Garantie des vices cachés et l’obligation de délivrance.

Par Chloé Moulard, Etudiante.

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Explorer : # garantie des vices cachés # obligation de délivrance # non-conformité

La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 20 septembre 2017 (15-18.674 15-19.409) dans lequel elle différenciait la garantie des vices cachés et l’obligation de délivrance de la chose conforme ainsi que des sanctions qui en découlent.
Cet article propose une analyse de cet arrêt de son incidence et de son intérêt.

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En l’espèce un exploitant a acheté à une société un tractopelle neuf fabriqué par une autre société. Il invoquait des dysfonctionnements et après avoir fait expertiser le bien, l’exploitant a assigné en résolution de la vente son vendeur qui a appelé en garantie de fabricant.

Ainsi l’arrêt de la cour d’appel retient un manquement à l’obligation de délivrance. Selon l’expert le moteur de la machine ne fonctionnaire pas correctement.

De plus, le système hydraulique n’était pas réactif et était même dangereux, la boîte de vitesse ne fonctionnait pas ainsi que l’alignement des roues en ligne droite qui n’était pas parfait de sorte que le tractopelle ne pouvait pas remplir les fonctions auxquelles il était destiné et donc n’était pas conforme à l’intention des parties.

Il faut alors se demander quelles sont les différences entre l’obligation de délivrance de la chose conforme du vendeur et la garantie des vices cachés ? Ce sont deux mécanismes différents qui ne vont pas entrainer les mêmes sanctions.

La Cour de Cassation rend alors un arrêt de cassation en 2017 en insistant sur le fait qu’un défaut affectant la machine rendant l’usage auquel elle était destinée impropre résultait en réalité d’un vice caché et non pas de la délivrance conforme. La cour d’appel a donc violé l’article 1641 du Code civil. En effet, l’article cité par la Cour de cassation est l’article 1641 du Code civil qui dispose que :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acquéreur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

Ainsi en rendant cette décision, la Cour de Cassation vient préciser que le défaut affectant le bien rendait celle-ci impropre à l’usage auquel elle était destinée, ce dont il résulte qu’elle était atteinte d’un vice caché et ne relève pas de l’obligation du vendeur de délivrance de la chose conforme emportant alors la résolution de la vente. En réalité, si la garantie des vices cachés est alors exercée, les modalités de l’action ne sont pas les mêmes et n’emportent pas les mêmes sanctions.

Les vices cachés permettent d’exercer une action, l’acheteur vient bénéficier de cette garantie contre les défauts cachés de la chose qui viennent empêcher l’usage normal.

La garantie contre les vices cachés est mise en œuvre sous la réunion de 4 conditions cumulatives : un défaut inhérent à la chose, de nature à la rendre impropre à l’usage auquel elle était destinée, caché, et antérieur ou concomitant à la vente. Ainsi, la Cour de cassation se base sur ces conditions afin de casser l’arrêt de la cour d’appel et de rappeler qu’il s’agit en l’espèce de vices cachés et non d’un manquement en délivrance de la chose conforme.

Une solution conforme au Droit positif ?

Avant la réforme, la question des différences entre la garantie des vices cachés et l’obligation du vendeur de délivrer un chose conforme à créer beaucoup de débats doctrinaux. Ainsi Monsieur Le Tourneau intégrait une conception moniste de l’obligation délivrance de la chose conforme. En ce sens, l’obligation de délivrance du vendeur intégrait à plus large échelle des éléments de la garantie des vices cachés.

Ainsi la Cour de cassation adopté pendant un temps cette conception moniste notamment dans un arrêt de 1989 elle soutient que :

« l’obligation de délivrance ne consiste pas seulement à livrer ce qui a été convenu, mais à mettre à la disposition de l’acquéreur une chose qui corresponde en tous points au but par lui recherché ».

En revanche la troisième chambre civile rejetait cette analyse moniste. Attention, en 1993, la Cour de Cassation rend un arrêt qui distingue réellement l’obligation de délivrance conforme du vendeur et de la garantie des vices cachés. Dès lors, la Cour de cassation retient une conception dualiste et non plus moniste. Un défaut rendant impropre à l’usage auquel la chose était destinée ou qui diminue nettement l’usage normal constitue un vice caché comme le dispose l’article 1641 du Code civil. Ainsi, un acheteur victime d’un vice caché pourra alors exercer uniquement une action en ce sens, c’est donc l’interdiction d’un cumul des actions.

Ainsi, avant la jurisprudence indiquait que l’acquéreur voulant intenter une action en garantie contre les vices cachés devait le faire dans un « bref délai », ce qui change en 2005 avec l’article 1648 du Code civil qui dispose que l’action en garantie contre les vices cachés durant une période de 2 ans à compter de la découverte du vice.

Ainsi en exerçant une action en garantie contre les vices cachés, l’acquéreur devra prouver alors l’existence du vice, son antériorité et la mauvais foi du vendeur afin d’obtenir des dommages et intérêts. A l’inverse de la résolution du contrat avec l’action en manquement de l’obligation de délivrance conforme de la chose par le vendeur, l’acquéreur pourra alors effectuer une action rédhibitoire avec la résolution du contrat, entrainant la restitution du prix et de la chose ou encore l’action estimatoire avec une réduction du prix.

En suivant la logique de la Cour de Cassation dans cet arrêt de 2017, il faut comprendre qu’elle soutient alors la conception dualiste de ces deux mécanismes. En effet, elle pose une distinction entre la garantie des vices cachés et l’obligation de délivrance conforme des choses. En suivant la logique de la garantie des vices cachés, l’acquéreur est en droit d’attendre une chose qui va être conforme à sa destination normale en l’espèce, il achète un tractopelle neuf qui ne fonctionne pas correctement comme le souligne l’expert, dès lors, les fonctions de la chose sont directement concernées alors le défaut affectant la machine rendait celle-ci impropre à l’usage auquel elle était destinée, ce dont il résulte qu’elle était atteinte d’un vice caché et non pas d’un manquement à l’obligation de délivrance conforme.

Certes, ces deux mécanismes peuvent être facilement confondu mais les caractéristiques permettent d’établir une distinction. En conséquence, si l’acheteur estime que le chose n’est pas conforme aux qualités qu’il attendait emportant une réellement différence sur la chose commandée et la chose délivrée alors nous seront sur le terrain du manquement de l’obligation de la délivrance de la chose conforme.

L’arrêt de 2017 vient alors soutenir l’arrêt de 1993 qui pose une distinction entre les deux mécanismes, on fait d’ailleurs référence à l’usage attendu de la chose vendue afin de qualifier les vices cachés. L’arrêt est alors conforme au Droit positif adoptant une conception dualiste.

Une solution juridiquement pertinente ?

En réalité, nous pouvons nous questionner sur la pertinence de la solution rendue par la Cour de cassation en 2017. L’acquéreur achetant en l’espèce un tractopelle neuf pouvait légitimement attendre certaine qualités de la chose délivrée. Le choix de la Cour de cassation d’opter pour la garantie contre les vices cachés est questionnable.

En effet, en achetant un véhicule et qui est de plus neuf, tout consommateur s’attendrait à se voir délivrer une chose revêtant certaines qualités attendues. Afin de qualifier l’action en délivrance de la chose conforme, il faut que l’acquéreur soit déçu de la chose, qu’elle le déçoive suffisamment. Avec tous les défauts que revêtait la chose, il est normal que l’acquéreur agisse sur le terrain du manquement à l’obligation de délivrance de la chose conforme. Ainsi la Cour de cassation dans un autre arrêt admettait la garantie des vices cachés dans une situation ou normalement devrait s’appliquer l’action en délivrance de la chose conforme. En l’espèce, des acquéreurs ont acheté un immeuble, ils s’attendaient alors à ce que le toit soit résistant à l’eau, il ne l’était pas.

Bien évidement que cette solution est questionnable, en tant que consommateur, on s’attend à acheter une chose qui est conforme à la chose promise. On se demande alors dans quelle situation l’action en délivrance de la conforme peut-elle être exercée. Ici, on aurait pu opter pour l’obligation de délivrance de la chose conforme étant donné que la chose aurait dû être conforme aux attentes de l’acquéreur. Peut-être que les qualités de la chose commandée n’était pas assez précises, mais encore une fois en faisant référence à l’usage des qualités moyennes, on attend d’un véhicule neuf qu’il soit en mesure de fonctionner correctement. Ici le vendeur n’a pas délivrer une dise conforme à celle demander.

Eventuellement, la Cour de cassation a décidé d’aller sur le terrain de la garantie des vices cachés, puisque ces vices prennent place dans le temps, en tester le bon fonctionnement de la chose qui rendent alors sa destination anormale. La solution de 2017 reste critiquable, on ne peut pas en vouloir à l’acquéreur d’être allé sur le terrain du manquement à la délivrance conforme de la chose.
Ainsi en suivant la doctrine de Monsieur Le Tourneau, la délivrance conforme élargie et intégrant des éléments de la garantie des vices cachés, aurait permis à l’acheteur de peut être cumuler des actions et agir dans un plus grand délais de 2 ans.

Ainsi l’acquéreur n’aurait pas été tenu par les preuves qu’il faut apporter pour l’action en garantie des vices cachés.

Chloé Moulard, Etudiante.

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