Apparu pour la première fois en 1959 dans la jurisprudence, le préjudice juvénile est enfin reconnu et intégré dans une mission d’expertise grâce à l’ordonnance du juge des référés du Tribunal Judiciaire de Béthune en date du 19 mars 2025. [1]
C’est une victoire attendue depuis de longues années.
Cette dernière est aussi un aveu de l’insuffisance des référentiels et nomenclatures actuels s’agissant de l’enfant victime.
Pour rappel, c’est le 19 mars 1959 que ce poste de préjudice apparait pour la première fois dans une décision.
En l’espèce, les magistrats avaient relevé ceci : « L’enfant subit un préjudice particulier qui peut être qualifié de préjudice juvénile ; qu’il existe en effet un dommage propre à l’enfance ou à la jeunesse, un damnum juventitus, la réparation dans ce cas étant différente de celle due à l’adulte ou tout au moins à l’individu pourvu d’une profession, en particulier en ce qui concerne l’indemnité temporaire totale ou temporaire partielle qui n’est pas indemnisable au profit de l’enfant, lequel n’a pas d’activité rémunératrice ou l’est différemment de l’adulte (préjudice scolaire), qu’il est bien certain que le fondement de la réparation d’un préjudice né et actuel mais d’incidences multiples a un caractère moins strictement pécuniaire et plus général, plus abstrait quand la victime est un enfant que quand il s’agit d’un adulte. » (CA Paris, 19 mars 1959).
La jurisprudence de 2017 le décrivait comme suit : « la cour d’appel allouait 70 000 € au titre d’un « préjudice moral exceptionnel », le jeune blessé ayant « du fait des blessures engendrées par cet accident, été privé de tous les agréments de sa jeunesse, ce qui constitue un préjudice d’une gravité exceptionnelle non réparé au titre du déficit fonctionnel permanent ou des souffrances endurées ». [2]
La doctrine milite depuis plusieurs années pour que ce poste de préjudice soit inscrit de façon distincte dans les missions d’expertise.
À ce titre, le Dr Scottez, Expert psychiatre près la Cour d’appel de Douai, expliquait la nécessité de reconnaitre l’existence de ce poste de préjudice distinct [3].
Ce combat se poursuit avec l’ordonnance de référé du 19 mars 2025 aux termes de laquelle le juge des référés accepte d’intégrer, de façon autonome, le préjudice juvénile. Celui-ci est intégré dans les préjudices extra-patrimoniaux après consolidation et il est mentionné comme suit :
« Préjudice juvénile : Dire si la victime, du fait du dommage corporel subi, a été privée des agréments de sa jeunesse non réparés au titre du déficit fonctionnel permanent. »
Il est intéressant de relever que dans cette décision le juge ne reprend pas exactement la formulation de 2017 puisque les souffrances endurées ne sont pas mentionnées.
En tout état de cause, il aura fallu attendre 66 ans jour pour jour, pour que la particularité de l’enfant victime soit reconnue.
J’invite donc les confrères à intégrer ce poste de préjudice dans la mission d’expertise en utilisant cette jurisprudence inédite.