L’Amazonie et la Constitution Brésilienne : la lutte pour les droits des autochtones.

Par Teresa de Jesus Candeias, Juriste.

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Explorer : # droits des autochtones # protection des terres # constitution brésilienne # préservation culturelle

Le droit constitutionnel amazonien est un domaine d’étude et de pratique juridique visant à comprendre et à appliquer les principes constitutionnels de manière spécifique à la région amazonienne. L’Amazonie, en raison de son étendue territoriale et de son importance socio-environnementale, présente des caractéristiques uniques qui méritent une analyse approfondie dans le contexte constitutionnel.

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La Constitution brésilienne, en tant que document normatif suprême, établit les fondements de la protection des droits et garanties fondamentales des citoyens, et il en va de même pour les peuples indigènes. La Constitution brésilienne garantit aux peuples indigènes le droit à la terre, à la culture, à la langue, à l’éducation et à la santé [1].

Les peuples autochtones ont un droit inaliénable à affirmer leur identité ethnique, en se reconnaissant comme distincts de la société nationale. Ils ont le droit d’être propriétaires de terres, notamment dans la région amazonienne, ce qui reflète l’importance historique et culturelle de ces communautés, ainsi que la nécessité de préserver et de respecter leurs traditions ancestrales.

La Constitution brésilienne protège les terres indigènes en reconnaissant le droit des peuples autochtones à leurs terres et ressources naturelles, et établit que l’Union doit les délimiter et les protéger. La Constitution réglemente également l’exploitation de leurs richesses naturelles, qui ne peut être effectuée qu’avec l’autorisation du congrès national et le consentement de la population concernée, ainsi que la participation aux bénéfices [2].

La protection des droits des peuples autochtones dans le système juridique brésilien est basée sur des principes constitutionnels qui reconnaissent les droits originels des peuples indigènes sur les terres qu’ils occupent traditionnellement. Il ne s’agit pas de propriété collective, mais de possession permanente de terres appartenant à l’Union, entité chargée de promouvoir l’affectation des terres indigènes par le biais d’une procédure administrative spéciale [3].

Le professeur José Afonso da Silva a réitéré en 1984 :

"L’indigénat ne se confond pas avec l’occupation, avec la simple possession. L’indigénat est la source primaire et congénitale de la possession territoriale ; c’est un droit congénital, tandis que l’occupation est un titre acquis. L’indigénat est légitime en soi" [4].

Les droits constitutionnels des peuples autochtones sont exprimés dans un chapitre spécifique de la Charte de 1988 (titre VIII, "De l’Ordre Social", chapitre VIII, "Des Peuples Autochtones"), ainsi que dans d’autres dispositions dispersées tout au long de son texte et d’un article de l’Acte des dispositions constitutionnelles transitoires.

Deux innovations conceptuelles importantes par rapport aux constitutions précédentes et à ce qui était appelé le "statut de l’indien". La première innovation consiste à abandonner une perspective qui considérait les peuples autochtones comme une catégorie sociale transitoire destinée à disparaître. La seconde innovation réside dans le fait que les droits des peuples autochtones sur leurs terres sont définis comme des droits originels, c’est-à-dire antérieurs à la création même de l’État. Cela découle de la reconnaissance du fait historique selon lequel les peuples autochtones furent les premiers occupants du Brésil.

Reconnaissant l’importance de l’inclusion : le droit à la différence.

Avec les nouveaux préceptes constitutionnels, les peuples autochtones se voient assurer le respect de leur organisation sociale, de leurs coutumes, de leurs langues, de leurs croyances et de leurs traditions. Pour la première fois, on reconnaît aux indiens au Brésil le droit à la différence : celui d’être des indiens et de le rester indéfiniment. Cela est énoncé à l’article 231 de la Constitution :

"Les indiens voient leur organisation sociale, leurs coutumes, leurs langues, leurs croyances et leurs traditions reconnues, ainsi que leurs droits originels sur les terres qu’ils occupent traditionnellement. Il incombe à l’Union de les délimiter, de les protéger et de faire respecter tous leurs biens".

La Charte de 88 garantit aux peuples autochtones l’utilisation de leurs langues et de leurs méthodes d’apprentissage propres dans l’enseignement primaire (article 210, § 2), ouvrant ainsi une nouvelle ère pour les actions relatives à l’éducation scolaire des peuples autochtones.

La Constitution permet aux peuples autochtones, à leurs communautés et à leurs organisations, comme à toute personne physique ou morale au Brésil, d’avoir la légitimité de saisir les tribunaux pour défendre leurs droits et leurs intérêts.

Les fondements constitutionnels du droit à la terre.

La nouvelle Constitution a innové à tous égards, établissant en particulier que les droits des peuples autochtones sur les terres qu’ils occupent traditionnellement sont d’origine. Cela signifie qu’ils existent antérieurement à la formation de l’État lui-même, indépendamment de toute reconnaissance officielle.

Le texte en vigueur élève également au rang constitutionnel le concept même de terres indigènes, qui est ainsi défini à l’article 231, paragraphe 1 :

"Les terres traditionnellement occupées par les peuples autochtones sont celles qu’ils habitent de manière permanente, celles utilisées pour leurs activités productives, celles indispensables à la préservation des ressources environnementales nécessaires à leur bien-être, ainsi que celles nécessaires à leur reproduction physique et culturelle, conformément à leurs usages, coutumes et traditions".

Il existe certains éléments qui définissent une terre comme étant indigène. En présence de ces éléments, à déterminer selon les usages, coutumes et traditions des peuples autochtones, le droit à la terre de la communauté qui l’occupe existe et se légitime indépendamment de tout acte constitutif. À cet égard, la délimitation d’une terre indigène, fruit de la reconnaissance par l’État, est simplement un acte déclaratoire dont l’objectif est de préciser l’étendue réelle de la possession afin d’assurer la pleine efficacité de la disposition constitutionnelle. Il incombe à l’Union d’assurer la protection des terres indigènes.

En ce qui concerne les terres indigènes, la Constitution de 1988 établit toujours ce qui suit :

Elles font partie des biens de l’Union (art. 20, XI) ;
Elles sont destinées à une possession permanente par les peuples autochtones (art. 231, § 2) ;
Tous les actes juridiques qui affectent cette possession sont nuls et éteints, sauf en cas d’intérêt public majeur de l’Union (art. 231, § 6) ;
Seuls les peuples autochtones peuvent jouir des richesses du sol, des rivières et des lacs qui s’y trouvent (art. 231, § 2) ;
L’exploitation de leurs ressources hydriques, y compris les potentiels énergétiques, la recherche et l’extraction de leurs richesses minérales ne peuvent être réalisées qu’avec l’autorisation du Congrès national, après consultation des communautés concernées, et ces communautés doivent participer aux résultats de l’extraction (art. 231, § 3, art. 49, XVI) ;
Une loi ordinaire est nécessaire pour fixer les conditions spécifiques d’exploitation minière et de ressources hydriques sur les terres indigènes (art. 176, § 1) ;
Les terres indigènes sont inaliénables et indisponibles, et les droits qui y sont attachés sont imprescriptibles (art. 231, § 4) ;
Il est interdit de déplacer les peuples autochtones de leurs terres, sauf dans des cas exceptionnels et temporaires (art. 231, § 5).

Dans les dispositions constitutionnelles transitoires, un délai de cinq ans a été fixé pour la démarcation de toutes les terres indigènes au Brésil.

Dispositions additionnelles : autres aspects de la Constitution.

Voici les dispositions additionnelles :

Il incombe au Ministère Public Fédéral la responsabilité de défendre judiciairement les droits des peuples autochtones (art. 129, V).
La législation sur les populations autochtones relève de la compétence exclusive de l’Union (art. 22, XIV).
Le traitement et le jugement des litiges concernant les droits des peuples autochtones relèvent de la compétence des juges fédéraux (art. 109, XI).
L’État doit protéger les expressions des cultures populaires, y compris celles des peuples autochtones (art. 215, § 1).
Respect de l’utilisation de leurs langues maternelles et de leurs propres méthodes d’apprentissage (art. 210, § 2) [5].

Selon les données du dernier recensement réalisé par l’Institut brésilien de géographie et de statistique (IBGE), le Brésil comptait, en 2010, une population de près de 897 000 autochtones. On a identifié en outre 305 différentes ethnies et 274 langues (IBGE, 2012). Il s’agit d’une population déclarée comme telle. Selon l’Institut socio-environnemental (ISA), en 2016, le Brésil comptait un peu plus de 700 000 autochtones, répartis en 252 peuples [6].

En 1991, pour la première fois, l’option "indigène" a été incluse dans la catégorie couleur ou race du recensement démographique de l’IBGE. Cette année-là, 294 000 personnes se sont déclarées indigènes, ce qui représentait à l’époque 0,2% de la population totale du pays. Neuf ans plus tard, lors du recensement réalisé en 2000, le nombre d’individus s’auto-déclarant indigènes était de 734 000, ce qui correspondait à 0,4% de la population. Autrement dit, il y a eu une augmentation d’environ 150%, soit 10,8% par an [7].

Les peuples autochtones.

Les peuples autochtones peuvent jouer un rôle décisif dans un autre modèle de développement possible qui, au contraire, est attentif à la préservation des ressources environnementales. Il convient de noter que nous ne devons pas reproduire involontairement le "mythe du bon sauvage écologique", en projetant sur les peuples autochtones l’image et la responsabilité d’être "naturellement" conservationnistes [8].

Les droits constitutionnels des peuples autochtones au Brésil représentent une importante innovation par rapport aux Constitutions antérieures et au statut de l’Indien. La Constitution de 1988 a abandonné la perspective assimilationniste et reconnu les peuples autochtones comme une catégorie sociale ayant le droit à la différence et à la préservation de leur identité culturelle.

La reconnaissance des droits originels des peuples autochtones sur leurs terres, antérieurs à la formation de l’État, marque également un changement significatif. La Constitution a défini le concept de terres indigènes et a établi que ces terres sont destinées à la possession permanente des peuples autochtones, étant inaliénables et indisponibles. De plus, seuls les peuples autochtones ont le droit de jouir des richesses naturelles présentes dans les terres indigènes.

Les peuples autochtones ne doivent pas être mis dans une position où ils sont les seuls responsables de la préservation environnementale. Cependant, de nombreuses communautés autochtones démontrent une relation harmonieuse et durable avec l’environnement, mais cela ne doit pas être considéré comme une caractéristique inhérente ou exclusive des peuples autochtones.

Il est nécessaire de reconnaître que les pressions économiques et les impacts environnementaux affectent également les terres indigènes et peuvent compromettre leur capacité de préservation.

Teresa de Jesus Candeias, Juriste.

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Notes de l'article:

[1Miranda, Alcir Gursen de. "Direito Constitucional Amazônico : Pluralismo Constitucional".

[2Passos, D., & Benatti, G. S. S. Desenvolvimento e territórios indígenas na Amazônia brasileira no período dictatorial/Development and indigenous territories in the Brazilian Amazon in the dictatorial period/Desarrollo y territorios indígenas en la Amazonia brasileña en el período dictatorial.

[3Waisberg, T. (2018, 12 de novembro). Direitos dos indígenas e soberania nacional. Jus.com.br

[4Silva, José Afonso da.“Autoaplicabilidade do artigo 198 da Constituição Federal”. Boletim Jurídico da Comissão Pro-Índio de São Paulo, ano 1, 1984, n. 3, pp. 3-9.

[5ISA, Povos Indígenas no Brasil : Direitos constitucionais dos índios disponível em : https://pib.socioambiental.org/pt/Constitui%C3%A7%C3%A3o

[6Direitos dos povos indígenas e desenvolvimento na Amazôniade CL Dias 2019.

[7Pereira, N., Santos, R. V. & Azevedo, M. M. (2005). Perfil demográfico socioeconômico das pessoas que se autodeclararam ‘Indígenas’ nos censos demográficos de 1991 e 2000. Demografia dos povos indígenas no Brasil [online], 154- 166. Rio de Janeiro : Editora Fiocruz.

[8Carneiro da Cunha, M. (2009). Cultura com aspas e outros ensaios. São Paulo : Cosac Naify, p. 287.

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