Les maisons de retraite (Ehpad) sont-elles comparables à des prisons ?

Par Claudia Canini, Avocat.

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Nous avions commenté [1] une décision remarquée de la Cour d’appel de Douai du 8 février 2013 rappelant qu’une personne vulnérable sous tutelle ou sous curatelle est toujours libre de choisir son lieu de résidence et d’en changer [2].

-

Une personne sous curatelle ou tutelle est libre de choisir sa résidence.

Dans cette affaire, Madame X résidant dans établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sous curatelle a fait appel de la décision du juge des tutelles ayant rejeté sa requête en vue d’un changement de domicile.

Madame X déclarait :

- quelle ne voulait plus vivre dans la maison de retraite où ne résident que des personnes beaucoup plus âgées qu’elle ;

- qu’elle y était très seule et ne s’estimait pas plus en sécurité là que chez elle.

Pour s’opposer à sa demande, le juge des tutelles a relevé les éléments suivants :

- les inquiétudes de l’association A, curatrice de Madame X,

- les 2 certificats médicaux précisant que l’état de santé de la requérante n’était pas compatible avec une orientation dans un logement individuel.

- le caractère prématuré de la demande au regard de son état de santé et du processus de soin et de l’accompagnement vers l’autonomie,

- la nécessité pour Madame X de démontrer son aptitude à l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne.

Appliquant la réforme de la tutelle prônant le respect des droits fondamentaux et libertés individuelles[3], la Cour d’appel de Douai a rendu la décision suivante :

- il n’y a pas lieu à soumettre à autorisation préalable le choix de son lieu de résidence par la personne protégée, ni à autoriser ou non celle-ci à quitter le foyer logement à où elle réside actuellement,

- la personne protégée est, en l’état, libre de choisir son lieu de résidence et d’en changer.

La demande du contrôleur des prisons.

Dans le même temps, le contrôleur des prisons a rendu public son rapport annuel[4], en faisant un parallèle entre les prisons et les hôpitaux psychiatriques d’une part, et les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de l’autre, qu’il réclame de pouvoir contrôler car "juridiquement cela n’a rien à voir mais, dans le fonctionnement, cela a tout à voir".

Une pluie de critiques avait accueilli cette proposition.

L’avis conforme de la commission des droits de l’homme du 27 juin 2013.

Aujourd’hui, la commission des droits de l’homme confirme : le contrôleur général des lieux de privation de liberté doit intervenir pour contrôler les Ehpad, en tant que lieu sécurisé et portant atteinte à la liberté d’aller et de venir des personnes âgées qui y sont hébergées[5].

L’article L. 311-3 du Code de l’action sociale et des familles, issu de la loi de 2002, pose le principe

du libre choix des personnes entre les prestations offertes sous réserve des pouvoirs reconnus à

l’autorité judiciaire et des nécessités liées à la protection des majeurs[6].

Le consentement éclairé de la personne doit être recherché, en l’informant par les moyens adaptés à sa situation, des conditions et conséquences de sa prise en charge et en veillant à sa compréhension (arrêté du 8 septembre2003)[7].

Or la Commission constate que :

«  Ce principe du libre choix est largement bafoué dans la réalité.

De nombreuses personnes âgées rentrent en institution faute de mesures alternatives ou de choix dans le dispositif d’accompagnement du grand âge. Les familles, trop souvent confrontées à l’un de leur proche présentant une perte d’autonomie et vivant seul dans un appartement, sont parfois conduites à souscrire un contrat de séjour avec un établissement, sans obtenir nécessairement le consentement libre et éclairé de l’intéressé ».

La CNCDH recommande donc que l’entrée en EHPAD soit conditionnée au consentement libre et éclairé de la personne âgée. De plus, elle estime qu’il serait approprié de créer un « délai de rétractation ».

La CNCDH recommande une vigilance accrue des pouvoirs publics pour que soient garantis effectivement les libertés et droits des personnes âgées et notamment une meilleure adéquation entre les restrictions portées à leur liberté d’aller et venir et à leur vie privée et les impératifs de sécurité.

Enfin, la Commission des droits de l’Homme préconise d’élargir la compétence du contrôleur général des lieux de privation de liberté aux EHPAD afin de veiller au respect des droits fondamentaux des personnes âgées.

[1] Blog tutelle-curatelle-avocat La personne protégée est-elle libre de choisir son lieu de résidence et d’en changer ?
[2] CA de Douai 8 février 2013 - N° RG : 12/06650

[3] Article 459-2 du Code civil

[4] Rapport public de M. Jean-Marie DELARUE du 25 février 2013

[5] Avis sur l’effectivité des droits des personnes âgées (Assemblée plénière du 27 juin 2013)

[6] LOI n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale

[7] article 4 de son annexe.

Claudia Canini
Avocat au Barreau de Toulouse
Droit des majeurs protégés
www.canini-avocat.com

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