Très rapidement au cours des dernières années, les signatures électroniques sont devenues essentielles dans les transactions commerciales et juridiques. Cette évolution technologique (programmes plus sûrs, plus faciles d’utilisation et plus accessibles) et sociologique (la nécessité de poursuivre les échanges dans un contexte d’isolement social) rapide a permis de transformer le rapport des individus à la signature.
Au cours des deux dernières décennies, malgré la normalisation des contrats électroniques sur internet, la signature, en tant que moyen d’authentifier un document et de manifester son consentement, est restée un acte éminemment manuel. Ce n’est que beaucoup plus récemment, que la signature électronique, qui repose sur des procédés cryptographiques permettant de garantir l’authenticité et l’intégrité des documents électroniques, a acquis un statut équivalent à la signature manuscrite traditionnelle.
Tous les pays n’abordent cependant pas la question de la validité et de la force probante des signatures électroniques de la même manière. Les paragraphes qui suivent s’intéressent à la situation brésilienne.
Il est crucial de distinguer la signature électronique de la simple signature digitalisée. Un document électronique est un document créé, stocké et transmis sous forme électronique, tandis qu’un document digitalisé est une copie numérique d’un document papier. La signature électronique est un moyen technique permettant de garantir l’authenticité et l’intégrité d’un document électronique, tandis que la signature digitalisée est simplement une image d’une signature manuscrite. Cet article se concentre sur la validité des signatures électroniques au Brésil.
1. Evolution technologique et adaptation législative.
L’acceptation des signatures électroniques au Brésil est le résultat d’une évolution technologique et juridique au cours des vingt dernières années. La première étape importante a été franchie en 2001 avec la publication de la Mesure Provisoire (Medida Provisória) nº 2.200/2001, qui a établi l’infrastructure de clés publiques brésilienne (ICP-Brasil). L’ICP-Brasil a pour objectif de garantir l’authenticité, l’intégrité et la validité juridique des documents électroniques, et la réalisation de transactions électroniques sécurisées.
La Mesure Provisoire nº 2.200/2001, en son article 10, prévoit expressément la validité, sous certaines conditions, des documents électroniques :
« Art. 10 - Les documents électroniques visés par la présente mesure provisoire sont considérés comme des actes authentiques ou sous signature privée à toutes fins juridiques.
§1 - Les déclarations contenues dans les documents électroniques produits à l’aide d’un processus de certification mis à disposition par l’ICP-Brasil sont présumées véridiques à l’égard des signataires, conformément à l’article 131 du Code Civil.
§2 - Les dispositions de la présente mesure provisoire ne font pas obstacle à l’utilisation d’autres moyens de preuve de la paternité et de l’intégrité des documents sous forme électronique, y compris ceux utilisant des certificats non délivrés par l’ICP-Brasil, à condition qu’ils soient acceptés par les parties comme étant valables ou acceptés par le destinataire du document ».
L’exposition des motifs de la Mesure Provisoire nº 2.200/2001 met en lumière l’intention du législateur de promouvoir l’utilisation de moyens électroniques dans les relations entre l’administration publique et les citoyens, ainsi qu’entre les citoyens eux-mêmes. Cette finalité ressort tout particulièrement du second paragraphe de l’article 10, qui permet aux parties d’utiliser des moyens de preuve de l’authenticité et de l’intégrité des documents électroniques distincts des certificats émis par l’ICP-Brasil, à condition que ce moyen soit admis par les parties comme valide ou accepté par la personne à qui le document est opposé.
Ce processus de normalisation juridique des documents électroniques s’est développé au cours de cette dernière décennie, au moyen de textes spécifiques, tout particulièrement dans les domaines commerciaux et financiers. Ainsi, la loi nº 13.775/2018 a créé le duplicata électronique et loi nº 13.986/20 a créé plusieurs effets de commerce électroniques, notamment ceux liés aux activités rurales, immobilières et de financement en général. Ces lois ont marqué une avancée significative dans la reconnaissance et la réglementation des documents électroniques auprès des professionnels du commerce international et de la finance d’entreprise.
Plus récemment, la loi nº 14.063/2020 a reconnu la validité de la signature électronique dans la communication avec l’administration publique et a créé différents niveaux de signature électronique, en fonction du niveau de sécurité de la certification employée : signature électronique simple, avancée ou qualifiée.
2. Evolution technologique et adaptation jurisprudentielle.
Les années qui ont suivi la publication de la Mesure Provisoire nº 2.200/2001, les tribunaux brésiliens étaient réticents à reconnaître la validité des signatures électroniques, tant par méconnaissance du standard ICP-Brasil que par méfiance vis-à-vis d’autres systèmes de certification choisis par les parties.
Cependant, la position des juridictions supérieures a rapidement évolué au cours de ces dernières années, reconnaissant la validité de ces signatures sous certaines conditions, en particulier, que la méthode utilisée soit acceptée par les parties [1].
Un arrêt du Tribunal Fédéral Supérieur (Superior Tribunal Federal - STF, la Cour Suprême brésilienne) de septembre dernier est venu parachever cette évolution jurisprudentielle en faisant, aux termes mêmes de la magistrate Rapporteuse, de l’exceptionnelle reconnaissance du caractère exécutoire des contrats signés électroniquement, la règle [2].
Dans cette affaire, le STF a jugé que la signature électronique, même réalisée en dehors de l’ICP-Brasil, est valable pour la perfection d’un acte juridique, à condition qu’elle soit fiable et permette l’identification du signataire. Cet arrêt précise également que les parties sont libres de choisir la plateforme de signature électronique, tant que les conditions de fiabilité et d’identification sont respectées.
Cet arrêt ouvre donc implicitement aux parties la possibilité de choisir une plateforme de signature non brésilienne, même pour signer des documents qui devront être ensuite exécutés au Brésil.
Cet arrêt renforce la sécurité juridique des transactions électroniques en confirmant la validité des signatures électroniques réalisées en dehors de l’ICP-Brasil, tout en soulignant l’importance de la fiabilité et de l’identification du signataire.
3. Validité et force probante.
L’arrêt du STF de septembre 2024 fait une distinction importante entre la question de la validité de la signature électronique et celle de sa force probante.
Un document électronique peut être considéré comme valide, c’est-à-dire qu’il produit des effets juridiques, même s’il n’a pas été signé avec un certificat numérique ICP-Brasil. En revanche, la force probante d’un document électronique signé avec un certificat numérique ICP-Brasil est généralement supérieure à celle d’un document électronique signé avec un autre type de signature électronique. Dans ce second cas, la partie qui cherche à opposer ou faire exécuter le document signé électroniquement pourra avoir à prouver l’authenticité de la signature et l’intégrité du document.
La reconnaissance formelle, par le STF, de la validité des signatures électroniques ne suivant pas le standard ICP-Brasil, est conforme à l’esprit de la Loi de Liberté Économique (Lei de Liberdade Econômica, Lei nº 13.874/2019), adoptée en 2019 pour promouvoir la liberté d’entreprendre et réduire la bureaucratie.
Cependant, l’autonomie de la volonté ne doit pas compromettre la fiabilité et l’intégrité des documents électroniques et, donc, la sécurité juridique. Le choix du type de signature électronique doit être guidé par des considérations de sécurité et de fiabilité, afin de garantir l’authenticité et l’intégrité des documents électroniques.
Conclusion : sécurité juridique et autonomie de la volonté.
Les parties sont donc libres de choisir le type de signature électronique et la plateforme qu’elles souhaitent utiliser, à condition que celui-ci soit admis par les parties comme valide ou accepté par la personne à qui le document est opposé.
Le Brésil a adopté une approche progressiste en matière de signatures électroniques, en reconnaissant leur validité et en les réglementant de manière à garantir la sécurité juridique et l’autonomie de la volonté. Les opportunités ouvertes par l’évolution technologique des dernières années a été saisie par le législateur et par les magistrats brésiliens afin de créer d’un cadre juridique solide et adapté aux besoins du monde numérique.
L’arrêt de la Cour Suprême de septembre 2024 contribue à la simplification et à la fluidité des transactions électroniques au Brésil et entre le Brésil et l’extérieur. Les acteurs économiques étrangers qui ont des affaires au Brésil, ou des liens contractuels avec des entreprises brésiliennes, peuvent désormais utiliser des plateformes de signature électronique internationales, reconnues et fiables, pour signer des documents avec leurs partenaires brésiliens, sans avoir à se soucier de la validité de ces signatures au Brésil.