Les pénalités en cas de paiement tardif d’une facture entre professionnels.

Par Yassin Jarmouni, Avocat.

14599 lectures 1re Parution: 2 commentaires 4.55  /5

Explorer : # intérêts de retard # indemnités de recouvrement # transactions commerciales

Les impayés font partie de la vie des entreprises. Des mécanismes existent pour sanctionner cette conduite et tenter de réparer le préjudice causé à la partie victime de l’impayé. Malgré des dispositions légales très claires d’origine communautaire, dans la pratique les juridictions refusent d’alourdir les dettes des entreprises en difficulté.

-

I) Les intérêts de retard.

Conçus pour réparer le préjudice causé par le retard du paiement dû, entre commerçants plusieurs options existent en droit français pour les calculer :
- Les intérêts au taux légal. Il s’agit d’un taux très réduit fixé par décret chaque semestre. Il est censé simplement compenser l’inflation ou l’augmentation des prix. Pour cette raison il est très peu élevé et tourne autour de 0,90% ;
- Les intérêts « commerciaux ». L’Article L441-10-II du Code de Commerce prévoit que :
« Lorsque les dispositions contractuelles entre les parties ne prévoient pas de taux d’intérêt, ce taux est par défaut le taux appliqué à ces opérations de refinancement par la Banque Centrale Européenne majoré de 10 points et que les intérêts sont dus à compte de la date d’échéance des factures. ». Le taux de la BCE est de 0,00 % depuis mars 2016 ;
- Intérêts de retard contractuels. Les parties peuvent se mettre d’accord sur un taux dans leurs contrats ou conditions générales de vente. Généralement 1,5 ou 3 fois le taux légal.

II) Les indemnités pour frais de recouvrement.

- L’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement [1] de 40 euros par facture.

L’Article L411-10-II du Code de commerce [2] précise que : « Les pénalités de retard sont exigibles sans qu’un rappel soit nécessaire. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l’égard du créancier, d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Lorsque les frais de recouvrement exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité forfaitaire, le créancier peut demander une indemnisation complémentaire, sur justification. Toutefois, le créancier ne peut invoquer le bénéfice de ces indemnités lorsque l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire interdit le paiement à son échéance de la créance qui lui est due. »

L’Article D441-5 : « Le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement prévue au douzième alinéa du I de l’Article L441-6 est fixé à 40 euros. »

- Il est toujours possible de demander le paiement de dommages et intérêts si le retard a généré un préjudice en particulier et de prévoir une clause pénale applicable en cas de paiement tardif.

III) Application dans la pratique.

Ce texte présuppose que le créancier a établi des conditions générales de vente qui sont connues par le débiteur, comme le lui oblige l’Article L411-1 du Code de Commerce. Malgré la clarté de la loi, on observe dans la pratique que les juridictions de premier degré refusent de l’appliquer, peut-être pour protéger les entreprises en difficulté.

Parmi les dernières décisions rendues on observe une divergence assez importante parfois dans des dossiers du même client devant la même juridiction :
- TC de Belfort 06-09-2016 : taux légal à compter de la mise en demeure ;
- TGI de Mulhouse 11-03-2019 : accepte le taux de 1,5 le taux légal mentionné sur les factures, mais à compter de la première mise en demeure par LR/AR ;
- TC Clermont-Ferrand 12-12-2019 accepte le taux de 1,5 le taux légal mentionné sur les factures, mais à compter de la date de l’assignation ;
- TC de Nantes 01-12-2014 : accepte le taux de 10% à compter de la date d’échéance des factures, confirmé en appel le 20-06-2017 ;
- TC de Bobigny 03-07-2018 taux indiqué sur les conditions générales de vente du demandeur à compter de la date d’échéance de la facture et refus d’accorder l’indemnité légale ;
- TC de Paris référé du 22-09-2017 : taux de 10% à compter de la date d’échéance des factures et référé du 21-11-2017 taux de 10% à compter de la date de l’assignation (même client) ;
- TC Paris fond 22-05-2018 taux légal dès la date de signification du jugement ;
- TC Toulon 24-10-2017 : taux légal à compter de la mise en demeure ;
- TC Nantes référé 23-04-2019 taux légal à compter de la mise en demeure ;
- TC Boulogne Sur Mer 28-05-2019 : taux de 10% à compter de la signification (IPE) ;
- TC Créteil 04-06-2019 ; taux de 10% à compter de la date d’échéance.

Même si le texte de loi impose que le délai court à compter de la date d’exigibilité des factures, les juridictions ont tendance à prendre en considération la date de la première mise en demeure adressé au défendeur par LR/AR ou encore la date de l’assignation en justice.

L’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement est rarement accordée aussi. Très souvent les juges font application du taux d’intérêt le plus favorable pour le débiteur.

Toutefois, la cour de cassation a précisé que le taux de l’Article L441-10-II Code de Commerce, s’applique de plein droit :
- Cass. Comm. 25 septembre 2019 [3] : « Qu’en statuant ainsi, alors que le taux d’intérêt des pénalités de retard de la Banque centrale européenne majoré de dix points est applicable de plein droit quand bien même il n’aurait pas été indiqué dans le contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé » ;
- Cass. Comm. 17 avril 2019 N° de pourvoi : 18-11280 : « Qu’en statuant ainsi, alors que les pénalités de retard pour non-paiement des factures prévues par l’Article L441-6 du Code de commerce sont dues de plein droit, sans rappel et sans avoir à être mentionnées dans les conditions générales des contrats, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».

Cette loi peut paraître étrangère à la culture juridique française et elle est assez récente en comparaison avec l’intérêt au taux légal classique. Son origine est européenne, il s’agit d’une transposition de la directive 2011/7 du 16-02-2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. Elle aurait été inspirée par la culture juridique anglo-saxonne ou germanique d’une tradition très sévère envers les mauvais payeurs.

Il semblerait que les juridictions tentent par tous les moyens de réduire la supposée sévérité de la loi.

Même si l’application de ce taux est souvent refusée il convient toujours de la demander pour que l’application de la loi faite par les juges puisse évoluer.

Yassin Jarmouni,
Avocat au Barreau de Nîmes
www.jarmouni-avocat.fr

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

11 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1Article et D441-5 du Code de Commerce.

[2Ancien Article L441-6.

[3N° de pourvoi : 18-11464.

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • Bonjour,

    Premièrement, merci pour cet article très précis. Néanmoins, il me reste une interrogation :

    Qu’en est-il dans une situation de paiement tardif ? Les pénalités courent-elles jusqu’à la date de l’ordre de paiement (dans le cas d’un virement) ou jusqu’à la date de réception des sommes dues ?

    Pour illustrer mes propos :
    Un débiteur ayant dépassé l’échéance prévue au 01/04 paie les sommes le 03/04, qui sont inscrites au compte du créancier le 06/04. Dans un tel contexte, il subira 2 jours de pénalités de retard ou 5 jours ?

    D’avance, merci,

    Bien à vous.

    • par Yassin JARMOUNI , Le 30 septembre 2020 à 12:33

      Merci pour votre question et désolé pour le délai de réponse aussi long.

      Vous posez une très bonne question qui selon moi un huissier pourrait sans doute mieux répondre que moi.

      Il s’agit du droit de la preuve. Pour calculer les jours de retard on prend en considération le moment où les sommes sont disponibles pour le créancier. Si le débiteur prouve que ces sommes sont "sorties"de son patrimoine à une telle date, c’est ce moment qui est pris en compte.

      Je serais plus enclin à considérer que c’est le moment où le virement est fait pour le débiteur. Dans la pratique on a tendance a considérer que les délais bancaires ne peuvent pas lui porter préjudice et on fait prévaloir la protection du débiteur, qu’on considère dans la plus part des cas et parfois à tort comme étant la partie faible.

      Cordialement,

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs