Quand la Cour de cassation invente le concubinage... sans cohabitation.

Par Samy Merlo, Juriste.

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Explorer : # concubinage # interprétation juridique # circonstances aggravantes # cohabitation

Ce que vous allez lire ici :

La Cour de cassation a rendu un arrêt dans lequel elle interprète la notion de concubinage de manière inattendue. Elle considère qu'une situation de concubinage peut exister même en l'absence de cohabitation. Cette décision soulève des interrogations quant à la définition précise du terme "concubin" et à ses conséquences juridiques.
Description rédigée par l'IA du Village

Aux termes de l’article 515-8 du Code civil : « Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ».

-

La notion de concubinage est légalement définie par le Code civil, aux termes rappelés ci-avant.

Par un arrêt QPC rendu le 14 février 2024 (n° 23-86.776), la Cour de cassation, Chambre criminelle, a livré une interprétation pour le moins inattendue de ces dispositions.

Faits et procédure.

Monsieur X... a été condamné, successivement, par le Tribunal correctionnel de Charleville-Mézières, puis la Cour d’appel de Reims, pour des faits de menaces de mort commis sur la personne de son « ex-compagne ».

Ces menaces sont donc aggravées par la qualité de la victime.

Le condamné s’est pourvu en cassation et a déposé, à cette occasion, plusieurs mémoires personnels, dont un mémoire QPC à l’encontre de l’article 132-80 du Code pénal.

Solution et portée de l’arrêt.

L’article 132-80 du Code pénal dispose :

« Dans les cas respectivement prévus par la loi ou le règlement, les peines encourues pour un crime, un délit ou une contravention sont aggravées lorsque l’infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas.
La circonstance aggravante prévue au premier alinéa est également constituée lorsque les faits sont commis par l’ancien conjoint, l’ancien concubin ou l’ancien partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité. Les dispositions du présent alinéa sont applicables dès lors que l’infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l’auteur des faits et la victime
 ».

La question prioritaire de constitutionnalité, ou "QPC", est ainsi rédigée :

« L’article 132-80 du Code pénal, en tant qu’il prévoit, dans les cas prévus par la loi ou le règlement, une circonstance aggravante générale en l’état de la qualité de conjoint ou ancien conjoint, de concubin ou ancien concubin, de l’auteur d’une infraction par rapport à sa victime, méconnaît-il les principes de légalité des délits et des peines (art. 5 et 8 DDHC) et de clarté de la loi (art. 34 Constitution), dès lors que le législateur a omis de définir précisément ce qu’il entendait par « conjoint » ou « concubin » au sens de cet article, l’ambiguïté de ce dernier terme étant renforcée de surcroît par les mots « y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas » ? »

Sur le terme "conjoint".

La Cour de cassation a rappelé, très simplement, que :

« 5. D’une part, la circonstance aggravante prévue par le texte contesté, en ce qu’elle s’applique au conjoint de la victime, vise la personne unie à cette dernière par le mariage. »

Rien d’aberrant ici, si ce n’est que le mémoire soulevait plusieurs interrogations éludées par la cour, notamment :

  • si un mariage contracté à l’étranger, mais non reconnu par les autorités françaises, pouvait constituer la circonstance aggravante,
  • si un mariage religieux pouvait ou non suffire là encore à constituer une telle circonstance,
  • et si l’annulation judiciaire du mariage pouvait ou non permettre au prévenu de se dédouaner de cette circonstance.

Ces interrogations restent donc sans réponse à ce jour.

Sur le terme "concubin".

Mais surtout, l’interprétation la plus novatrice porte sur l’interprétation du terme "concubin".

La cour a statué ainsi :

« 6. D’autre part, le juge pénal, pour apprécier l’existence d’une situation de concubinage, actuelle ou passée, doit faire application de l’article 515-8 du Code civil qui définit le concubinage comme une union de fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité entre deux personnes de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple, cette définition n’étant pas incompatible, le cas échéant, avec une absence de cohabitation  ».

La Cour de cassation, Chambre criminelle, considère donc qu’une situation de "concubinage" peut exister en l’absence de cohabitation.

Il nous avait semblé, au contraire, que la cohabitation était une condition sine qua non pour caractériser une situation de concubinage, dans la mesure où les concubins sont unis de facto, contrairement aux époux ou aux partenaires de PACS, lesquels sont quant à eux unis de jure, avec ou sans cohabitation.

Les hauts magistrats ne sont toutefois pas de cet avis.

Dont acte.

Samy Merlo, Juriste auto-entrepreneur
Mail : samy.merlo.juriste chez laposte.net
Site internet : (voir profil)

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Discussion en cours :

  • par Nathalie CARBINER , Le 26 février 2024 à 14:26

    Lorsque j’étais à la fac, on nous disait que pour qu’il y ait concubinage il fallait une "relation stable, notoire et continue".
    Il n’y a avait donc pas forcément besoin d’une cohabitation pour considérer qu’il y avait concubinage.
    La chambre criminelle se rapproche de cette notion d’antan....(même si j’entends qu’elle va à l’encontre du texte)

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