Demandes salariales et prescription.

Par Grégory Chatynski, Juriste.

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Explorer : # prescription salariale # délai de prescription # demande de salaire # rupture du contrat

Un arrêt de la Cour d’appel de Nancy du 17 novembre 2022 (chambre sociale section 2, RG n°21/02322), vient rappeler une règle contre-intuitive si l’on s’en tient à la seule lecture de l’article L3245-1 du Code du travail.

-

Que dit cet article ?

L’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

Clair ou pas clair ?

Pour tous les avocats de salariés (en tout cas, ceux contre qui j’ai été opposés), c’est clair : le salarié licencié peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires (litige habituel, surtout si est invoquée l’annulation ou l’inopposabilité d’une clause de forfait-jour) sur une période de 3 ans précédant la rupture, en général le licenciement.

L’article L3245-1 ne dit-il pas : « la demande peut porter (…) lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat » ?

C’est clair, non ?

D’apparence oui mais en droit non.

Que dit la Cour d’appel ?

« L’alternative dont il prétend pouvoir bénéficier en application de la seconde phrase de ce texte n’intervient que quand le jour de la connaissance du droit est postérieur au jour de la rupture du contrat de travail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ».

C’est clair, non ?

Oui, enfin.

Enfin, car de nombreux avocats, suivis par certaines Cours d’Appel font une lecture erronée de l’article L3245-1 du code du travail.

Il convient de rappeler ici certains éléments :

Raisonner comme certains le font, à savoir pouvoir dans les 3 ans suivant la rupture du contrat solliciter un rappel de salaire sur une période de 3 ans précédant cette rupture, reviendrait à dépasser, voire à quasiment doubler le délai triennal de prescription, ce que ne dit pas l’article L3245-1 du Code du travail.

En effet, cet argument se heurte irrémédiablement à la première phrase de l’article L3245-1 du Code du travail : « l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Car c’est bien chaque mois que les salariés demandeurs « ont connu ou auraient dû connaître les faits » susceptibles de saisine judiciaire.

La Cour de cassation a été amenée, par un arrêt de cassation [1], donc d’une portée particulière, à rappeler la règle de droit en la matière :

« Vu l’article L3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l’article 21 V de la loi du 14 juin 2013 et les articles L3242-1 et L3141-22 du code du travail ;

Attendu qu’aux termes du premier de ces textes, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; que selon le deuxième de ces textes, les dispositions du nouvel article L3245-1 du code du travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans ; qu’il résulte des deux derniers textes que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible, que pour les salariés payés au mois, la date d’exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l’entreprise et concerne l’intégralité du salaire afférent au mois considéré ;
(…)
Qu’en statuant ainsi alors, d’une part, que la prescription instituée par les textes susvisés s’applique à toute action afférente au salaire et que tel est le cas d’une action tendant au versement, à la suite de la requalification de contrats de mission en contrat à durée indéterminée, de sommes au titre de la rémunération des journées de travail non effectuées, et que, d’autre part, la durée totale de la prescription ne peut excéder la durée prévue par la loi antérieure de sorte que les sommes dues antérieurement au 17 novembre 2009 étaient prescrites, la cour d’appel a violé les textes susvisés
 ».

Ainsi, la Cour rappelle-t-elle systématiquement, et notamment dans l’espèce susvisée, que s’il convient d’appliquer les nouvelles dispositions aux prescriptions en cours, la durée totale de la prescription ne doit pas excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans. Or, de telles dispositions transitoires ne sont applicables que dans l’hypothèse où le nouveau délai de prescription est plus court. Il ne peut donc jamais être de six ans.

C’est également le sens historique de la diminution des délais de prescription : la loi a voulu substituer un délai de 3 ans au délai de prescription précédent de 5 ans.

Ainsi, l’exposé des motifs de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, qui a adopté l’article L3245-1 du code du travail indique-t-il :

« L’article 16 reprend les dispositions de l’article 26 de l’accord sur les délais de prescription. Sous réserve de délais spécifiques prévus par le code du travail, toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat se prescrit par vingt-quatre mois à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Toutefois, l’article 16 précise que ces délais ne s’appliquent pas pour des actions ne portant pas sur l’exécution du contrat de travail, telles que les actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail et les actions exercées pour des faits de discrimination ou de harcèlement. Par ailleurs, les demandes de salaires se prescrivent désormais par trois ans à compter du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit  » [2].

L’interprétation téléologique de l’article L3245-1 du Code du travail aboutit à considérer, en synthèse :
- Que le délai de prescription de 3 ans court à partir du jour où le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer l’action judiciaire en paiement (comme précédemment le délai de 5 ans, auquel s’est simplement substitué le délai de 3 ans) ;
- Que la question de la rupture du contrat, nouvelle par rapport à la règle précédente, ne reporte pas le point de départ de la prescription, qui n’est en rien modifiée par cet évènement, mais vise simplement à tenir compte d’une situation dont le salarié n’a pris connaissance que postérieurement à cette rupture (par ex, jugement modifiant les droits et obligations des parties : requalification temps partiel/ temps plein ; changement de convention collective…)

C’est sur ce dernier point que la Cour de cassation a pu juger, par un arrêt du 09.06.2022 (n° 20-16.992), dans le cadre d’une demande de requalification temps partiel/ temps plein, que :

- "Ayant, d’abord, constaté que le salarié soutenait avoir atteint la durée légale du travail en septembre 2013, la cour d’appel a exactement retenu que le point de départ du délai de prescription n’était pas l’irrégularité invoquée par le salarié, mais la date d’exigibilité des rappels de salaire dus en conséquence de la requalification. Elle en a exactement déduit que la prescription triennale avait été interrompue par la saisine de la juridiction prud’homale le 12 décembre 2016  ;
- « la cour d’appel, qui a, ensuite, retenu que les rappels de salaires échus à compter du mois de novembre 2013, soit moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail, n’étaient pas prescrits, en a exactement déduit que le salarié était fondé à tirer les conséquences, dans cette limite, du dépassement, au mois de septembre 2013, de la durée légale du travail, pour prétendre au paiement d’une rémunération sur la base d’un temps plein ».

C’est parce que l’action du salarié tendait à faire reconnaître une situation nouvelle (temps partiel/ temps plein) qu’il a été admis, une fois ce droit reconnu judiciairement, à obtenir paiement de sommes sur une période antérieure à la rupture du contrat, mais surtout antérieure de 3 ans précédant la saisine de la juridiction.

C’est donc bien comme l’affirme la Cour d’appel de Nancy la connaissance du droit, postérieure à la rupture, qui ouvre la seconde alternative du texte.

Par ailleurs, sans faire de la casuistique jurisprudentielle, d’autres Cours d’appel appliquent correctement la règle de droit.

Ainsi la Cour de Nancy, déjà, dans une décision du 27 mai 2021 (n° RG 19/03536) :

« Dès lors, il y a lieu de déclarer les demandes d’indemnisation antérieures au 17 septembre 2015, le conseil de prud’hommes ayant été saisi le 17 septembre 2018, prescrites, le jugement du conseil de prud’hommes étant confirmé sur ce point » (heures supplémentaires).

Ainsi un arrêt de la Cour d’appel de Dijon du 27 août 2020 (RG n°18/007236) où apparaît nettement que le salarié a été licencié le 4 octobre 2016, qu’il a saisi le Conseil de prud’hommes le 20 juin 2017, et que la Cour fait courir la prescription à partir de cette dernière date, et non à partir de la date de rupture du contrat :

« (…) M. L. n’ayant saisi le conseil de prud’hommes que le 20 juin 2017, la prescription est acquise pour cette période. Pour la période postérieure au 16 juin 2013, seule n’est pas atteinte par la prescription la période ayant couru à partir du 20 juin 2014 » (délai de prescription de 3 ans) [3].

Ainsi un arrêt de la Cour d’appel de Bastia, 17 avril 2019 (RG n°18/001234) où apparaît nettement que le salarié a été licencié le 24 mars 2015, qu’il a saisi le 27 juillet 2015 et que la Cour fait courir la prescription à partir de cette dernière date, et non à partir de la date de rupture du contrat :

« la prescription, ayant commencé à courir le jour où l’intéressé avait connaissance de ses droits ou aurait dû les exercer, soit en l’occurrence à la réception chaque mois de ses bulletins de salaire, était acquise au jour de la demande formée le 27 juillet 2015, uniquement pour la période antérieure au 27 juillet 2010 ; que sera donc déclarée irrecevable comme prescrite la demande de Monsieur F... pour la période antérieure au 27 juillet 2010 et recevable pour le surplus » (délai de prescription de 5 ans, ancienne législation) [4].

Ou encore divers arrêts de la Cour de cassation des 9 décembre 2020 (19-12.788), 25 novembre 2020 (n°19-10.859) et 8 avril 2021 (19-22.700) qui confirment pleinement la règle rappelée à l’arrêt du 20 février 2019 (n°17-21887) ci-avant :

Arrêt du 25 novembre 2020 :

« En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la salariée, qui sollicitait le paiement de rappels de salaire pour la période de février 2009 à juin 2013, avait saisi la juridiction prud’homale le 8 juillet 2015, ce dont il résultait que la prescription de trois ans issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 était applicable aux créances salariales non prescrites à la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de prescription ne puisse excéder cinq ans, de sorte que les demandes de la salariée portant sur des créances nées postérieurement au 8 juillet 2010 n’étaient pas prescrites, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

Là encore, la Haute Cour confirme que le délai de prescription se calcule rétroactivement à partir de la saisine de la juridiction (ici, le 8 juillet 2015), indépendamment de la question du délai abrégé de prescription.

Arrêt du 9 décembre 2020 :
Nb : cet arrêt est un arrêt de cassation de l’arrêt de la Cour d’appel de Besançon du 21 décembre 2018 pour violation et fausse application des règles transitoire de la prescription abrégée (de 5 ans à 3 ans), qui n’intéressent pas le présent litige.

Les faits de l’espèce sont toutefois très intéressants en ce qu’il apparaît clairement que la Cour avait considéré, comme l’ensemble des jurisprudences énoncées ci-avant (appel et cassation), que le délai de prescription courait non pas rétroactivement à partir de la rupture du contrat de travail (ici, le 29 avril 2014), mais à partir de la saisine de la juridiction (ici, le 31 mars 2017).

Arrêt du 8 avril 2021 :

« Vu l’article L. 3245-1 du code du travail et l’article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 :
10. Aux termes du premier de ces textes, l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
11. Selon le second, ces règles s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
12. Pour condamner l’employeur à payer à la salariée une certaine somme à titre de rappel d’heures supplémentaires pour les années 2008 à 2012, outre congés payés afférents, la cour d’appel a repris les sommes calculées par la salariée sur des années entières et en a déduit l’équivalent monétaire des jours de réduction du temps de travail pris chaque année.
13. En statuant ainsi, alors qu’elle avait retenu, à bon droit, que c’était à juste titre que le conseil de prud’hommes, saisi par la salariée le 18 novembre 2013, avait déclaré recevables les demandes en paiement d’heures supplémentaires non atteintes par la prescription quinquennale, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en accueillant la demande de la salariée au titre d’heures supplémentaires accomplies antérieurement au 18 novembre 2008, a violé les textes susvisés
 ».

Là encore, la Haute Cour confirme non seulement que le délai de prescription ne peut être supérieur à 5 ans (ancien délai), mais aussi que le délai de prescription se calcule rétroactivement à partir de la saisine de la juridiction (ici, le 18 novembre 2013), indépendamment de la question du délai abrégé de prescription.

Ou encore, les attendus décisifs de l’arrêt de la Cour de Cassation du 30 juin 2021 (n°18-23.932) :

« 5. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, l’action en paiement d’un rappel de salaire fondée sur l’invalidité d’une convention de forfait en jours est soumise à la prescription triennale prévue par l’article L3245-1 du code du travail.
6. Après avoir retenu que la convention de forfait en jours était inopposable au salarié, la cour d’appel, qui a constaté que ce dernier sollicitait un rappel d’heures supplémentaires exécutées en 2013, 2014, 2015 et durant les trois années précédant la saisine du conseil de prud’hommes, a exactement décidé que la demande n’était pas prescrite
 » [5].

Il résulte donc clairement de ce qui précède :
- que le délai de prescription d’une action relative au paiement d’heures de travail, et plus généralement de toute somme de nature salariale, est bien de 3 ans, et ne peut être augmenté, ni atteindre 6 ans en cas de rupture du contrat, pour des faits que le demandeur « a connu ou aurait dû connaître » ce qui est le cas d’heures de travail, seraient-elles ‘supplémentaires’ ;
- que pour savoir quelles demandes sont recevables, il s’agit de computer les délais rétroactivement à partir de la saisine de la juridiction ou de la demande judiciaire, sauf si la connaissance du droit est postérieure à la rupture.

A bon entendeur.

Grégory Chatynski
Responsable juridique droit social
Ancien Conseiller prud’homal Employeur, Industrie
Conseiller prud’homal Employeur, Encadrement (2023-2025)

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Notes de l'article:

[1Cass. Soc. 20.02.2019, n°17-21887.

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 1er décembre 2024 à 17:11
    par Frédéric MATCHARADZE , Le 9 juillet 2024 à 15:38

    Bonjour,

    Je me permets d’écrire rapidement ; je suis avocat spécialiste en droit du travail.

    A mon sens votre lecture est erronée. Les arrêts que vous citez traitent de la question de l’application dans le temps de la réforme sur la prescription. Raison pour laquelle ils ont systématiquement la même motivation du type "ne peut pas dépasser le délai de prescription prévu par la loi antérieure etc.". Aucun de ces arrêts ne pose le principe selon lequel il n’est pas possible, par exemple, de demander un rappel de salaire deux ans après la rupture du contrat, et faire remonter la demande aux trois dernières années précédant la rupture.

    J’ajoute que le délai de prescription n’est jamais de six années en réalité. Il ne peut être que de trois années, par définition même. Si le contrat est rompu est que j’agis dans les 5 années, il y a deux années durant lesquelles bien entendu le contrat ne s’est pas appliqué puisqu’il était rompu : je ne peux donc pas faire la moindre demande sur cette période. Et donc, la demande est bien toujours limitée à trois années. Le législateur a pris soin de ménager les intérêts de l’employeur en même temps que ceux du salarié.

    Vous évoquez le principe selon lequel la prescription débute au moment où la personne connaissait ou devait connaître les faits. C’est tout à fait exact ; mais seulement à moins qu’un texte spécial ne déroge pas à ce principe général. Or ici c’est précisément le cas avec cet article L 3245-1 du Code du travail : il s’agit d’un texte spécial sur la prescription, qui déroge au principe général. Ce dernier est donc écarté.

    Je conclurais en rappelant que nous sommes passés progressivement d’une prescription de 30 ans ; puis de 5 ans ; puis de 3 ans ; avec, en outre le barème de l’article L 1235-3 du Code du travail qui limite l’indemnisation du licenciement abusif. Je suis toujours un peu surpris que même ces délais de plus en plus courts continuent d’être critiqués.

    Cordialement,

    • Voir l’arrêt rendu par la cour de cassation le 4 septembre 2024 (n°23-10.71)

      "L’arrêt ajoute que la prescription a commencé à courir le 1er janvier 2015 pour l’année 2014, le 1er janvier 2016 pour l’année 2015, et le 1er janvier 2017 pour l’année 2016 et que pour 2014, l’action était prescrite le 1er janvier 2017, pour 2015, elle était prescrite le 1er janvier 2018, pour 2016, elle était prescrite le 1er janvier 2019, que le salarié ayant saisi le conseil des prud’hommes le 24 janvier 2019 et qu’aux termes de l’article 2248 du code civil, les juges ne peuvent pas suppléer d’office le moyen résultant de la prescription, la prescription opposée par l’employeur étant moins rigoureuse que celle résultant de l’application de la loi, l’action doit être considérée comme prescrite pour les demandes antérieures au 24 janvier 2016.

      En statuant ainsi, alors qu’il résultait de ses constatations que le salarié avait été licencié le 25 janvier 2017, qu’il avait saisi la juridiction prud’homale le 24 janvier 2019 de demandes en paiement d’un rappel de salaire pour la période courant du mois de janvier 2014 au mois de janvier 2017, soit au titre des trois années précédant la rupture du contrat, ce dont elle aurait dû déduire que la demande de rappel de salaire pouvait porter sur l’intégralité de cette période, la cour d’appel a violé les textes susvisés".

      L’interprétation unilatérale de la CA de Nancy était en plus contraire à l’ANI et aux débats parlementaires mais ces gens là s’en foutent, tout heureux qu’ils sont de faire des courbettes au patronat, oubliant complètement que le droit du travail est d’abord destiné à protéger les salariés

      J’espère que le salarié aura fait un pourvoi et que les juges de Nancy auront honte de ce qu’ils ont fait et le rembourseront avec leur traitement

  • Dernière réponse : 16 novembre 2024 à 17:56
    par Pas d’accord , Le 15 décembre 2022 à 23:35

    Ce fameux débat...

    Je ne partage pas votre avis.

    Vous écrivez qu’une cour d’appel a retenu :

    « L’alternative dont il prétend pouvoir bénéficier en application de la seconde phrase de ce texte n’intervient que quand le jour de la connaissance du droit est postérieur au jour de la rupture du contrat de travail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ».

    Par ailleurs, vous discréditez les autres cour d’appel qui ne suivent pas le même raisonnement... Vous choisissez donc le raisonnement de celle qui va dans votre sens, ce qui en soit n’est pas illégitime puisque vous expliquez votre point de vue.

    En revanche, la Cour de cassation donne clairement tort à veux qui pensent que :

    "la seconde phrase de ce texte [sur la prescription des salaire] n’intervient que quand le jour de la connaissance du droit est postérieur au jour de la rupture du contrat de travail, ce qui n’est pas le cas en l’espèce".

    Un arrêt de la Cour vient dire le contraire de ce qui est affirmé par l’arrêt de la cour d’appel que vous avez choisi de citer.

    En effet, la Cour de cassation énonce que lorsqu’un salarié a connaissance de son droit antérieurement (et non pas postérieurement) à la rupture, mais saisit les juridictions après la rupture de son contrat, l’objet de la demande porte sur les salaire des trois ans précédant la rupture. (Cass. Soc. 14 décembre 2022
    Pourvoi n° 21-16.623)

    Donc, oui techniquement, il y a bien déconnexion entre l’objet de la demande et la prescription de l’action.

    Et oui techniquement, l’action dure trois ans, et l’objet de la demande porte sur trois ans de salaire, ce qui dans certains peut permettre de revenir jusqu’à 6 ans en arrière.

    • par GREGORY CHATYNSKI , Le 16 décembre 2022 à 17:49

      Bonjour

      Je comprends que vous ne soyez pas d’accord, c’est exactement ainsi que je présente cette problématique : celle d’un débat ouvert en raison de l’imperfection de la rédaction de l’article L 3245-1 du code du travail.

      Je ne peux vous rejoindre quand vous affirmez que "la Cour de cassation énonce que lorsqu’un salarié a connaissance de son droit antérieurement (et non pas postérieurement) à la rupture, mais saisit les juridictions après la rupture de son contrat, l’objet de la demande porte sur les salaire des trois ans précédant la rupture. (Cass. Soc. 14 décembre 2022
      Pourvoi n° 21-16.623)".

      Car à bien lire cet arrêt (https://www.courdecassation.fr/decision/63997c3fb7ec7f05d42d8103) et spécifiquement le premier moyen, la Cour n’a jamais admis que le salarié avait connaissance de son droit "antérieurement" la rupture.

      Moyen du salarié : " (...) sans expliquer en quoi et pour quelles raisons la date du 13 juillet 2014 aurait correspondu à la date à laquelle M. [Y] [N] avait connu ou aurait dû connaître les faits à l’origine de sa démarche, la cour d’appel s’est prononcée par voie de simple affirmation et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article L. 3245-1 du code du travail".

      Même le salarié ne précise pas s’il a eu connaissance de son droit avant ou après la rupture.

      Vous ne pouvez donc tirer les conclusions d’une condition qui n’est pas exprimée.

      Ce que je dis précisément dans mon article est "une fois ce droit judiciairement reconnu". C’est d’ailleurs ce qui s’est passé dans cette affaire : la CA a reconnu le droit du salarié, mais pour une période postérieure au 1er octobre 2015.

      La connaissance du droit du salarié, dans ce cas d’espèce, est au mieux à la date de saisine de la juridiction, dont nécessairement postérieure à la rupture du contrat.

      ***

      Le plus simple serait une rédaction plus claire de l’article L 3245-1 du code du travail.

      Bonne journée.

      G CHATYNSKI

    • par Pas d’accord , Le 21 décembre 2022 à 19:35

      Merci pour votre retour.

      Vous écrivez :

      Moyen du salarié : " (...) sans expliquer en quoi et pour quelles raisons la date du 13 juillet 2014 aurait correspondu à la date à laquelle M. [Y] [N] avait connu ou aurait dû connaître les faits à l’origine de sa démarche, la cour d’appel s’est prononcée par voie de simple affirmation et a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l’article L. 3245-1 du code du travail".

      Il ne s’agit pas du moyen à proprement parler, mais d’une branche du moyen. La Cour de cassation n’a pas considéré cette branche efficace. En réalité, elle s’est fondée sur la deuxième branche du moyen du salarié, qui énonce :

      "qu’en énonçant, par conséquent, pour dire que la demande de M. [Y] [N] de requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet était prescrite pour la période antérieure au 13 juillet 2014, qu’il appert que la date du 13 juillet 2014 correspondait à la date à laquelle M. [Y] [N] avait connu ou aurait dû connaître les faits à l’origine de sa démarche, quand elle relevait que le contrat de travail de M. [Y] [N] avait été rompu le 11 mai 2017 et quand il en résultait que la demande de M. [Y] [N] portant sur la période postérieure au 11 mai 2014 n’était pas prescrite, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 3245-1 du code du travail."

      Le salarié ne précise pas s’il a eu connaissance de la créance avant ou après la rupture, mais c’est un moyen dans la cause que le juge du fond doit nécessairement constater, sous peine d’être censuré pour manque de base légale par la Cour de cassation. Or, il s’avère, justement, que la cour d’appel a retenu, comme le constate la Cour de cassation que :

      "Il [l’arrêt] retient que la date du 13 juillet 2014 correspond à la date à laquelle le salarié a connu ou aurait dû connaître les faits à l’origine de sa démarche."

      Cette date du 13 juillet 2014 est donc antérieure à la rupture, cette dernière étant intervenue en mai 2017.

      La Cour de cassation ne reproche pas à la cour d’appel d’avoir retenu que le point de départ de la prescription était le 13 juillet 2014. Il ressort donc, à mon sens, de l’arrêt de la Cour de cassation :

      - la confirmation d’une déconnexion entre la prescription de l’action et l’étendue de l’objet de la demande,
      - la confirmation du fait qu’en cas de rupture du contrat, le salarié peut nécessairement demander les salaires impayés pour les trois ans avant la rupture.

      Peu importe, en réalité, la date de connaissance effective ou présumée du droit.

      En tous les cas, je vous rejoins sur le fait que la rédaction de l’article litigieux n’a pas fini de faire discuter la communauté du droit.

      En vous souhaitant une excellente soirée.

      Bien cordialement.

    • par GREGORY CHATYNSKI , Le 22 décembre 2022 à 12:45

      Bonjour PAS D’ACCORD

      Vous n’êtes toujours pas d’accord !

      Normal, débat intéressant. Merci d’y contribuer.

      Bonne journée et bonne fêtes.

      Bien à vous

    • par Benoit , Le 2 janvier 2023 à 00:41

      - 25 novembre 2020 Cour de cassation Pourvoi n° 19-10.859 : vous commentez en écrivant "Là encore, la Haute Cour confirme que le délai de prescription se calcule rétroactivement à partir de la saisine de la juridiction (ici, le 8 juillet 2015), indépendamment de la question du délai abrégé de prescription." Mais cela n’a toujours rien à voir avec l’objet de votre article ; c’est toujours une question de transition et d’articulation entre les deux versions de l’article L 3245-1 du Code du travail

      Idem pour vos deux autres arrêts.

      En fait, vous avez l’air d’oublier que la version qui parlait de 5 ans ne se préoccupait pas de la date de la rupture.

      Je pense donc, à la lumière de l’arrêt extrêmement intéressant apporté par "Pas d’accord", que l’on n’a même pas à faire une distinction que la Cour de cassation n’a pas l’air de faire, et de considérer que l’on peut revenir à trois ans en arrière (sous réserve que l’on parle bien de sommes dues au titre d’une période postérieure au 16 juin 2013, date de promulgation et d’effectivité de la loi du 14 juin 2013 ayant modifié l’article L 3245-1 du code du travail) avant la rupture, peu importe que l’on ait connaissance avant ou après la rupture des sommes dues par l’employeur et de leur montant.

    • par Laurent Vossough , Le 16 novembre 2024 à 17:56

      Bonjour,

      Je pense qu’il faut reprendre l’accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 pour comprendre le législateur : si la demande est formée dans le délai de 12 mois suivant la rupture (anciennement 24 mois) , elle peut porter sur les 36 mois précédant la rupture.

      Bien à vous.

      Laurent Vossough

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