La guerre anti-drogue menée par le maire, puis le président Rodrigo Duterte.
Le 15 septembre 2021, la Cour pénale internationale avait autorisé l’ouverture d’une enquête sur les crimes qui auraient été commis sur le territoire des Philippines dans le cadre de la campagne dite de « guerre contre la drogue » initiée par les autorités des Philippines entre le 1ᵉʳ novembre 2011 et le 16 mars 2019. Cette période englobe l’exercice par Monsieur Duterte de son mandat de maire de la ville de Davao City, où il aurait été fondateur et chef de l’escadron de la mort de Davao, ainsi que celui de président de la République des Philippines du 30 juin 2016 au 30 juin 2022.
Selon le mandat d’arrêt, il y a des motifs raisonnables de croire qu’il est individuellement responsable, comme coauteur indirect de meurtres en tant que crime contre l’humanité, qui aurait été commis aux Philippines, « dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque » (Article 7 du Statut de Rome).
Un rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, publié en 2020, faisait déjà état d’« allégations crédibles » de meurtres systématiques et d’une impunité presque totale pour les responsables. Le nombre de victimes durant cette guerre menée contre la drogue par Monsieur Duterte se situe entre 12 000 et 30 000 personnes.
Le retrait de la République des Philippines de la Cour pénale internationale.
La République des Philippines a signé puis ratifié le Statut de Rome, portant création de la CPI. Elle est donc devenue État partie à la CPI, le 1ᵉʳ novembre 2011, conférant ainsi à cette dernière le pouvoir de juger les crimes de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et crimes d’agression, concernant sa population ou son territoire.
Le 17 mars 2018, alors que la CPI avait ouvert une enquête depuis le 15 mars 2015 sur la guerre contre la drogue menée par le président Duterte, la République des Philippines a déposé une notification écrite de retrait du Statut. Conformément à l’article 127 du Statut, ce retrait a pris effet un an plus tard. Néanmoins, la CPI a conservé sa compétence sur les crimes qui auraient été commis en République des Philippines alors que ce pays était un État partie au Statut de Rome. L’exécution du mandat d’arrêt à Manille, le 11 mars 2025, a été rendue possible grâce à la coopération des autorités philippines.
Les conséquences de l’arrestation de Rodrigo Duterte : des répercussions nationales et internationales.
La comparution initiale de Rodrigo Duterte devant les juges de la Chambre préliminaire I a eu lieu le 14 mars 2025. La Chambre a provisoirement programmé l’audience de confirmation des charges pour le 23 septembre 2025.
Cette arrestation et cette extradition ont tout d’abord eu des conséquences à l’échelle nationale, c’est-à-dire aux Philippines.
Leila de Lima, élue sénatrice en 2016, et opposante depuis plusieurs années à la violente guerre contre la drogue menée par Rodrigo Duterte, a pu affirmer que son arrestation marquait « la fin de l’impunité, mais aussi le déclenchement d’un mouvement plus vaste en faveur de la justice, de la transparence et du rétablissement des droits humains ».
L’arrestation de l’ex-Président a aussi eu des conséquences à l’échelle internationale en rappelant le principe de responsabilité pénale des dirigeants. Plus précisément, cette affaire pourrait envoyer un message fort contre l’impunité des dirigeants dès lors que conformément à l’article 27 du Statut de Rome, « Les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne », ce qui écarte toute possibilité de pouvoir invoquer une quelconque immunité pour un chef d’État.
Cette arrestation, enfin, est d’autant plus importante, qu’elle n’est pas sans rappeler la politique également menée par le Président d’un autre État partie au Statut de Rome, Nayib Bukele au Salvador. Ce dernier, dans sa lutte contre le trafic de drogue, est également critiqué par certaines associations pour ses dérives portant atteinte à des droits fondamentaux, poussant notamment à des détentions arbitraires, à des mauvais traitements, et même de nombreux décès dans les prisons en raison de conditions carcérales inhumaines.
Ainsi, l’arrestation de l’ex-président Duterte pose des questions complexes, tant sur le plan juridique que sur le plan institutionnel. Même si le droit international œuvre pour garantir les droits fondamentaux des citoyens, la présence de lois d’extradition et du principe d’immunité des chefs d’État dans les différentes législations nationales ne permet pas encore de garantir une action rapide de la Cour pénale internationale contre l’impunité des dirigeants.