1/ La définition de la prestation compensatoire.
La prestation compensatoire est une somme d’argent destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux.
En effet, les époux ont pu bénéficier d’un certain train de vie durant la vie commune, résultant des choix de vie faits par le couple.
Toutefois, ces choix, au moment de la rupture, peuvent avoir pour effet d’avoir pénalisé un époux, qui finalement perdra en qualité de vie au moment de la séparation, au détriment de l’autre.
Cette prestation a pour objectif de restaurer le déséquilibre créé par la rupture.
Le montant de la prestation compensatoire variera en fonction de la cause du déséquilibre entre les situations des époux.
Il convient de se poser les questions suivantes : vais-je perdre en qualité de vie ? pourquoi ? parce que j’ai sacrifié ma carrière professionnelle en me consacrant à mes enfants ? parce qu’une raison de santé m’a empêché de travailler durant le mariage ? cela s’explique t-il par une différence de revenus et de patrimoine qui existait déjà avant de me marier ? cela s’explique t-il par mes choix personnels ?
Si les différences de situation s’expliquent par les choix de vie du couple (arrêt de carrière vous suivre le conjoint ou pour s’occuper des enfants), le montant sera plus important que si les différences de situations s’expliquent par le choix personnel d’un époux de ne pas travailler (sauf motif légitime de santé par exemple) ou si l’écart des revenus et du patrimoine existait déjà avant le mariage.
Attention toutefois, l’objectif n’est pas de :
Restaurer un équilibre parfait entre les revenus des époux ;
Détourner le régime matrimonial choisi puisqu’en effet les époux séparés en bien auront un patrimoine distinct, ce qui est normal.
Cette prestation a un caractère forfaitaire, c’est-à-dire qu’elle sera par principe versée en une somme d’argent dont le montant sera fixé par le juge.
Cette somme d’argent peut être versée en plusieurs fois, dans la limite de huit années (plus à titre exceptionnel), et même à titre viager dans de plus rares cas.
La prestation compensatoire ne pourra être obtenue qu’une fois le divorce prononcée. Dans l’attente, le juge peut octroyer à l’époux dans le besoin, une pension de secours versée par l’époux qui gagne le mieux sa vie, sous la forme d’une somme d’argent versée mensuellement ou par l’attribution d’un avantage en nature (jouissance du logement familial à titre gratuit, prise en charge du crédit en totalité par l’autre époux…)
Attention, le juge peut refuser d’accorder une telle prestation notamment lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture. Ainsi, si vous commettez une faute (abandon du domicile conjugal ou infidélité par exemple), votre époux peut tenter de faire échec à votre demande de prestation compensatoire.
2/ Les critères permettant de calculer la prestation compensatoire.
La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.
A cet effet, le juge prend en considération notamment :
la durée du mariage ;
l’âge et l’état de santé des époux ;
leur qualification et leur situation professionnelles ;
les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
leurs droits existants et prévisibles ;
leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.
Ainsi, pour calculer le montant de la prestation compensatoire il faudra réunir plusieurs informations :
l’état du patrimoine actuel et à venir de chacun : bilan ressources/charges actuelles et à venir (retraite notamment) et patrimoine respectif (quel droit après la liquidation du régime matrimonial) ;
conditions de vie actuelle (en couple ou non) ;
perspectives de carrière réciproque et droits prévisibles à la retraite ;
causes d’un déséquilibre actuel entre les conditions de vie (arrêt de travail pour s’occuper des enfants et si oui combien de temps, fortune respective déjà déséquilibrée avant le mariage, choix de carrière personnelle expliquant un déséquilibre, diplômes, formations et travail occupé avant/après mariage) ;
durée du mariage.
3/ Méthodes de calcul.
Plusieurs méthodes de calcul sont proposées. Toutefois, celle-ci ne reflètent pas réellement les montants octroyés par les juridictions.
Ces méthodes un peu trop mathématiques ne constituent qu’une base, qui doit être maniée avec précaution puisque toutes les affaires de divorce ne sont pas similaires.
Comme indiqué, plusieurs choses doivent être prises en compte comme la cause de la disparité entre les revenus et patrimoines des époux, les critères ci-dessus, le régime matrimonial adopté par les époux mais aussi le motif du divorce.
Les méthodes proposées ne sont ainsi reprises ici qu’à titre informatif sans que le lecteur ne puisse penser qu’elles constituent une prédiction certaine du montant de la prestation compensatoire qui pourrait être retenu dans son cas.
a/ Méthode 1.
Cette méthode consiste à mesurer les conditions de vie de chacun des époux en comparant d’abord leur revenu mensuel brut.
Puis, à calculer l’écart de revenu mensuel qui constituera « l’unité de mesure de la disparité des revenus » qui correspondra à la moitié de l’écart de revenu.
Enfin, il conviendra de prendre en compte l’âge du créancier (celui qui doit recevoir la prestation compensatoire) et la durée du mariage par « des points » attribués en fonction de la durée du mariage et de l’âge du créancier et repris dans les tableaux ci-dessus.
Les points octroyés devront être multipliés par trois et par l’unité de mesure, ce qui donnera le montant de la prestation compensatoire.
Age du Créancier | Point | |
---|---|---|
16 à 30 ans | 1 | |
31 à 35 ans | 2 | |
36 à 40 ans | 3 | |
41 à 45 ans | 4 | |
46 à 50 ans | 5 | |
51 à 55 ans | 6 | |
56 à 60 ans | 7 | |
61 à 65 ans | 8 |
Durée du mariage | Point | |
---|---|---|
0 à 4 ans | 3 | |
5 à 9 ans | 6 | |
10 à 14 ans | 9 | |
15 à 19 ans | 12 | |
20 à 24 ans | 15 | |
25 à 29 ans | 18 | |
30 à 34 ans | 21 | |
35 à 39 ans | 24 | |
40 à 44 ans | 27 | |
45 à 49 ans | 30 | |
50 à 54 ans | 33 | |
55 à 59 ans | 36 | |
60 à 64 ans | 39 | |
65 à 69 ans | 42 | |
70 à 74 ans | 45 | |
75 à 79 ans | 49 | |
80 à 84 ans | 50 | |
84 à 88 ans | 51 |
Par exemple, Monsieur X gagne 2 500 euros brut par mois et Madame Y perçoit 1 300 euros brut par mois. Ils sont restés mariés durant 8 années. Madame Y est âgée de 32 ans.
Le différentiel est le suivant : 2 500 -1 300 = 1 200
La moitié du différentiel est de 1 200/2 = 600
En octroyant 600 euros par mois à Madame, les revenus sont équivalents à ceux de Monsieur.
Il convient ensuite de multiplier ce montant par le nombre de points octroyés en fonction de l’âge du créancier et de la durée du mariage, puis par trois, puisqu’un point correspond à 3 mois de compensation.
Madame Y est âgée de 32 ans et peut donc prétendre à 2 points selon le tableau ci-dessus, outre 6 points compte tenu de la durée du mariage qui est de 8 ans, soit 8 points au total.
Le montant de la prestation compensatoire selon cette méthode serait de : 600 x 8 x 3 = 14 400 euros.
b/ Méthode 2.
Il convient ici de calculer le tiers de la différence de revenus annuels et de multiplier le montant obtenu par la moitié de la durée du mariage.
Ainsi, dans notre exemple ci-dessus :
Revenus annuels de Mr X : 2 500 x 12 soit 30 000 euros
Revenus annuels de Mme Y : 1 300 x 12 soit 15 600 euros
Différence de revenus : 14 400 euros
1/3 de la différence de revenus : 4 800 euros
Durée du mariage : 8 ans
½ de la durée du mariage : 4 ans
1/3 de la différence par ½ de la durée du mariage : 14 400 x 4 ans = 57 600 euros.
La prestation compensatoire sera de 57 600 euros selon ce calcul.
c/ Méthode 3.
Il convient ici de calculer 20% de la différence de revenus annuels des époux en le multipliant par 8.
Ainsi, dans notre exemple :
Revenus annuels de Mr X : 2 500 x 12 soit 30 000 euros
Revenus annuels de Mme Y : 1 300 x 12 soit 15 600 euros
Différence de revenus : 14 400 euros
20% de la différence de revenus annuels : 2 880 euros
8 fois 20% de la différence de revenus annuels : 23 040 euros
La prestation compensatoire sera de 23 040 euros selon ce calcul.
Ainsi, on peut constater qu’avec les mêmes données, le montant de la prestation compensatoire n’est absolument pas le même et varie d’un montant au double…
Ainsi, il est plus pertinent de faire une analyse globale et l’ensemble des données pour déterminer un montant plus juste et non uniquement mathématiques…
Discussions en cours :
Dans votre texte vous indiquez (pour le cas 2) :
1/3 de la différence par ½ de la durée du mariage : 14 400 x 4 ans = 57 600 euros
Et juste au dessus :
1/3 de la différence de revenus : 4 800 euros
Donc : 4800 * 4 = 19200 sauf erreur de ma part.
Je suis face à un jugement du JAF incompréhensible pour moi…
Le cas :
Retraite + BIC Mr (85 ans) 300 K€/ an
Retraite Mme (83 ans) 7 K€/ an (Mme a arrêté de travailler pour que Mr puisse « booster » sa carrière
Chacun est propriétaire de son logement, Mr pour moitié en périphérie d’une grande (550K€), Mme dans un village de campagne (110 K€)
Comptes Mr 200K€ - Mme 380 K€
Durée mariage 34 ans
Prestation compensatoire capital au divorce : 220K€
+ cumul rente mensuelle sur 24 ans : 650 K€
Décision du JAF : suppression rente
Qui pourrait m’éclairer sur les arguments que pourrait avoir le JAF à l’appui de son jugement ???
Si l’article 270 du code civil dispose que :
"Le divorce met fin au devoir de secours entre époux"
et que
"L’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives" (notons déjà l’emploi du conditionnel "peut être" et non pas "sera").
L’article 271 dispose, dans son 1er alinéa que :
"La prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible"
Un lecture objective de cette phrase montre que c’est d’abord le besoin du demandeur qui doit déterminer la prestation compensatoire et non pas la disparité des revenus. Les ressources du défendeur ne doivent être prises en compte qu’après. Il faut porter attention à l’ordre des mots, car nous sommes dans un contexte à la limite de la violer le droit de propriété consacré à l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 inclus dans la Constitution.
Ainsi toute méthode fondée d’abord sur la disparité des revenus sans égards au besoin viole potentiellement le droit de propriété, car le maintien même partiel du train de vie ne peut constituer le besoin puisque "Le divorce met fin au devoir de secours entre époux" et que "La propriété est un droit inviolable et sacré".
De même, la durée du mariage ne peut être un motif d’augmentation de la prestation compensatoire si l’on n’a pas prouvé qu’elle a accru le besoin que le demandeur n’arrive pas à satisfaire par lui-même, lequel besoin ne dépend a priori pas de la durée du mariage. D’ailleurs, si le législateur l’a citée il n’a pas dit comment elle devait être prise en compte.
Je rappelle l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 :
"La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité."
La satisfaction d’un besoin primaire est une nécessité publique, le maintien même partiel d’un train de vie ne l’est pas.
bonjour,
la question ci dessous m’interresse. Y a t-il une reponse svp ? merci
" Bonjour,
Vous indiquez que le patrimoine entre en compte, mais celà n’apparait pas dans les calculs. Pouvez-vous donner une idée de comment le patrimoine est pris en compte par le juge ? Par exemple, établit-il un revenu fictif qu’il réintègre au revenu de l’époux favorisé ? "
Bonjour,
Vous indiquez que le patrimoine entre en compte, mais celà n’apparait pas dans les calculs. Pouvez-vous donner une idée de comment le patrimoine est pris en compte par le juge ? Par exemple, établit-il un revenu fictif qu’il réintègre au revenu de l’époux favorisé ?
La maison est en totalité à Mme mais tout l intérieur à été réalisé par mes soins puis je demander une pension compensatoire étant donné que mon épouse gagne le double de mon salaire