acheteur dès la vente mais que le vendeur conserve la propriété des marchandises jusqu’à complet paiement.

Dans ce cas l’indemnité d’assurance, subrogée aux biens dont le vendeur était demeuré propriétaire n’entre pas dans le patrimoine de l’acheteur [4].

Les clauses relatives à la livraison : pour les contrats conclus entre professionnels, il est possible de stipuler que le délai de livraison n’a qu’une valeur indicative.

Dans ce cas, les juges vont se conformer aux usages de la profession pour apprécier le délai raisonnable dans lequel le vendeur a l’obligation de procéder à la livraison du bien.

En l’absence de mention du caractère impératif du délai de livraison dans les conditions générales de vente ou dans un document contractuel ne les juges du fond apprécient l’attitude des parties pour déterminer si le délai de livraison est un délai impératif ou non [5].

Pour apprécier le manquement du vendeur à son obligation de délivrance, le juge tiendra compte des usages ou des objectifs du contrat ainsi que de l’attitude des parties [6].

A noter que la clause des conditions générales de vente qui précise que des délais de livraison sont « toujours donnés à titre indicatif sauf stipulation expresse contraire » et qu’aucun dépassement de délai n’ouvre droit à dommages et intérêts au profit de l’acheteur, ni à retenue, ni à annulation ou résolution de la commande crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

Toujours s’agissant des clauses relatives à la livraison, il peut être pertinent d’indiquer les conditions particulières de réalisation de la livraison : par exemple si celle-ci nécessite le passage d’un poids lourd ou d’un véhicule particulièrement volumineux, ainsi que les éléments que doit prévoir l’acheteur pour le stockage.

Les clauses limitatives de responsabilité : ces clauses sont valables dans les contrats entre professionnels sous certaines conditions.

Il est essentiel de s’assurer qu’elles sont conformes à l’article 1170 du Code civil.

En matière de vices cachés, pour que ces clauses soient opposables à l’acheteur, la vente doit avoir été conclue entre professionnels de même spécialité. Les juges interprètent strictement la notion d’identité de spécialité.

Logiquement, la jurisprudence considère qu’il est impossible de se délier de son obligation de délivrance conforme du produit livré : Le fournisseur ne saurait invoquer ses conditions générales de vente pour opposer à son client une garantie limitée au remplacement du produit, un vendeur ne pouvant se dégager de sa garantie lorsqu’il ne fournit pas un produit conforme à sa destination [7].

La clause interdisant à l’acheteur de refuser la marchandise en toute hypothèse a également été jugée nulle par la jurisprudence.

Les clauses relatives à la garantie contractuelle : Si le vendeur prévoit une garantie contractuelle, elle sera mentionnée au sein des conditions générales de vente.

3/ Les clauses relatives à la résolution du contrat ou à la gestion des différents.

La force majeure : selon le secteur d’activité du vendeur, il peut être opportun d’aménager les clauses concernant la force majeure.

Les parties ont par exemple la possibilité de fixer dans leurs conditions générales de vente des évènements qu’elles considèrent comme relevant de la force majeure.

La clause attributive de compétence : Dans les relations entre commerçants elle permettra à une entreprise de maitriser ses couts en matière de représentation en justice en faisant intervenir son conseil habituel en cas de litige.

Pour être valable et opposable la clause attributive de juridiction doit avoir été connue et acceptée par la partie à qui elle est opposée, ainsi, lorsqu’une clause attributive de juridiction est stipulée dans les conditions générales d’une partie, elle n’est valable et opposable à l’autre partie que si dans le texte même du contrat signé par les deux parties, un renvoi explicite est fait à ces conditions générales, que ce renvoi est susceptible d’être contrôlé par une personne faisant preuve d’une diligence normale et s’il est établi que lesdites conditions générales ont été effectivement communiquées à l’autre partie contractante [8].

Les clauses de résolution amiable des litiges : Si ces clauses sont très utiles, il convient tout de même d’être prudent et de ne pas alourdir les litiges que peuvent rencontrer les entreprises en multipliant les préalables au procès.

L’application des législations particulières : Dans de nombreux domaines il existe des législations spéciales qui encadrent les relations entre les parties.

Si le professionnel est concerné, il est nécessaire d’adapter ses conditions générales de vente pour qu’elles prennent en compte les lois spéciales.

Il s’agit notamment des contrats de transport, d’exploitation forestière…

3/ L’opposabilité des conditions générales de vente.

Il convient de rappeler qu’en application de l’article 1119 du Code civil, si le fournisseur est incapable de justifier avoir d’une part porté à la connaissance de son cocontractant, ses conditions générales de vente et d’autre part que ce dernier les a acceptées, elles sont inutiles et ne ne pourront pas lui être opposé.

Le plus sûr reste de se ménager la preuve de l’acceptation des conditions générales de vente en les faisant signer par le co-contractant.

En pratique, il est également fréquent de les faire figurer sur les documents contractuels tels que les bons de commande ou les devis.

Encore trop de professionnels les produisent uniquement au dos de leurs factures, ce qui n’est pas suffisant pour démontrer que le professionnel en a eu connaissance.

C’est pourquoi l’accompagnement d’un professionnel du droit est nécessaire pour encadrer la rédaction de ces conditions générales de vente ainsi que leur mise en place au sein de l’entreprise.

Natacha Smania,
Avocat en droit des affaires et droit du travail,
Barreau de Sarreguemines.

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Notes de l'article:

[1Article L441-1 du Code de commerce.

[2Article L442-2 du Code de commerce.

[3Cass Com 14 juin 1994 n° 92-10.633.

[4Cass, Com 6 juillet 1993 n° 91-12.723.

[5Cass, Com 19 décembre 1995 n°93-21.528.

[6Cass, com 19 février 2008 n°07-10.943.

[7Cass, Com, 20 mars 2001 n°97-18.492.

[8Cass, 1ère civ 15 mai 2018 n°17-12.044.

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