Les épreuves de vérification des connaissances (EVC) sont, pour bon nombre de praticiens à diplôme hors Union européenne (PADHUE) un "graal [1]" qui leur permet d’espérer l’obtention de leur sésame : une autorisation d’exercice, pérenne, pleine et entière.
Or la réussite des EVC n’ouvre aucun droit automatique à l’exercice de la médecine en France. Encore faut-il que les lauréats justifient, en plus, « d’un parcours de consolidation de compétences dans leur spécialité ». Ils sont pour cela « affectés sur un poste par décision du ministre chargé de la Santé ou, sur délégation, du directeur général du Centre national de gestion » (Article L4111-2, I du Code de la Santé publique).
Quel est l’objet de ce "PCC" ?
Il s’agit de vérifier de manière pragmatique « l’aptitude du demandeur à exercer la profession de médecin dans la spécialité concernée » (Article R4111-18 du Code de la Santé publique) par une mise en situation « réelle » : il s’agit d’évaluer ses compétences concrètes, sur le terrain, « au sein des établissements de santé publics ou privés à but non lucratif, au sein des établissements sociaux ou médico-sociaux ou au sein des structures d’exercice coordonné mentionnées aux articles L6323-1 et L6323-3 » (Articles L4111-2, Iet R4111-1-1 du Code de la Santé publique).
Pour cela, l’intéressé exerce sous statut de praticien associé et assume ses fonctions « par délégation, sous la responsabilité directe du praticien responsable de la structure dont ils relèvent ou de l’un de ses collaborateurs médecin » (Articles R6152-901 et -902 du Code de la Santé publique).
La durée de ce parcours est désormais de « deux ans pour les candidats à la profession de médecin et d’un an pour les candidats à la profession de chirurgien-dentiste et de sage-femme » et il doit logiquement être effectué « dans la spécialité pour laquelle les candidats sollicitent l’autorisation d’exercice » (Article R4111-6 du Code de la Santé publique).
A l’issue de ce parcours, le lauréat dépose un dossier en vue d’obtenir l’autorisation d’exercice prévue au I de l’article L4111-2 du Code de la Santé publique (article R4111-12 du Code de la Santé publique). Le dossier à déposer est celui prévu par l’arrêté du 25 février 2010 fixant la composition du dossier à fournir aux commissions d’autorisation d’exercice compétentes pour l’examen des demandes présentées en vue de l’exercice en France des professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme et pharmacien.
Une fois le dossier déposé, la commission d’autorisation d’exercice « évalue la compétence de chacun des candidats dans la profession et, le cas échéant, la spécialité, au vu du rapport d’évaluation établi par le responsable de la structure dans laquelle le lauréat a effectué le parcours de consolidation des compétences ». Le candidat peut être convoqué pour une audition (Article D4111-8 du Code de la Santé publique).
Une fois que la commission a rendu son avis à la majorité, le ministre chargé de la Santé peut prendre une décision.
Quatre configurations sont alors possibles :
- Octroi de la décision d’autorisation d’exercice
- Refus exprès de l’autorisation
- Refus implicite, qui naît automatiquement un an « à compter de la réception d’un dossier complet » [2]
- Refus d’autorisation doublé d’une demande de réalisation d’un parcours complémentaire [3].
La pratique démontre que cette dernière possibilité (refus doublés d’une prescription d’une prolongation d’un PCC), sont monnaie courante, notamment dans certaines spécialités.
Cela tient vraisemblablement à la sévérité de certaines commissions, qui reprochent de manière tout à fait sibylline des formations théorique et pratique insuffisantes, une trop faible autonomie ou encore le fait que le candidat n’aurait pas couvert tous les champs de la spécialité. L’argumentation ainsi déployée est d’autant plus curieuse lorsque le stage a précisément été prescrit - et l’affectation prononcée - par l’administration elle-même.
Certes, il est en effet possible qu’un lauréat présente certaines lacunes en fin de parcours de consolidation des compétences : c’est cette hypothèse que le législateur a souhaité couvrir en envisageant la possibilité de prolonger la durée du stage. Mais dans l’essentiel des cas - heureusement - le parcours se déroule bien, le lauréat est très correctement évalué et il n’est pas rare qu’un poste lui soit proposé.
Mais la multiplication des prolongations de PCC sur des candidats cumulant parfois 4 à 6 ans de stage, en plus de leur expérience professionnelle passée, n’est assurément pas commandée par l’insuffisance du parcours de l’intéressé. L’objectif inavoué est plutôt de conserver à disposition du secteur public une main d’œuvre captive et bon marché (un praticien associé premier échelon est rémunéré 36 624,45 euros bruts annuels contre 55 607,79 euros pour un praticien hospitalier au premier échelon : arrêté du 8 juillet 2022 relatif aux émoluments, rémunérations ou indemnités des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques exerçant leurs fonctions dans les établissements publics de Santé).
Alors que faire en cas de décision de prolongation de PCC ?
La voie du recours gracieux est toujours possible, mais il ne faut pas en attendre grand chose : une administration revient rarement sur ses décisions, même mise face à l’évidence de son erreur et le CNG (Centre national de gestion) ne déroge pas à la règle.
Dans ce cas, le plus probable est que vous n’aurez pas de réponse à votre recours gracieux : une décision implicite de rejet naîtra automatiquement et vous pourrez l’attaquer devant le tribunal administratif. Au final, vous aurez juste perdu deux mois.
L’autre option est donc d’envisager un recours contentieux, devant le juge administratif.
En principe, ce recours doit être engagé dans un délai de deux mois à compter de la date de notification de la décision attaquée. Malheureusement, le temps de la justice est long : dans une procédure classique de recours en excès de pouvoir (dont l’objet tend à obtenir l’annulation de la décision attaquée), il faut compter en moyenne 12 à 18 mois pour espérer un jugement.
Heureusement, il est possible de doubler ce recours d’une requête en référé suspension : le juge se prononcera alors en quelques semaines. Pour espérer obtenir gain de cause en procédure d’urgence, il faudra démontrer, d’une part, l’existence d’une urgence à statuer (fin de contrat de travail, promesse d’embauche à brève échéance, obligations familiales…) et, d’autre part, l’existence d’un « doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ».
Sur ce second point, il s’agira essentiellement de démontrer, pièces à l’appui, que les reproches justifiant la prolongation du parcours de consolidation des compétences ne sont pas justifiés. Pour cela, il faudra prouver, de manière concrète, les efforts fournis en parcours de consolidation des compétences et les compétences dont l’intéressé disposait déjà : résultats aux EVC, évaluations lors du stage, recommandations, actes réalisés, diplômes obtenus (à l’étranger comme en France), participations à des congrès et séminaires, rotation sur les différents secteurs du service, participation aux gardes etc.
L’objectif est de démontrer que l’administration commet un erreur d’appréciation en prescrivant la prolongation d’un parcours de consolidation des compétences, alors que le candidat a déjà amplement fait ses preuves.
Sinon, il est toujours possible de se plier à l’exigence et d’effectuer ce parcours de consolidation des compétences. Mais sachez qu’une prolongation peut être suivie d’une autre… et encore d’une autre.