Dans le meilleur des mondes, après le décès d’un propriétaire bailleur, le preneur reçoit, dans les plus brefs délais une notification du décès et du changement de propriétaire bailleur conformément au règlement de la succession.
La notification est généralement adressée au preneur au moyen d’une lettre recommandée avec accusé de réception, par le gestionnaire mandataire ou le nouveau propriétaire bailleur.
Dans cette hypothèse, le preneur qui envisage la délivrance d’un congé pour mettre fin au bail pourra l’adresser au nouveau propriétaire bailleur, sans aucune difficulté. Le décès de l’ancien bailleur n’aura aucune incidence sur la validité du congé.
Parfois, les choses sont loin d’être aussi simples.
En effet, dans un cas d’espèce, après le décès du propriétaire bailleur, le gestionnaire mandataire a continué à prélever les loyers au titre d’un mandat spécial l’y autorisant, dont le preneur ignorait l’existence, et n’a pas pris le soin de l’en informer.
Le preneur ayant pris la décision de cesser son exploitation, entendait mettre rapidement un terme à son bail commercial, qui, par chance se trouvait en tacite prolongation.
Pour rappel, le bail commercial est en tacite prolongation lorsqu’il n’est pas renouvelé à l’échéance des neuf ans. Le bail se poursuit aux mêmes clauses et conditions. Chacune des parties peut y mettre fin par la délivrance d’un congé pour le dernier jour du trimestre civil, en respectant simplement un préavis de six mois [1].
Toutefois, la situation se complique suite à une enquête révélant au preneur deux informations qui bouleversent totalement son projet de congé immédiat :
- d’une part, le décès du propriétaire bailleur ;
- d’autre part, la complexité successorale dans la mesure où il n’existe aucun héritier connu et que la succession fait l’objet d’une procédure contentieuse à la requête du légataire potentiel.
Dans ce cas de figure, se pose la question de l’identification de la ou des personne(s) habilitée(s) à recevoir valablement le congé.
Contrairement à la demande de renouvellement pouvant être adressée valablement soit au propriétaire bailleur soit à son gestionnaire mandataire, à défaut de clause contraire dans le bail, le congé pour mettre fin au bail doit être adressé au seul propriétaire bailleur, sous peine de nullité [2]. Il a été admis que le congé puisse être valablement délivré au gestionnaire mandataire à condition que ce dernier dispose d’un mandat spécial à cet effet, le mandat de gestion général étant insuffisant.
En l’espèce, ni le gestionnaire mandataire, ni le notaire, ni même le potentiel légataire ne sont valablement habilités à recevoir le congé.
La seule solution juridique valable [3] consiste à saisir le Président du Tribunal judiciaire dans le ressort duquel la succession est ouverte, aux fins de nomination d’un administrateur judiciaire de la succession, en vue de lui délivrer valablement le congé [4].
Or, le temps judiciaire n’est pas le temps des affaires, il faut compter en moyenne six à douze mois pour une telle procédure. Cette contrainte de temps oblige de facto le preneur à repousser la date de délivrance du congé, et par conséquent, à continuer à s’acquitter des loyers dont il souhaitait faire l’économie.
Le preneur désireux de cesser son activité qui souhaite délivrer un congé pour mettre fin à son bail commercial, en cas de décès de son propriétaire bailleur et en cas de complexité successorale se trouve complètement démuni.
Il est tout de même conseillé au preneur de délivrer un congé par acte extrajudiciaire à toutes les parties intéressées : le gestionnaire mandataire, le notaire et le légataire potentiel de la succession. A partir de là, deux hypothèses sont possibles : soit un des destinataires du congé accepte de recevoir les clés auquel cas, la nullité sera couverte, soit aucun n’accepte de recevoir les clés, dans ce cas, il convient de mettre en œuvre la procédure de désignation de l’administrateur judiciaire.
Pour plus de sécurité, cette procédure doit être mise en œuvre en parallèle de la délivrance des congés.