Les enjeux de l'attractivité des barreaux : qu'en pensent les syndicats d'avocats ?

Les enjeux de l’attractivité des barreaux : qu’en pensent les syndicats d’avocats ?

Marie Depay,
Rédaction du Village de la Justice.

1266 lectures 1re Parution: Modifié: 5  /5

Explorer : # attractivité des barreaux # répartition des avocats # défis de la profession # nouvelles technologies

À la suite de la publication de notre article "[Mise à jour 2025] La baisse du nombre d’avocats dans 50 barreaux représente-t-elle un danger ? ", la Rédaction du Village de la Justice a proposé aux instances représentatives des avocats et aux organisations qui portent la parole de ces derniers de réagir sur ce sujet. Plus largement, nous les avons invités à partager leur réflexion sur l’inégale répartition des avocats sur l’ensemble du territoire français et son incidence sur la réponse juridique apportée au besoin de droit des Français.
Découvrez ici les réflexions de Sonia Ouled Cheikh, présidente de la FNUJA et de Vincent Maurel, Président ACE pour la Région Ile-de-France Ouest.

-

Sonia Ouled Cheikh (FNUJA)

Vincent Maurel (ACE)

Village de la Justice : La baisse du nombre d’avocats dans certains barreaux représente-t-elle un danger à terme ?

Vincent Maurel : « Cela dépend pour qui on pose cette question...

La baisse du nombre d’avocats dans certains barreaux n’est pas un danger pour les professionnels et les justiciables, mais pour les barreaux, oui. (V. Maurel)

Pour la profession, a priori, non. D’ailleurs, l’étude du Village de la Justice le souligne, au niveau national, le nombre d’avocats en France continue de progresser. Cette croissance est constante, régulière. Ainsi qu’il ressort des statistiques publiées chaque année par la CNBF, la profession intègre annuellement et en moyenne 1 800 avocats (en solde net, déduction faite des départs) et ce, depuis plus de 20 ans. Les effectifs de la profession ont ainsi augmenté de plus de 30% en 10 ans.
On peut très certainement en déduire, d’abord, que le besoin en droit ne cesse de progresser, ensuite que, contrairement à ce que l’on entend trop souvent, la profession reste attractive, même si elle est confrontée à de nombreux défis.

Pour le justiciable, pas nécessairement. Avec les technologies actuelles, l’exigence de proximité est beaucoup moins forte qu’il y a encore quelques années.

Pour les barreaux, oui, probablement. Pour certains d’entre eux en tout cas. Ce qui conduit à s’interroger sur l’organisation de la profession, sa gouvernance, sont-elles toujours pertinentes et adaptées aux réalités d’aujourd’hui ? »

Sonia Ouled Cheikh : « Le constat de la baisse du nombre d’avocats dans 58 barreaux porte sur une comparaison entre les années 2023 et 2024. Il convient donc d’être prudents sur les causes/conséquences que l’on en tire de cette photographie sur deux années uniquement, dont on ne peut déduire une tendance générale.

Par ailleurs, une grande partie des barreaux listés comme ayant perdu des avocats correspondent à des territoires qui ont vu concomitamment le nombre d’habitants diminuer. Le surplus des barreaux concernés, souffrent pour l’essentiel d’entre eux de leur proximité avec un barreau de plus grande taille (comme les barreaux de Douai et de Lille) ».

Une réflexion est-elle menée au sein des syndicats sur cette problématique et celle de la disparité de la répartition des avocats sur l’ensemble du territoire ?

L’une des réponses pour les barreaux est celle de leur attractivité pour les jeunes avocats (S. Ouled Cheikh)

Sonia Ouled Cheikh : « La FNUJA est évidemment attachée au maillage territorial, corollaire indispensable à l’accès au droit et à la justice. L’une des réponses pour les barreaux concernés est celle de leur attractivité pour les jeunes avocats, qui passe par la mise en oeuvre de ce que la FNUJA appelle "le parcours du collaborateur" [1] : l’application et le respect de principes directeurs de la collaboration pour favoriser le recrutement, la formation et l’implication du collaborateur dans la vie du cabinet ».

Vincent Maurel : « Pour l’ACE, le caractère « problématique » de cette disparité est très relatif.
En effet, votre étude ne fait finalement que confirmer ce que l’on savait déjà, à savoir, d’une part, une faible densité d’avocats en France (rappelons qu’elle n’est que de 10,4 avocats pour 10 000 habitants, l’un des ratios les plus faibles d’Europe [2] et d’autre part, une forte concentration dans les métropoles régionales, principalement à Paris et sa périphérie, dans le Sud, à Lyon, dans les grandes villes le long de la façade atlantique…
Or, selon les chiffres communiqués par l’Insee fin 2023, la population française a connu de la même façon une augmentation globale avec de grandes disparités régionales. Elle a ainsi diminué dans 23 départements, localisés principalement dans le quart Nord-Est, le Centre et le Massif central.

La profession ne fait finalement que connaître le même phénomène que la population française prise dans son ensemble.

Plutôt que de s’inquiéter de la baisse des effectifs au sein de certains barreaux, se pose la question de l’utilité de 164 barreaux en France. (V. Maurel)

C’est pourquoi l’ACE, plutôt que de s’inquiéter de la baisse des effectifs au sein de certains barreaux, se pose la question de l’utilité de 164 barreaux en France. La profession gagnerait probablement à faire sa révolution en mutualisant ses moyens au sein d’un nombre limité de barreaux, à une échelle régionale par exemple, avec des délégations locales. Cela permettrait également, très certainement, d’autoriser des évolutions déontologiques, auxquels certains s’opposent aujourd’hui au prétexte que les Ordres n’auraient pas les moyens d’exercer pleinement leur mission de contrôle.

La réponse juridique au besoin de droit est-elle égale partout en France selon vous ?

Vincent Maurel : « De façon générale, il nous semble qu’avec les nouvelles façons de travailler (tel le travail à distance), les nouvelles technologies, aujourd’hui, chacun peut facilement avoir accès à un avocat. Cela est particulièrement vrai depuis la Covid, qui a accéléré le développement d’outils permettant la visioconférence et l’usage de celle-ci. En ce sens d’ailleurs, une certaine forme de tabou est tombée. L’exigence d’une consultation dans le secret du cabinet est devenue beaucoup moins vraie.

Il existe très certainement dans certaines régions de France des difficultés liées à une absence de proximité, mais souvent, les inégalités ont pour origine la fracture numérique ou bien (et c’est souvent associé) la situation économique des personnes concernées, leur éducation, leur sexe… C’est ainsi que l’on voit se développer dans certains barreaux, au-delà des traditionnelles permanences dans les mairies, des initiatives à destination de ces personnes. Citons par exemple le « Bus des femmes » mis en place dans les Hauts-de-Seine et les Yvelines, qui permet à des femmes d’avoir accès à un avocat qui vient à leur rencontre au sein d’un bus, dans lequel elles peuvent trouver d’autres professionnels tels qu’un médecin généraliste, un gynécologue, etc. Pourtant, dans ces départements, on ne manque pas d’avocats… »

Marie Depay,
Rédaction du Village de la Justice.

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

4 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1A ce sujet, la motion de la FNUJA accessible ici.

[2Source : Ministère de la Justice, Direction des affaires civiles et du Sceau, statistiques sur la profession d’avocats, avril 2022.

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27843 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs