Les salariés : des actionnaires minoritaires comme les autres ? Par Caroline Diard, Enseignant-chercheur et Olivier Meier, Professeur.

Les salariés : des actionnaires minoritaires comme les autres ?

Par Caroline Diard, Enseignant-chercheur et Olivier Meier, Professeur.

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Explorer : # actionnariat salarié # gouvernance d'entreprise # protection des actionnaires minoritaires # droit des sociétés

Ce que vous allez lire ici :

L'actionnariat salarié, initié par de Gaulle et renforcé par la loi PACTE, vise à impliquer les employés dans la gouvernance d'entreprise. Bien qu'il offre des avantages, il présente des risques de dilution de capital. La protection des actionnaires minoritaires est essentielle, garantissant une gouvernance équitable et démocratique.
Description rédigée par l'IA du Village

L’actionnariat salarié est multidimensionnel et constitue un levier important d’attractivité, de fidélisation et de motivation.

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Initié par Charles de Gaulle (La Participation, entre en vigueur par Ordonnance du 17 août 1967), l’actionnariat salarié concernait en 2021, plus de 700 000 salariés. Parmi les entreprises de 10 salariés ou plus et les sociétés cotées de moins de 10 salariés du secteur privé, 1,5% mettent en place de l’actionnariat salarié (source Dares, août 2024).

Ce dispositif est central dans la loi PACTE de 2019 (loi relative à la croissance et la transformation des entreprises), avec notamment l’objectif d’atteindre 10% du capital des entreprises françaises détenues par leurs salariés d’ici 2030.

Ouvrir le capital aux salariés, est un moyen d’ouvrir le dialogue social, il s’agit d’un outil de management permettant de limiter le turn-over.

Dans le paysage complexe de la gouvernance d’entreprise contemporaine, la protection des actionnaires minoritaires est alors questionnée.

Intégrer les salariés à la gouvernance de l’entreprise : un défi RH méconnu.

L’actionnariat salarié est multidimensionnel et constitue un levier important d’attractivité, de fidélisation et de motivation. L’augmentation de capital réservée aux salariés, l’attribution gratuite d’actions, l’offre de souscription d’actions réservée aux salariés, les stock-options, les bons de souscription d’actions (BSA) ou encore les bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise (BSPCE) constituent les différentes possibilités d’actionnariat salarié [1].

Ces dispositifs (qui concernent des sociétés cotées ou non) permettent d’associer les salariés à la performance de l’entreprise en combinant des avantages fiscaux et sociaux. Cela permet aux entreprises de se forger de nouvelles armes en période de pénurie de compétences tout en maitrisant la masse salariale.

Une autre possibilité offerte aux dirigeants est de transformer la forme juridique de l’entreprise en SCOP (Société Coopérative et Participative). La SCOP est une entreprise où les salariés sont majoritaires au capital et dans les décisions. La gouvernance y est démocratique, basée sur le principe "une personne, une voix".

Les salariés-associés élisent les dirigeants et participent aux décisions stratégiques. Le management est plus horizontal, favorisant l’implication et la responsabilisation des employés. Les bénéfices sont répartis équitablement entre les salariés, l’entreprise et les réserves. On envisage généralement une SCOP pour sauvegarder l’emploi, impliquer davantage les salariés, ou lors d’une reprise d’entreprise en difficulté, comme dans le cas de Duralex en 2024.

Ces différents choix de gestion permettent aux salariés de participer à la gouvernance de l’entreprise, en tant qu’actionnaires minoritaires.

Au-delà d’un outil au service d’une stratégie de rémunération innovante, cela constitue néanmoins un risque de dilution de capital que les dirigeants doivent anticiper. Il est également important d’informer les collaborateurs des risques inhérents à la qualité d’actionnaires (pertes en capital notamment)

Un cadre juridique robuste au service de l’équité.

Le législateur, tant au niveau national qu’européen, a progressivement élaboré un arsenal juridique raffiné pour protéger les intérêts des actionnaires minoritaires. Le Code de commerce français et la directive européenne 2007/36/CE sur les droits des actionnaires constituent les piliers de cette protection. La directive 2007/36/CE fixe les règles favorisant l’exercice des droits des actionnaires lors des assemblées générales des sociétés qui ont leur siège social dans l’UE et dont les actions sont admises à la négociation sur un marché réglementé dans l’UE.

La directive modificative (UE) 2017/828 a par la suite entendu encourager l’engagement à long terme des actionnaires afin de garantir que les décisions sont prises pour la stabilité à long terme d’une société et qu’elles tiennent compte des questions environnementales et sociales, facilite l’identification des actionnaires et les flux d’informations entre les actionnaires et la société.

Cette directive agit sur trois dimensions :
1. renforce le droit de regard sur la rémunération des dirigeants ;
2. réglemente les transactions avec des parties liées ; et
3. accroît la transparence.

La loi Florange de 2014 a vocation également à renforcer la protection des actionnaires en ce qui concerne la reprise de l’activité par les salariés (Article 4) et les mesures en faveur de l’actionnariat de long terme (Articles 5 à 11).

Ce cadre juridique ne vise pas seulement à protéger les intérêts financiers des minoritaires, mais aussi à promouvoir une gouvernance d’entreprise plus inclusive et démocratique. En garantissant les droits des petits porteurs, le législateur cherche à renforcer la confiance dans les marchés financiers et à encourager l’investissement à long terme, contribuant ainsi à la stabilité économique et sociale et à la sauvegarde des emplois.

Au-delà de ces principes généraux, plusieurs mécanismes spécifiques ont été mis en place pour protéger concrètement les actionnaires minoritaires :
1. Le droit préférentiel de souscription : ce dispositif permet aux minoritaires de maintenir leur quote-part dans le capital lors d’augmentations de capital, évitant ainsi une dilution injustifiée de leur participation.
2. Le droit de retrait : en cas de restructurations majeures, ce mécanisme offre aux minoritaires la possibilité de sortir du capital dans des conditions équitables, garanties par une expertise financière indépendante.
3. Les actions en nullité : elles permettent aux minoritaires de contester juridiquement des décisions jugées abusives, offrant un recours effectif contre les excès potentiels des actionnaires majoritaires.
4. L’expertise de gestion : ce droit permet aux minoritaires de demander une analyse approfondie de certaines opérations de gestion, renforçant ainsi la transparence et le contrôle.

Ces mécanismes de protection ont des implications sociétales importantes. En permettant aux minoritaires de faire entendre leur voix, ils favorisent une plus grande diversité de points de vue dans la gouvernance des entreprises et multiplie les possibilités d’expression. Il s’agit de mécanisme permettant un recours à des compétences auparavant peu mobilisées : celles de collaborateurs/actionnaires.

Cela peut conduire à une meilleure prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux dans les décisions stratégiques.

L’expertise juridique : garante de l’effectivité des protections.

Dans ce contexte, l’expertise juridique joue un rôle pivot, transformant les dispositions légales en protections concrètes. Son intervention s’effectue à plusieurs niveaux :

  • Lors d’opérations sensibles telles que les fusions ou les OPA, l’expert indépendant évalue l’équité des conditions proposées, assurant ainsi que les intérêts des minoritaires sont préservés.
  • La rédaction de clauses statutaires protectrices nécessite une expertise juridique pointue pour anticiper et prévenir les situations potentiellement préjudiciables aux minoritaires.
  • En cas de litige, l’expertise juridique est indispensable pour naviguer dans la complexité du droit des sociétés et faire valoir efficacement les droits des minoritaires.
  • La rédaction de clauses de garantie (earn-out, garantie d’emploi) permet de protéger les parties prenantes (Voir l’article Fusions acquisitions : des clauses de garantie pour une « symétrie des attentions »).

L’expertise juridique joue également un rôle crucial dans l’interprétation et l’application des normes sociales et environnementales émergentes. Les experts juridiques sont de plus en plus sollicités pour évaluer l’impact des décisions d’entreprise sur l’ensemble des parties prenantes, y compris les communautés locales et l’environnement.

Vers une approche proactive et stratégique de la protection.

L’évolution récente des pratiques de gouvernance tend vers une approche plus proactive de la protection des minoritaires. Cette tendance se manifeste par :
1. La mise en place d’audits juridiques préventifs, cartographiant les risques d’abus dès les phases amont des projets stratégiques.
2. L’intégration systématique d’experts externes dans les comités chargés de valider les opérations sensibles.
3. La formation continue des dirigeants aux enjeux juridiques des restructurations et à l’importance de la protection des minoritaires.

Cette approche proactive porte ses fruits : la jurisprudence récente montre que 78% des litiges évités concernent des dossiers ayant impliqué une expertise amiable préalable.

Les nouveaux défis de la protection des minoritaires.

Face aux enjeux émergents tels que la responsabilité sociale des entreprises (RSE) et la montée en puissance des fonds activistes, l’expertise juridique en matière de protection des minoritaires évolue.

Elle intègre désormais :

  • L’analyse extra-financière des décisions stratégiques, prenant en compte les critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance).
  • Le développement de mécanismes de résolution amiable des différends pour prévenir l’escalade des conflits potentiels.
  • L’évaluation et la mise en place de clauses de gouvernance participative, répondant aux attentes croissantes de démocratie actionnariale.
    L’intégration des critères ESG dans l’analyse juridique reflète une évolution profonde de la conception du rôle de l’entreprise dans la société. Les actionnaires minoritaires, souvent plus sensibles aux enjeux de long terme, peuvent jouer un rôle de catalyseur dans la transformation des pratiques de gouvernance vers des modèles plus durables et responsables.

La protection des actionnaires minoritaires, a fortiori des collaborateurs/actionnaires, loin d’être une contrainte, s’affirme comme un levier de performance et de durabilité pour les entreprises. Elle nécessite une expertise juridique sans cesse renouvelée, capable d’anticiper les évolutions du droit et des pratiques de gouvernance. En transformant les obligations légales en opportunités stratégiques et de management des RH, les entreprises qui excellent dans ce domaine renforcent leur attractivité auprès des investisseurs et des talents et consolident leur position sur le long terme.

L’enjeu pour l’avenir sera de maintenir un équilibre habile entre la protection nécessaire des minoritaires et l’agilité décisionnelle indispensable dans un environnement économique en constante mutation. C’est dans cette quête d’équilibre que l’expertise juridique continuera de jouer un rôle central, au cœur de la création de valeur durable pour l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise.

Une vigilance particulière sera apportée à la dilution du capital par les dirigeants qui pourrait faire l’objet d’une révocation ad nutum de leur mandat social, n’ayant plus la majorité absolue.

Caroline Diard
Professeur Associé au département Management des Ressources Humaines et Droit des Affaires
TBS Education
Olivier Meier Professeur des Universités (LIPHA Paris Est) et président fondateur de l’observatoire ASAP

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