La protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.
Le principe d’insaisissabilité de la résidence principale.
La loi n° 2015-990 du 6 août 2015, aussi connue sous le nom de “loi Macron”, constitue un tournant important concernant l’insaisissabilité de la résidence principale des entrepreneurs individuels.
Conformément à l’article L526-1, alinéa 1 du Code de commerce, la résidence principale de l’entrepreneur est, depuis cette loi, automatiquement insaisissable par les créanciers professionnels dont la créance est apparue postérieurement à la mise en vigueur de la loi.
En parallèle, il restait à cette période nécessaire de déclarer l’insaisissabilité pour les autres biens fonciers constituant le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.
La séparation de plein droit du patrimoine professionnel et personnel .
La loi du 14 février 2022 a instauré le nouveau statut de l’entrepreneur individuel, ce qui a provoqué d’importants changements quant à la séparation du patrimoine personnel et professionnel de celui-ci.
Auparavant, les patrimoines professionnel et personnel étaient confondus. Cela avait pour conséquence que les créanciers, en cas de créance professionnelle, pouvaient saisir non seulement les biens professionnels de l’entrepreneur individuel, mais aussi ses biens personnels, à l’exception de sa résidence principale.
Pour éviter cette situation, il était nécessaire de faire une déclaration d’insaisissabilité.
Cependant, depuis le 15 mai 2022, une évolution majeure s’est produite : les patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel sont désormais automatiquement séparés, offrant davantage de protection au patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.
Concrètement, l’entrepreneur individuel dispose à présent de deux patrimoines distincts :
- un patrimoine professionnel composé de tous les éléments en lien avec son activité ;
- et un patrimoine personnel comprenant les biens qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle.
La nouvelle définition de l’entreprise individuelle, telle que présentée dans le Code de commerce, établit clairement la distinction entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.
Celle-ci figure à l’article L526-22 du Code de commerce :
« Les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Sous réserve du livre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé. Les éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel ».
Cette séparation se fait de façon automatique dès l’immatriculation au Registre du commerce et des sociétés (RCS) ou au Registre national des entreprises (RNE), ou encore au moment de la première utilisation de la dénomination.
Pour les entrepreneurs individuels qui exerçaient déjà une activité avant le 15 mai 2022, cette séparation est applicable à partir de cette date.
La charge de la preuve incombant au débiteur.
La preuve de l’affectation d’un bien au patrimoine personnel.
L’article L526-22, alinéa 6, du Code de commerce prévoit que la charge de la preuve incombe à l’entrepreneur individuel en cas de contestation de mesures d’exécution forcée ou de mesures conservatoires concernant l’inclusion ou l’exclusion de certains actifs dans le périmètre du droit de gage général du créancier.
Plus clairement, l’entrepreneur a la charge de démontrer que le bien saisi est soit utile à son activité professionnelle, dans le cas où il certifie que la créance demandée n’est pas liée à son activité professionnelle, soit à l’inverse qu’il n’est pas utile à son activité professionnelle s’il énonce que la dette résulte de cette activité.
Tout de même, le texte précise que le créancier saisissant peut engager sa responsabilité au titre d’un abus de saisie s’il réalise une mesure d’exécution forcée ou conservatoire sur un élément d’actif qui ne fait manifestement pas partie de son droit de gage général.
En pratique, avant de saisir un bien appartenant à l’entrepreneur individuel, le créancier se doit de vérifier que celui-ci relève bien de son patrimoine professionnel.
Le décret d’application n°2022-725 facilite cette vérification en mentionnant que si l’entrepreneur est soumis à des obligations comptables légales ou réglementaires, son patrimoine professionnel est alors présumé comprendre tous les éléments enregistrés dans les documents comptables. La condition pour cela est qu’ils soient réguliers, sincères, et qu’ils reflètent la situation financière et le résultat de l’entreprise de façon transparente.
La preuve de la résidence principale au moment du jugement d’ouverture d’une procédure collective.
En 2011, la Cour de cassation avait statué, en faisait référence à l’article L. 641-9 du Code de commerce, que le débiteur qui se trouvait en liquidation judiciaire pouvait invoquer sa déclaration d’insaisissabilité afin d’empêcher le liquidateur de procéder à la vente aux enchères de son bien. Auquel cas, le liquidateur aurait été accusé d’avoir agi avec excès de pouvoir.
Cette jurisprudence a été précisée par un arrêt du 18 juin 2013, soulignant que :
« le liquidateur ne pouvait agir légalement que dans l’intérêt de tous les créanciers, et non dans l’intérêt personnel d’un créancier ou d’un groupe de créanciers ».
Plus tard, en 2017, une entrepreneuse individuelle a fait l’objet de procédures de redressement et de liquidation judiciaires par le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre. Le liquidateur a demandé la vente par adjudication d’une propriété lui appartenant située dans le Val-d’Oise.
La débitrice s’est alors opposée à la vente avec l’argument que le bien concerné constituait sa résidence principale.
La cour d’appel de Basse-Terre a confirmé cette décision, entraînant un pourvoi en cassation de la débitrice.
La Cour de cassation a confirmé la décision d’appel en fondant son raisonnement sur l’article L526-1 alinéa 1er du Code de commerce, affirmant qu’une personne physique soumise à une procédure collective exerçant une activité professionnelle indépendante, peut opposer au liquidateur l’insaisissabilité des droits qu’elle détient sur la propriété dans laquelle se trouve sa résidence principale.
La Cour de cassation a cependant estimé que dans cette situation, la charge de la preuve pesait sur la débitrice. C’est-à-dire que celle-ci devait prouver que, à la date du jugement d’ouverture de la procédure, les biens visés par le liquidateur faisaient effectivement partie sa résidence principale.
Ainsi, cet arrêt souligne que la charge de la preuve incombe à l’entrepreneur individuel lorsqu’il faut démontrer que le bien immobilier en vente lors d’une procédure collective constitue sa résidence principale et l’était déjà au moment du jugement d’ouverture de cette procédure.