1. Les faits
Une salariée est embauchée par une société de production, à compter du 1ᵉʳ septembre 2008, en CDD d’usage, en qualité de corédactrice en chef à plein temps d’un programme télévisé, pour la saison 2006/2007.
Son contrat est renouvelé chaque année jusqu’à la saison 2013/2014.
A l’échéance de son CDD, la salariée saisit le Conseil des prud’hommes pour faire requalifier son contrat en CDI et obtenir le paiement de diverses indemnités.
Les parties concluent alors un accord transactionnel, en application duquel la salariée perçoit la somme de 90.000 euros à titre de dommages-intérêts, réparant son « préjudice moral et professionnel ».
A la suite d’un contrôle, l’URSSAF estime que la salariée n’a pas subi un réel préjudice financier et moral du fait de la rupture de son contrat de travail, ayant perçu une indemnité alors que le contrat en CDD « devait s’arrêter de lui-même ».
L’URSSAF en déduit que cette indemnité devait bien être soumise à cotisations.
Pour la Cour d’appel, même si l’employeur contestait l’ensemble des griefs et préjudices avancés par la salariée, ceux-ci étaient suffisamment nombreux et variés pour faire craindre à l’employeur une condamnation par le Conseil des prud’hommes.
La salariée faisait notamment référence à un arrêt maladie dû à ses conditions de travail et à un arrêt brutal de la reconduction du CDD d’usage, après 8 contrats successifs, remettant en cause ses compétences professionnelles.
Pour les magistrats, l’indemnité transactionnelle avait donc pour vocation « d’indemniser la salariée du préjudice qui était la conséquence de cette fin de contrats, après l’avoir maintenue dans une situation précaire pendant 8 ans et se séparant d’elle alors même que l’émission à laquelle elle était liée se poursuivait ».
En conclusion, la cour d’appel a confirmé le jugement du Tribunal judiciaire de Nanterre ayant exclu l’indemnité de l’assiette des cotisations et contributions sociales.
2. Les précédents jurisprudentiels.
En dehors du cas particulier des indemnités de rupture, l’indemnité transactionnelle versée au salarié peut avoir pour objet de régler un litige relatif à :
- des éléments de salaire : heures supplémentaires, primes diverses, indemnité de non-concurrence…
- une souffrance physique ou psychique (au sens du « pretium doloris ») : harcèlement moral ou sexuel, préjudice lié à une situation de souffrance au travail, à la violation du droit au repos…
Or, c’est la nature de l’élément réparé par l’indemnité transactionnelle qui détermine son régime social et fiscal.
Par principe, les sommes versées en exécution des transactions conclues avec les salariés constituant un élément de rémunération versé en contrepartie ou à l’occasion du travail entrent dans l’assiette des cotisations et contributions [1].
A l’inverse, si l’indemnité transactionnelle a pour objet de réparer un préjudice dénué de tout caractère salarial, elle n’a pas à être assujettie aux cotisations et contributions sociales, à la CSG, à la CRDS et aux taxes et participations assises sur les salaires dont l’assiette est harmonisée avec celle des cotisations de Sécurité sociale.
La Cour de cassation [2] considère, en effet, que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail sont comprises dans l’assiette des cotisations, à moins que l’employeur rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice.
Il en résulte que les sommes versées par l’employeur pour indemniser le salarié victime d’un préjudice physique, psychique, psychologique, moral, d’image, etc., doivent s’entendre nettes de cotisations.
La Cour de cassation [3] a réaffirmé cette jurisprudence à l’occasion d’une affaire dans laquelle les juges ont fait ressortir « la commune intention des parties d’indemniser les salariés des conséquences du manquement de l’employeur à ses obligations en matière de santé et de sécurité au travail ».
L’administration, elle-même, admet cette solution.
Le bulletin officiel de la Sécurité sociale (« Boss ») [4] énonce ainsi que :
« en dehors des indemnités pouvant être exclues de l’assiette des cotisations et contributions sociales dans les conditions prévues par la loi, une somme représentative de dommages-intérêts indemnisant un préjudice (moral ou personnel) autre que la perte de salaire peut dans certains cas être exclue de l’assiette des cotisations, lorsque l’employeur apporte la preuve qu’elle concourt, pour tout ou partie de son montant, à l’indemnisation d’un préjudice résultant de la rupture du contrat de travail du salarié. Il en va ainsi lorsqu’une décision de justice constate la réalité de ce préjudice et considère que les sommes versées constituent des dommages-intérêts ».
Le Boss vise l’indemnisation d’un préjudice résultant de la rupture du contrat de travail mais la solution est similaire pour le préjudice subi pendant l’exécution du contrat de travail.
Sur le plan fiscal, les dommages-intérêts versés au salarié en réparation d’un préjudice lié à l’exécution du contrat et n’ayant aucun lien avec un élément de salaire ne sont pas visés par les articles 79 à 81 quater du Code général des impôts (CGI).
Pour rappel, ces articles définissent le revenu imposable et sont compris dans un § V du CGI intitulé « V : Traitements, salaires, pensions et rentes viagères (Articles 79 à 90) ».
Par exception, il résulte de l’article 80 du CGI que sont imposées comme des traitements et salaires les indemnités, au-delà d’un million d’euros, « perçues au titre du préjudice moral fixées par décision de justice ».