Extrait de : Droit des affaires et des sociétés

L’essor de la société unipersonnelle au Brésil.

Par Mickael Viglino, Avocat.

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Explorer : # société unipersonnelle # responsabilité limitée # entrepreneuriat # réforme législative

La société unipersonnelle, encore récente en droit brésilien, reste relativement peu utilisée. Elle est pourtant un formidable outil au service des entrepreneurs individuels et des groupes de sociétés.

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Le poids du dogme de la société pluripersonnelle.

Le droit brésilien a jusque très récemment réduit la société à une réunion de personnes. Il se refusait à voir en elle une forme d’organisation de l’activité économique, indépendamment de son ou de ses membres.

Les sociétés devaient donc nécessairement réunir une pluralité d’associés. Si elles devenaient unipersonnelles suite à un incident de parcours (au décès ou à l’exclusion de l’un de ses associés, par exemple), elles disposaient d’un délai de grâce de 180 pour y remédier, sous peine de dissolution (Code civil, art. 1.033, IV).

Les exceptions étaient peu nombreuses et visaient des cas bien particuliers, comme la filiale intégrale de société anonyme (Loi nº 6.404/76 sur les sociétés par actions, art. 251), utilisée dans la mise en œuvre de projets spécifiques ou pour isoler un centre de coût, ou la société unipersonnelle d’avocat (Loi nº 8.906/94 instituant le Statut de l’avocat, art. 15). Elles n’étaient d’aucune utilité aux personnes désireuses d’entreprendre seules sans pour autant compromettre leur patrimoine personnel.

Ces entrepreneurs individuels disposaient deux options :
- exercer leur activité en nom propre : en l’absence d’entité distincte, ils ne jouissent pas de la séparation entre leur patrimoine personnel et celui lié à leur activité, et sont exposés à une responsabilité illimitée ; ou
- créer une société de façade, ou société-fantôme, en s’associant à une personne sans le moindre affectio societatis. En pratique, un conjoint, un parent ou un ami titulaire d’une participation minime, complètement étranger aux affaires sociales, mais garant de la pluralité d’associés.

Les obstacles à l’entreprenariat sont nombreux et les risques élevés, sans doute d’avantage au Brésil qu’en France. Il est parfois nécessaire d’entreprendre plusieurs fois avant de réussir, recommencer à zéro. Même si l’exercice en nom propre est très répandu, les entrepreneurs les mieux informés, conscients des risques que cela représente, choisissaient la seconde option.

C’est cette situation qui, dans le cas de la société anonyme, avait conduit le législateur à créer la filiale intégrale. L’exposition des motifs de la Loi sur les sociétés par actions évoque la nécessité de ne plus avoir recours à des hommes de paille pour pouvoir créer une société anonyme à objet spécifique.

Une première étape : la création, en 2011, de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée - EIRELI.

L’EIRELI n’était pas une société, mais un type particulier de personne morale de droit privé, à côté des associations, des sociétés, des fondations, des organisations religieuses et des partis politiques (Code civil, art. 44).

Le législateur (Loi nº 12.411/2011) répondait ainsi à un besoin pratique - protéger le patrimoine personnel des entrepreneurs individuels - sans entrer dans le débat juridique du caractère pluripersonnel de la société.

L’EIRELI suivait le régime de la société à responsabilité, sauf quelques particularités qui présentaient des inconvénients majeurs. En particulier, un capital social minimum élevé intégralement libéré dès la constitution, et l’interdiction pour une même personne d’être titulaire de plus d’une EIRELI.

Par ailleurs, initialement, seules les personnes physiques pouvaient constituer une EIRELI, ce qui l’excluait de l’organigramme des groupes de société. Cette interprétation restrictive du DREI (département du Ministère de l’économie chargé de superviser les registres du commerce des Etats au niveau national) avait malgré tout été abandonnée en 2017.

Ces exigences n’avaient pas d’équivalent en droit des sociétés et étaient peu compatibles avec la réalité et les besoins des acteurs de l’économie.

La promulgation, en juin dernier, de la Loi nº 14.382/2022 qui vise notamment à moderniser le fonctionnement des registres publics, a consacré la disparition définitive de l’EIRELI, après une décennie d’existence.

La raison de cette disparition : la création, entre temps, d’une véritable société unipersonnelle.

L’aboutissement : la création, en 2019, de la société à responsabilité limitée unipersonnelle.

La Mesure Provisoire nº 881/2019 de Liberté Economique (équivalent d’une ordonnance, mesure du pouvoir exécutif dans un domaine de compétence législative), convertie en Loi nº 13.874/2019, a ajouté deux paragraphes à l’article du Code civil qui introduit le chapitre dédié à la société à responsabilité limitée :

« Article 1.052 : Dans une société à responsabilité limitée, la responsabilité de chaque associé est limitée à la valeur de sa quote-part, mais tous sont solidairement responsables du paiement du capital social.
§1 Une société à responsabilité limitée peut être constituée par une (1) ou plusieurs personnes.
§2 Si elle est unipersonnelle, les dispositions relatives aux statuts s’appliqueront, le cas échéant, à l’acte constitutif de l’associé unique
 ».

La Sociedade Limitada Unipessoal (SLU) est une société à responsabilité limitée avec un associé unique. Ce choix législatif, est particulièrement opportun, la Limitada étant la forme sociale la plus répandue au Brésil (comme la SARL en France).

Elle est simple à constituer, son fonctionnement est peu formaliste, et il n’y a aucune exigence particulière concernant son capital social ou son associé.

L’objectif est donc atteint : mettre à l’abri le patrimoine personnel de l’associé unique dans les mêmes conditions qu’une société à responsabilité limitée, sans avoir à constituer une société de façade.

Une utilité pratique qui dépasse le cas de l’entrepreneur individuel.

La SLU présente une utilité indéniable pour les groupes de sociétés, dont l’organigramme reste encore trop souvent artificiellement complexe.

Participations croisées, présence symbolique de dirigeants au capital social, prêts de parts sociales, etc., sont autant de formalités destinées uniquement à assurer la pluralité d’associés, et qui représentent des coûts et risques juridiques devenus superflus.

Pour les groupes, la société unipersonnelle présente aussi des avantages substantiels par rapport à la filiale intégrale de société anonyme :
- elle peut être constituée directement par une société étrangère,
- son acte constitutif n’a pas besoin d’être notarié, et
- le formalisme social est réduit.

La SLU est donc amenée à être de plus en plus présente dans l’économie brésilienne et dans la structuration de projets.

Mickael Viglino, Avocat,
Barreau de Paris et OAB/RJ,
JG Assis de Almeida & Associados

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