Harcèlement moral ou sexuel et discriminations des stagiaires ou avocats collaborateurs : le barreau de Paris dit stop !

Par Frédéric Chhum, Avocat.

8293 lectures 1re Parution: Modifié: 6 commentaires 4.95  /5

Explorer : # harcèlement # discrimination # sensibilisation # prévention

Le harcèlement moral ou sexuel et les pratiques discriminatoires sont des pratiques malheureusement répandues dans les cabinets d’avocats.

Les premiers à en souffrir sont les stagiaires et les avocats collaborateurs/collaboratrices (12.000 collaborateurs à Paris (dont 70% de femmes) sur 29.000 avocats).

La Bâtonnière de l’ordre des avocats de Paris a rappelé au début de l’année 2018, qu’elle ne laisserait rien passer en cas de pratique discriminatoire ou de harcèlement moral ou sexuel.

-

Le 26 avril 2018, le défenseur des droits a publié une étude édifiante à ce sujet intitulée « Sexe, situation familiale, origine et religion : des situations de discriminations trop fréquentes au sein de la profession d’avocat ».

Le CNB a organisé le 27 juin 2018 un très intéressant colloque sur le harcèlement et la discrimination dans la profession d’avocat.

Suite aux mouvements #balancetonporc #metoo, le barreau de Paris veut aller plus loin dans la lutte contre les discriminations et le harcèlement moral ou sexuel des stagiaires et avocats collaborateurs.

A cet égard, en juin 2018, le barreau de Paris a lancé une campagne de sensibilisation plus ciblée à l’attention des élèves-avocats particulièrement visés par les faits de harcèlement sexuel compte-tenu, notamment, de la précarité de leur statut et de leur plus faible expérience du milieu professionnel (cf. photo ci-dessous).

Il faut se réjouir de ces initiatives.

1) Stagiaires : création d’une adresse email harcelementstagiaire chez avocatparis.org

Le 27 juin 2018, lors d’un colloque sur le harcèlement et la discrimination au sein de la profession d’avocat organisé par le CNB, certains intervenants ont dénoncé le fait que « l’EFB est un réservoir de proies sexuelles » pour les avocats.

Dans le cadre de la campagne de sensibilisation précitée, le barreau de Paris a créé une adresse email dédiée (harcelementstagiaire chez avocatparis.org) qui permet à tout stagiaire d’un cabinet d’avocat de dénoncer des faits des harcèlements moral ou sexuel ou une discrimination.

L’affiche (fond noir et insert en rouge) dévoilée titrait : « Stop au harcèlement et discrimination ».

Elle dénonce le harcèlement sexuel ou moral qui peut exister dans les cabinets avec des slogans cash :
- « Elle a commencé à me hurler dessus, devant les clients. C’était des scènes de hurlement tous les jours ».
- « Bon c’est quand qu’on couche ensemble ! »
- « Vous avez des projets d’enfants à court ou moyen terme ? »

2) Discrimination : ne pas hésiter à saisir le Défenseur des droits.

Lors du colloque du 27 juin 2018, il a été rappelé qu’en cas de discrimination, les stagiaires ou collaborateurs discriminés peuvent (et même doivent) saisir le Défenseur des droits.

2.1) Les 3 types de discrimination.

La discrimination peut résulter de :
- ce que la personne est (âge, état de santé, aspect physique, etc.) ;
- ce qu’elle fait (activité syndicale, opinion politique) ;
- son mode de vie (critère sui généris) notamment le lieu de résidence (refus d’embauche).

2.2) Les pouvoirs du DDD

Le Défenseur des droits possède :
- un pouvoir d’enquête : interpeler le mis en cause, demander la communication de pièces (pas de refus possible sauf secret défense) ;
- un pouvoir d’audition (témoin, PV d’audition) ;
- un pouvoir de vérification sur place (avec ou sans accord du juge).

En cas de discrimination, il est préférable de saisir le juge civil plutôt que le juge pénal car celui-ci est moins adapté à ce type de litiges.

Le défenseur des droits peut :
- proposer un règlement amiable ;
- une transaction (civile ou pénale) ;
- présenter des observations lors d’une procédure judiciaire (prud’hommes, etc.).

3) Lutte contre les discriminations, le harcèlement moral ou sexuel, les discriminations et les agissements sexistes : le rapport du barreau de Paris.

Lors de la séance du Conseil de l’Ordre du mardi 6 mars 2018, les membres du Conseil de l’ordre ont présenté un rapport préconisant la mise en place d’une politique volontariste de lutte contre les agissements de harcèlement et de violences sexuels au sein du barreau de Paris.

Les actions sont les suivantes :

3.1) Informer

- Création de modules sur le harcèlement, les discriminations, les violences sexistes et sexuelles dans la formation continue et initiale des avocats ;
- Création d’un trophée égalité ;
- Création d’un réfèrent harcèlement et égalité à l’Ecole de Formation du Barreau, au sein de l’Ordre des Avocats de Paris et dans les cabinets qui le souhaitent.

3.2) Prévenir.

Création d’un réseau de « cabinets refuges » pour les élèves-avocats

3.3) Sanctionner.

- Inscription du principe d’égalité dans le RIBP ;
- Renforcement des prérogatives de la commission harcèlement/discrimination ;
- Suspension des conventions de stage avec les cabinets condamnés disciplinairement pour violences et/ou harcèlement sexuels ;
- Transmission systématique à l’autorité de poursuite des dossiers de harcèlement sexuel et instruction et jugement par des membres du Conseil de l’ordre formés à ces questions.

Barreau de Paris http://www.avocatparis.org/mon-metier-davocat/publications-du-conseil/agir-avec-volontarisme-pour-mettre-fin-aux-inegalites

4) Harceler autrui ou avoir une attitude discriminatoire est une infraction aux principes essentiels de la profession d’avocat - Modification du RIBP (règlement intérieur du Barreau de Paris).

Lors de sa séance du 9 janvier 2018, le conseil de l’ordre des avocats de Paris a décidé de modifier l’article P.1.6 comme suit :

« P.1.6 Interdiction de faits de harcèlement ou de discrimination
Le fait pour un avocat de harceler autrui ou d’avoir à son égard, une attitude discriminatoire, au sens de la loi, constitue une infraction aux principes essentiels.

Le fait pour un avocat d’avoir un comportement constitutif d’agissements sexistes c’est à dire tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant, constitue un manquement aux principes essentiels ».

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

80 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 11 juillet 2018 à 09:49
    par CARREL , Le 3 juillet 2018 à 11:17

    Cher Confrère,

    Je vous remercie vivement de communiquer sur ce sujet, jusqu’alors resté dans l’ombre et malheureusement si présent au sein des cabinets.

    Votre bien dévouée.

    • par Isabelle FOUASSIER , Le 4 juillet 2018 à 11:24

      Je trouve cet article intéressant d’autant que j’ai moi même répondu à l’enquête sur la discrimination au sein de la profession. Mais je pense honnêtement que le problème est en amont même de la discrimination, qui limite l’analyse à la différence de genre principalement. Le principal problème est le statut du collaborateur libéral qui n’a aucune des protections des salariés car pas de contrat de travail donc pas de contrôle du licenciement (cause réelle et sérieuse, faute , motif économique) et qui donne la possibilité au patron de mettre fin au contrat de collaboration sans motif avec seulement un préavis de trois mois. Cette situation crée une disparité de position au détriment du collaborateur qui se retrouve au niveau du canut lyonnais du 19 ème siècle : sans protection. Pas de limitation du temps de travail donc des horaires impossibles et par voie de conséquence une situation de dépendance d’autant plus grande que le marché est saturé d’avocats collaborateurs.Il faut améliorer le statut du collaborateur et il y aura moins de comportements de toute puissance de patrons abusant de leur position dominante : c’est ça le vrai problème. Bien sur en plus le fait d’être femme ou autre minorité aggrave encore la situation si besoin était car les patrons avocats sont souvent égo centriques et/ou pervers narcissiques !

    • par Frederic CHHUM , Le 4 juillet 2018 à 14:16

      MCC

      Merci pour votre message.

      Bien à vous,

      Frédéric CHHUM

    • par Frederic CHHUM , Le 4 juillet 2018 à 14:18

      MCC

      Merci pour votre temoignage.

      Bien à vous,

      Frédéric CHHUM

    • par Pascale HEBACKER, Avocat , Le 10 juillet 2018 à 17:29

      En complément, j’ajouterais que cette profession est l’une des rares qui affiche une forme de volontarisme pour recourir à la médiation dans de telles situations.

      En effet, l’accord du 1er juillet 2011 relatif à la gestion et la prévention des risques psychosociaux, annexé à la CCN des cabinets d’avocats prévoit le recours à la médiation en cas de harcèlement. Il ne se contente pas de répéter les dispositions de l’article L 1152-6 du Code du travail, mais apporte des précisions utiles avec un certain sens pédagogique (article 9-3-2 de l’Accord).
      Ainsi, Il donne une définition synthétique de la médiation, avec une clarté absente de l’article L 1152-6 qui brouille les pistes entre médiation et conciliation, mêlées confusément l’une à l’autre.
      Toujours dans cet esprit, l’article 3 de l’Accord fournit des définitions sur les notions de bien-être, de santé au travail, de risques psycho-sociaux qui enrichiront le lexique des confrères.

      Cet Accord peu connu mérite l’attention des confrères travaillistes et "MARDistes", mais devrait interpeller l’ensemble de la profession sur leur pratique professionnelle.

      Comment (pour certains) continuer à ignorer l’outil qu’est la médiation pour les dossiers contentieux quand par ailleurs, cet outil est censé s’appliquer à sa propre profession ?

      Pascale HEBACKER, Avocat

    • par CHHUM AVOCATS , Le 11 juillet 2018 à 09:49

      Mon Cher Confrère,

      Je vous remercie pour votre commentaire.

      Bien à vous,

      Frédéric CHHUM

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27843 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs