Ce principe limite l’action de l’ONU elle-même, qui doit respecter la juridiction interne des États et ne pas accorder indûment le droit d’intervention aux États. Cependant, la Charte prévoit des exceptions à ce principe, telles que le droit à la légitime défense (article 51) et la possibilité pour le Conseil de sécurité d’autoriser des actions armées pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales (Chapitre VII). Ainsi, les opérations de maintien de la paix de l’ONU peuvent impliquer l’usage de la force, à condition qu’elles soient autorisées par le Conseil de Sécurité et conformes aux buts et principes de la Charte. [1]
La nécessité de l’intervention humanitaire ayant pour objectif la protection contre les graves violations des droits humains.
Selon la position de Dunant, les sociétés devaient être aidées par un principe international, soutenu par une convention inviolable, leur conférant la légitimité et l’impartialité nécessaires pour remplir une telle fonction. Cette proposition inédite a permis d’établir les fondations du régime international actuel de protection humaine : dans un premier temps, en ouvrant la voie au travail des organisations humanitaires, permettant leur présence dans des situations de conflit sans être ciblées par les parties belligérantes ; dans un deuxième temps, vers la fin du XXe siècle, en assouplissant les normes internationales définies en 1648 par les traités de paix de Westphalie, notamment en ce qui concerne la marginalisation de la souveraineté « absolue » des États, permettant ainsi de conférer à la communauté internationale la légitimité d’intervenir à des fins humanitaires dans un État souverain donné.
Le concept d’ intervention humanitaire est apparu aux Nations Unies, défini par Holzgrefe et Keohane comme la menace ou l’usage de la force par un État (ou un groupe d’États) en vue de prévenir ou d’éradiquer des violations à grande échelle des droits fondamentaux des individus, sans l’autorisation de ceux à qui la force est appliquée. En effet, ayant pour objectif la protection des individus contre des violations graves et systématiques des droits de l’homme, le nouveau paradigme humanitaire des années 1990 cherche à réduire l’indifférence et l’inaction de la communauté internationale face à des situations où les vies de civils sont gravement menacées.
Ainsi, en assouplissant le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, le Conseil de sécurité serait légitimé à déclencher des interventions humanitaires pour mettre fin à des violations graves et systématiques des droits de l’homme. Cependant, comme le souligne Thakur, l’usage de la force ne garantit pas à lui seul la protection des individus et s’accompagne toujours de conséquences dramatiques - notamment des situations de mort et de dévastation à grande échelle.
Pour cette raison, le modèle interventionniste des Nations Unies - basé sur la mobilisation de forces militaires à des fins humanitaires - s’est révélé profondément inefficace. Cela a été particulièrement perceptible lors de l’intervention de l’ONU en Somalie (1992/1993), où la dépendance excessive à l’usage de la force militaire n’a pas permis d’assurer la protection de la population somalienne. [2]
La Résolution 60/1 de l’Assemblée générale des Nations Unies a reconnu l’obligation de chaque État de protéger sa population contre les graves violations des droits humains et du droit humanitaire. Elle soulignait également le devoir de la communauté internationale d’aider les sociétés qui échouent à atteindre cet objectif. La résolution prévoyait en outre que, dans le cas où les moyens pacifiques se révéleraient inadéquats et insuffisants, cette même communauté internationale serait habilitée à prendre les mesures de sécurité collective appropriées, y compris le recours à la force, pour atteindre ses objectifs.
L’utilisation de la force, fondée sur la Responsabilité de Protéger (R2P), exige l’épuisement préalable de tous les moyens pacifiques pour résoudre le conflit et l’autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies.
L’utilisation de la force dans le cadre de la responsabilité de protéger doit respecter des limites matérielles, temporelles et formelles. Les objectifs sont d’assurer que les opérations menées sur la base de cette exception n’aggravent pas les conflits et ne nuisent pas à la population civile. La limite matérielle permettrait l’utilisation d’interventions militaires uniquement dans des situations extrêmes, pour empêcher des atrocités de masse, telles que les génocides, les crimes de guerre, le nettoyage ethnique et les crimes contre l’humanité. La limite temporelle se traduit par la notion que la force militaire doit être un "dernier recours", c’est-à-dire qu’elle doit être utilisée après l’échec évident de l’État à exercer sa responsabilité de protéger et après l’épuisement de tous les moyens pacifiques. Enfin, la limitation formelle signifie que le Conseil de sécurité des Nations Unies doit être le seul organe habilité à autoriser les opérations de R2P. [3]
Le Traité de Westphalie et la Fondement de l’Interdiction de l’Ingérence.
Le principe de la non-Intervention est étroitement lié au Traité de Westphalie, car tous deux promeuvent la souveraineté des États et la non-intervention. Le Traité de Westphalie a jeté les bases d’un système international d’États souverains, et le principe de la non-intervention renforce cette souveraineté en garantissant que les États peuvent se gouverner sans ingérence extérieure.
"Le Traité de Westphalie de 1648, qui met fin à la Guerre de Trente Ans, peut être compris comme un moment historique de grande importance, marquant la transition de la société médiévale, sous l’autorité de l’Église, à la société de l’État-Nation moderne, liée à la notion de souveraineté et à un pouvoir politique centralisé.
En mettant fin à la Guerre de Trente Ans, la Paix de Westphalie a reconnu les principes de souveraineté et d’égalité interétatique comme bases de l’équilibre politique européen, acceptant, à partir de cette nouvelle idéologie, le respect et la coexistence entre les diverses entités politiques émergentes de l’époque. Elle a ainsi énoncé une nouvelle conception de l’ordre international, en opposition à celle des siècles précédents, représentant un véritable tournant dans l’histoire des relations internationales. S’étendant de 1648 à 1945, nombre de ses postulats sont encore présents dans le monde contemporain, remplaçant l’ordre international de la chrétienté par l’ordre séculier de l’État-Nation. À partir de ses dispositions, le système moderne des États commence à se consolider, composé d’unités politiques souveraines qui interagissent selon des objectifs et des fins diversifiés, initiant la constitution de la société internationale, caractérisée par l’existence de normes communes prévoyant les droits et obligations des parties."
"Dans ce contexte, il est nécessaire de mentionner que, à partir des Traités de Westphalie, deux principes fondamentaux entrent en jeu, à savoir :
a) le principe de la souveraineté étatique ;
b) le principe de l’égalité entre les États." [4]
Le Traité de Westphalie met ainsi fin à la pratique qui permettait aux États de s’immiscer dans les affaires internes d’autres États, établissant que chaque État aurait une autorité pleine et entière sur son territoire, sans ingérence extérieure. [5]
En conclusion, l’équilibre entre la responsabilité de protéger (R2P) et la souveraineté nationale représente l’un des principaux défis de la gouvernance mondiale actuelle. Définir clairement les critères d’intervention, éviter que la R2P ne soit utilisée comme prétexte pour des intérêts géopolitiques, et veiller à ce que les actions ne portent pas atteinte de manière excessive à la souveraineté sont des questions complexes qui continuent de susciter des débats importants au sein de la communauté internationale. La recherche de mécanismes efficaces pour mettre en œuvre la R2P, sans compromettre le principe de non-ingérence, est essentielle pour répondre aux crises humanitaires de manière juste et efficace. À mesure que la communauté internationale progresse dans la construction d’une structure plus robuste et équilibrée, il sera crucial d’aborder ces défis avec une approche qui respecte à la fois la dignité des États souverains et les besoins impératifs de protection et d’intervention humanitaire.