Le droit de ne pas être père.

Par Aurélie Thuegaz, Avocat.

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Explorer : # droit de ne pas être père # paternité imposée # géniteur sous x # filiation volontaire

La paternité peut-elle être imposée ? La question mérite d’être posée.
En effet, avec les évolutions, le papa ne bénéficie d’aucune protection si sa partenaire sexuelle lui a menti sur l’utilisation d’un moyen de contraception : les cas d’ouverture de l’action en recherche de paternité ont disparu il y a bien longtemps et les analyses ADN rendent la preuve de la paternité quasi certaine quand il était nécessaire autrefois de démontrer l’existence de relations suivies entre les parents pendant la période légale de conception.

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Certains auteurs ont récemment proposé d’établir une sorte de statut de géniteur sous X, qui permettrait à tout homme de s’exonérer de ses obligations en cas de désir de la mère de poursuivre une grossesse ne s’inscrivant pas dans le cadre d’un projet parental partagé.
La jurisprudence a eu à plusieurs reprises l’occasion d’affirmer l’existence d’un droit du père à ne pas reconnaître l’enfant. La cour d’appel de Versailles, a jugé que « le droit du père de ne pas reconnaître l’enfant est un droit discrétionnaire, au même titre que l’est celui de la mère de ne pas interrompre sa grossesse ». Une demande d’indemnisation par la mère ne pourra pas donc être demandé qu’à condition d’apporter la preuve qu’elle a été entretenue dans l’illusion que la naissance serait le point de départ de la construction d’une nouvelle famille.
En revanche, La cour d’appel de Caen avait ainsi considéré peu de temps avant « que, en ne procédant pas à la reconnaissance d’un enfant qu’il savait être le sien et en ne lui conférant pas le statut et les avantages attachés à une filiation légalement établie », le père avait agi « avec désinvolture et irresponsabilité et manqué à ses devoirs élémentaires », « ce qui est constitutif d’un comportement fautif même s’il n’existe pas de texte stigmatisant ce type d’attitude » [1].

Cette affirmation, évidemment critiquable dans la mesure où elle méconnaît la liberté qui gouverne l’établissement volontaire de la filiation, reflète parfaitement la réserve des juges du fond qui ont beaucoup de mal à appréhender le problème des paternités imposées. On impose donc a la mère d’assumer son choix, car elle ne pourrait après une interruption volontaire de grossesse solliciter des dommages et intérêts à l’encontre de père que s’il n’est pas démontré que la conception de l’enfant a été le résultat d’un projet commun. Donc si la mère met à terme sa grossesse sachant qu’il y ait une absence de volonté du géniteur d’assumer son rôle de père, aucune indemnisation ne pourra être sollicitée.

Un « sous X » au masculin ? La fin d’un privilège féminin. Les premières propositions en la matière remontent à une petite dizaine d’années.
La juriste Marcela Iacub a fait la proposition de la possible création d’une procédure analogue à l’accouchement sous X [2]. Elle propose que l’homme qui ne veut pas assumer les conséquences de la grossesse de sa compagne, puisse être reconnu "géniteur sous X" afin de se protéger d’un recours de la part de l’enfant ou de la mère. Elle explique : "cette solution (...) semblerait moins barbare que de contraindre une femme à avorter"... Suite à un rapport sexuel, l’homme peut devenir père sans en avoir envie. En lui permettant d’être "géniteur sous X" il devient un simple donneur de sperme sans risque d’être père.

En d’autres termes, on pencherait vers une protection de la vie privée du père équivalente à celle accordée à la mère accouchant sous X, toutes deux cependant au détriment de la recherche par l’enfant de ses origines.

Aurélie Thuegaz,
Thuegaz avocats

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Notes de l'article:

[1Dalloz Revues , AJ Famille 2017 numéro 05.

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Discussions en cours :

  • par PHILOU , Le 4 juillet 2024 à 09:39

    Est-ce qu’une future mère doit informer le géniteur qu’il va engendrer un enfant et est-ce que la mère peut garder secrète une grossesse ou une naissance ? Est-ce qu’un géniteur peut faire valoir des droits parentaux s’il apprend un jour qu’il a eu un enfant ?

  • Bonjour
    Dans le cadre d’un divorce qui a duré sept ans et où la séparation de corps et de Domicile du couple A eu eu lieu en février 1964, un enfant est né le 13 mai 1965, alors que le jugement de divorce n’avait pas encore été prononcé Et que le com, était séparé depuis février février 1964 La mère portait donc encore son nom marital, lorsqu’elle a accouché, elle a donc donné ce nom à cet enfant
    Dans le cadre d’une succession. Cet enfant aujourd’hui apparaît pour réclamer qu’il est l’enfant du défunt.
    Est-ce légal et ou quelles sont les recours ?
    En vous remerciant.
    Bien cordialement.

  • je trouve cela abérant surtout venant d’une femme, les droits de la femme ne cesse de régresser et c’est souvent elle qui en est l’origine

    • par VENTURA VALENTINA , Le 23 mai 2022 à 15:33

      Je trouve aberrant d’abuser des droits d’être femme ! On ne peux pas imposer à un homme de garder un enfant qu’il n’a pas désiré, exactement comme les femmes ont droit à avorter s’elle ne souhaite pas dévernir mères.
      Cordialement

  • Bonjour
    Mon ex compagne est enceinte, je ne souhaite pas d enfant et nous nous sommes séparés juste avant. Elle veut malgré tout garder l enfant et moi non. Elle comprend parfaitement ma position et je respecte son choix et ses convictions sur l avortement. Nous sommes donc d accord pour que je ne sois pas le père de cet enfant et que je n en assume aucune responsabilité. Que peut on faire pour officialiser ceci ?
    Merci.

    • par Maxence , Le 3 janvier 2022 à 16:19

      Bonjour
      Mon ex compagne est enceinte, je ne souhaite pas d enfant et nous nous sommes séparés juste avant. Elle veut malgré tout garder l enfant et moi non. Elle comprend parfaitement ma position et je respecte son choix et ses convictions sur l avortement. Nous sommes donc d accord pour que je ne sois pas le père de cet enfant et que je n en assume aucune responsabilité. Que peut on faire pour officialiser ceci ?
      Merci.

  • par Dominique , Le 3 septembre 2018 à 10:46

    vous n’abordez pas le cauchemar que je m’apprête à vivre : ma compagne de 54 ans vient de se faire faire une FIV contre ma volonté et en même temps : nous n’avons plus de relation sexuelle depuis 6 ans.... et g 60 ans et trois enfants dont un en commun ( 5 ans ) .--- je ne veux pas d’un quatrième enfant !! ... je suis en train de me faire avoir et je reste spectateur d’un désastre annonce ....

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