Comprendre la notion juridique de filiation.

Par Céline Cabaud, Avocat.

8117 lectures 1re Parution: Modifié: 5  /5

La filiation est le lien juridique entre un enfant et/ou son ou ses parents.
Ce lien peut-être biologique mais il peut également être établi juridiquement. Il entraîne des droits mais également des devoirs vis à vis de l’enfant.
Conformément à l’article 310-1 du Code civil, la filiation est légalement réalisée par l’effet de la loi, par une reconnaissance volontaire, par une possession d’état ainsi que, depuis la loi bioéthique du 2 août 2021, par une reconnaissance conjointe.
Cette filiation peut également être régularisée par une décision de justice.

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Comment s’établit la filiation par l’effet de la loi ?

A l’égard de la mère ?

La filiation maternelle ne pose, en principe, aucune difficulté puisque celle-ci s’établit par sa désignation dans l’acte de naissance de l’enfant [1].

Cet acte de naissance doit être rédigé immédiatement après la déclaration de naissance, dans un délai de 5 jours à compter de l’accouchement [2].

Ce délai est allongé de 3 jours supplémentaires lorsque l’éloignement entre le lieu de naissance et le lieu où se situe l’officier de l’état civil le justifie, ramenant celui-ci à 8 jours à compter de l’accouchement (et 15 jours pour les naissances ayant eu lieu dans un pays étranger).

Les conséquences de l’absence de déclaration peuvent être lourdes puisqu’à défaut, la naissance de l’enfant ne pourra être portée sur les registres d’état civil qu’en vertu d’un jugement rendu par un Tribunal Judiciaire.

Conformément à l’article 56 du Code civil, la naissance d’un enfant doit être déclarée par son père ou, à défaut, par l’un des professionnels de santé qui aura assisté à l’accouchement. L’acte de naissance doit être rédigé immédiatement.

L’obligation de déclarer la naissance n’est en conséquence pas imposée à la mère, sauf à ce qu’elle ait accouché sans témoin ou que les personnes visées par l’article soient dans l’incapacité de le faire [3].

A l’égard du père ?

Concernant le lien de filiation paternelle, l’article 312 du Code civil pose une présomption de paternité lorsque l’enfant « conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ».

Cette présomption de paternité est cependant écartée dans les cas suivants [4] :

  • Lorsque l’acte de naissance de l’enfant ne désigne pas le mari en qualité de père ;
  • Lorsque l’enfant est né plus de 300 jours après l’introduction de la demande en divorce ou en séparation de corps, ou encore après le dépôt au rang des minutes d’un notaire de la convention réglant l’ensemble des conséquences du divorce, et moins de 180 jours depuis le rejet définitif de la demande ou la réconciliation.

Dans le cas où cette présomption de paternité aurait été écartée pour l’un des deux précédents motifs, celle-ci sera rétablie :

  • Si l’enfant bénéficie de la possession d’état (lien parental établi) à l’égard du mari et si aucune autre filiation paternelle n’a déjà été établie à l’égard d’un tiers [5] ;
  • Si le père produit la preuve de sa paternité ou s’il reconnaît l’enfant.

Comment s’établit la filiation lorsque celle-ci émane d’une manifestation volontaire ?

L’article 316 du Code civil permet, lorsque la filiation n’est pas définie au sein de l’acte de naissance de l’enfant, de procéder à une reconnaissance de paternité ou de maternité, faite avant ou après la naissance.

Celle-ci ne correspond pas nécessairement à une réalité biologique et bénéficie d’un effet rétroactif à compter de la naissance de l’enfant.

Lorsque le père procède à une reconnaissance de paternité, la mère ne peut s’y opposer.

Il sera également précisé que la filiation, qui a été légalement établie, fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation qui la contredirait [6].

En conséquence, la filiation par reconnaissance ne peut prospérer qu’en l’absence d’un lien précédemment établi.

Dans le cas contraire, il sera nécessaire d’engager au préalable une action en contestation de paternité.

Si la reconnaissance de paternité ou de maternité aboutie, la mention de cette reconnaissance est portée sur l’acte de naissance de l’enfant et l’autre parent en est informé par courrier émanant de l’officier de l’état civil [7].

Comment s’établit la filiation par possession d’état ?

La possession désigne « une présomption légale permettant d’établir la filiation d’une personne sur la base de certains faits constatés par sa famille et par son entourage relativement aux relations ayant existé entre elles et la personne dont elle se dit être le fils ou la fille  » [8].

L’article 311-1 du Code civil définit très clairement les conditions permettant l’existence d’une possession d’état, à savoir :

« 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu’elle-même les a traités comme son ou ses parents ;
2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ;
3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ;
4° Qu’elle est considérée comme telle par l’autorité publique ;
5° Qu’elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue
 ».

Si ces critères ne sont pas cumulatifs, la possession doit être continue, paisible, publique et non équivoque [9].

La possession d’état peut être sollicitée, de façon non contentieuse, par la demande d’un acte de notoriété.

La preuve doit alors être apportée par la personne qui demande cet acte (un parent ou l’enfant) et celle-ci ne peut être effectuée que dans un délai de cinq années à compter de la cessation de cette possession ou à compter du décès du parent prétendu [10].

L’acte de notoriété est alors rédigé sur la foi des déclarations d’au moins trois témoins et de tout autre document permettant un faisceau d’indices suffisant.

La possession d’état peut également être constatée, à la demande de toute personne qui y a intérêt, dans le délai de dix ans à compter de sa cessation ou du décès du parent prétendu, par un Juge [11].

Comment s’établit la filiation par reconnaissance conjointe ?

La loi bioéthique du 2 août 2021 a étendu le bénéfice de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux couples de femmes et ce, quelle que soit la forme de leur union (concubinage, PACS, mariage, union libre), ainsi qu’aux femmes célibataires.

Désormais, les femmes qui souhaitent recourir à ce type de procédures médicales doivent préalablement donner leur consentement à un notaire qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ainsi que des conditions dans lesquelles l’enfant pourra, s’il le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur [12].

De manière concrète, la filiation est établie :

  • A l’égard de la femme qui accouche : toujours par sa désignation dans l’acte de naissance [13] ;
  • A l’égard de l’autre femme : par la reconnaissance conjointe [14].

Tout comme l’acte de reconnaissance de filiation, la reconnaissance conjointe fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation sauf à ce qu’il y ait une contestation en justice [15].

Il convient à cet égard de préciser qu’aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don dans le cadre d’une PMA, et l’enfant issu de cette procédure [16].

Quelles sont les démarches pour intenter une action en contestation de paternité ou de maternité ?

Conformément à l’article 332 du Code civil, la maternité peut être contestée en apportant la preuve que la mère n’a pas accouché de l’enfant.

La paternité quant à elle, peut être remise en cause en apportant la preuve que le mari ou l’auteur de la reconnaissance n’est pas le père.

Il convient de différencier les types de contestations selon les modalités ayant permis l’établissement de la filiation critiquée.

1. Lorsque la filiation est établie par un titre et est assortie de la possession d’état, c’est à dire lorsque le parent est celui visé dans l’acte de naissance et qu’il se comporte comme tel :

L’action se prescrit alors par 5 années à compter du jour où la possession d’état a cessé ou du décès du parent dont le lien est contesté, et peut être engagée par les parents ou par l’enfant, conformément à l’article 333 du Code civil.

En outre, il sera précisé que seul le Ministère public peut contester la filiation lorsque la possession d’état conforme au titre a duré au moins 5 ans depuis la naissance ou la reconnaissance, ce qui rend ces contestations particulièrement compliquées [17].

2. Lorsque la filiation est établie par un titre mais sans possession d’état :

L’action peut être engagée par toute personne ayant un intérêt [18] dans un délai de dix années à compter du jour où la personne a été privée de l’état qu’elle réclame, ou a commencé à jouir de l’état qui lui est contesté ; le cours de la prescription étant suspendu pendant la minorité de l’enfant ce qui lui permet d’agir jusqu’à ses 28 ans [19].

3. Lorsque la filiation est établie uniquement par une possession d’état constatée par acte de notoriété :

Cette filiation peut également être contestée par toute personne ayant un intérêt, dans un délai de 10 années à compter de la délivrance de l’acte [20].

Il sera précisé que la filiation légalement établie peut toujours être contestée par le procureur de la République « si des indices tirés des actes eux-mêmes la rendent invraisemblable ou en cas de fraude à la loi » [21].

Quelles sont les démarches pour intenter une action en reconnaissance de paternité ou de maternité ?

À défaut de titre et de possession d’état, la recherche de maternité et de paternité par l’enfant est admise [22].

A cet égard, les membres de la famille ne peuvent engager une action en établissement de la filiation de l’enfant envers son prétendu père, même pour rapporter la preuve nécessaire à leur action en contestation de sa reconnaissance paternelle [23].

L’article 328 du Code civil précise toute de même que, durant la minorité de l’enfant, le parent à l’égard duquel la filiation est établie dispose de la qualité pour exercer l’action en recherche de maternité ou de paternité.

En outre, la preuve de paternité ou maternité peut se faire par tous moyens [24].

En pratique, la reine des preuves reste bien évidemment l’expertise biologique qui est de droit en matière de filiation. Seule l’existence d’un motif légitime peut permettre au parent présumé de s’y opposer [25].

Ces tests génétiques doivent être ordonnés par le tribunal judiciaire saisi d’une action en recherche de paternité ou en contestation de paternité.

A cet égard, la jurisprudence a d’ores et déjà pu retenir que l’intérêt supérieur de l’enfant ne constituait pas en soi un motif légitime de refus de l’expertise biologique [26].

Il a par ailleurs été retenu que, lorsque le père présumé se refuse à se soumettre à une expertise biologique, il appartient au Juge d’en tirer les conséquences [27].

En principe, les magistrats imputent généralement ce refus à un aveu de paternité, lorsque le reste du faisceau d’indices va dans ce sens…

En tout état de cause, cette expertise biologique doit impérativement être sollicitée du vivant du parent présumé, l’expertise biologique post mortem étant interdite.

Céline Cabaud
Cabinet MCC Avocat
Barreau de Saint Denis de la Réunion (974)
https://mccavocat.com

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Notes de l'article:

[1Article 311-25 du Code civil, et 1ère Chambre civile 15 décembre 2010, pourvoi n°09-16968, LexisNexis.

[2Article 55 du Code civil.

[3T. civ. Toulouse 22 déc 1915, DP 1917 2. 15.

[4Article 313 du Code civil.

[5Article 314 du Code civil.

[6Article 320 du Code civil.

[7Article 57-1 du Code civil.

[8Dictionnaire juridique du Droit privé, M. Serge Braudo.

[9Article 311-2 du Code civil.

[10Article 317 du Code civil.

[11Article 330 du Code civil.

[12Article 342-10 du Code civil.

[13Article 311-25 du Code civil.

[14Article 342-11 du Code civil.

[15Article 342-11 du Code civil.

[16Article 342-9 du Code civil.

[17Article 333 alinéa 2 du Code civil.

[18Article 334 du Code civil.

[19Article 321 du Code civil.

[20Article 335 du Code civil.

[21Article 335 du Code civil.

[22Articles 325 et 327 du Code civil.

[23Civ. 1re, 19 sept. 2019, n° 18-18.473.

[24Article 310-3 du Code civil.

[25Cass. 1e civ. 28-3-2000 n° 98-12.806 : Bull. civ. I n° 103.

[261ère Chambre civile 13 juillet 2016, pourvoi n°15-22848.

[27CEDH 2 juin 2015, Canonne c/ France, n° 22037/13 ; CEDH, 29 janv. 2019, Mifsud c/ Malte, n° 62257/15.

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