Dépôt d’espèces au guichet automatique d’une banque : le caractère abusif de certaines mentions figurant sur le bordereau de dépôt.

Par Alexandre Peron, Legal Counsel.

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Explorer : # automatisation bancaire # preuve de dépôt # clauses abusives # responsabilité bancaire

La clause qui prive le client d’un établissement bancaire de la possibilité de faire la preuve par tout moyen d’un dépôt d’espèces via l’utilisation d’un guichet automatique est abusive.

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Depuis de nombreuses années déjà, la volonté des banques est clairement affichée, à savoir autonomiser les clients et réduire les coûts liés aux agences physiques, et donc les coûts en matière de ressources humaines.

Ainsi, si pendant longtemps déposer des espèces sur son compte bancaire rimait avec formalités au guichet de son agence, les automates (DAB) autrefois réservés aux seuls retraits d’argent, ont connu une évolution, en permettant aux clients de déposer seul leurs espèces, en utilisant ces nouvelles machines. Certaines agences bancaires ont même admis la possibilité de déposer des espèces dans une enveloppe à introduire dans une boite prévue à cet effet, comme cela était déjà la pratique pour les chèques.

L’automatisation de ces opérations a eu pour conséquence de faire disparaitre le traditionnel reçu délivré par la banque avec le tampon de celle-ci, valant preuve de dépôt des espèces. Désormais, le client remplit lui-même un bordereau ou se voit remettre un ticket par l’automate, de la même manière qu’un ticket est remis lorsqu’un retrait d’espèces est effectué.

Dès lors, une question s’est rapidement posée, à savoir comment le client peut-il apporter la preuve de son dépôt d’espèce en cas de contestation ?

Cette question a fait couler beaucoup d’encre et des praticiens du droit mais également du milieu bancaire tendaient à dire que la question soulevée était en réalité un « non problème », dans la mesure ou le ticket remis par l’automate ou bien le bordereau rempli par le client lui-même, était de nature à constituer une preuve suffisante.

Si le sujet aurait pu en rester là, c’était sans compter sur la quasi-généralisation d’une pratique bancaire consistant à inscrire sur les tickets et bordereaux la mention suivante « la mention de la somme remise n’est pas une preuve de dépôt ».

Ceci pose bien évidemment un problème de taille, car d’une part, l’automatisation de l’opération et donc l’autonomie du client a pour conséquence de transférer au client une mission qui incombait autrefois aux professionnels de la banque, c’est-à-dire le fait de vérifier le dépôt. D’autre part, si en plus de transférer une telle tâche et donc la responsabilité y afférant, la banque prive le client d’un moyen de preuve en cas de contestation du dépôt, alors les dispositions de l’article 1358 du Code civil, qui précisent « qu’hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen », ne sont pas respectées.

La chambre commerciale de la Cour de cassation s’est penchée sur la question dans un arrêt récent en date du 21 janvier 2018, n° 16-19.866.

En l’espèce, un client avait effectué un dépôt d’espèces avec l’automate prévu à cet effet. Plusieurs jours après, ne voyant pas la somme créditée sur son compte, il avait effectué une réclamation auprès de son agence bancaire en apportant au soutien de sa demande, le ticket remis par l’automate. Le ticket fut écarté car il comportait une mention sous entendant que le dépôt d’espèces à l’aide d’un automate donne lieu à la délivrance d’un ticket, ayant pour unique but de permettre au client de se rappeler la somme « prétendument remise ».

Les juges du droit ont considéré en l’espèce, que la banque, en abandonnant et transférant au client l’action de vérifier lui-même son dépôt d’espèces, doit (c’est bien une obligation qui est posée ici), en cas de contestation, permettre au client d’apporter la preuve de ce qu’il affirme, et ce, par tous moyens.

La Haute cour est allée plus loin en indiquant que le ticket vaut commencement de preuve par écrit, comme l’avaient justement indiqué les juges du fond ; et que le type de mention inscrite sur les bordereaux ou tickets affirmant que ceux-ci ne constituent pas une preuve de dépôt, est abusive puisque dans cette hypothèse le client n’a plus aucun moyen de rapporter la preuve de son opération. Tous les moyens et arguments apportés par le client en pareille situation, doivent donc être admis.

La solution de la Cour de cassation n’est pas à prendre à la légère car en plus d’être de bon sens, elle est en parfaite adéquation avec la recommandation de la Commission des clauses abusives (recommandation n° 05-02, 14 avril 2005, relative aux conventions de compte de dépôt) qui précise que « toute clause prévoyant que le montant d’un dépôt d’espèces à un automate électronique sera fixé exclusivement par l’inventaire de la banque, sans laisser au client la possibilité de rapporter la preuve de la véracité des mentions du ticket de dépôt, doit être supprimer car abusive ».

Alexandre Peron
Legal Counsel

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