La vente en l’état futur d’achèvement.

Par Christophe Degache.

7946 lectures 1re Parution: Modifié: 4.99  /5

Explorer : # vente en l'état futur d'achèvement # désordres de construction # garantie des vices # prescription

Le choix de la qualification juridique des troubles subis par l’acquéreur en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) n’est pas sans intérêt pour le promoteur : arrêt de la 3eme chambre civile de la Cour de Cassation du 21 septembre 2011.

-

La Cour de Cassation dans un arrêt de censure, annulant partiellement un arrêt de la Cour d’appel de CHAMBERY en date du 16 juin 2009 rappelle la nécessité d’une qualification exacte des troubles dont se plaint l’acquéreur d’un appartement acquis sous la forme de vente en l’état futur d’achèvement.

La vente d’immeuble à construire est définie par l’article 1601-1 du code civil comme celle : « par laquelle le vendeur s’oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. »

Cette technique permet à un promoteur de vendre des bâtiments ou des locaux qui ne sont pas encore construits.

En l’espèce, une société civile immobilière avait vendu par acte du 8 novembre 2002 un appartement dont les acquéreurs avaient pris possession le 18 mars 2003. Lors de celle-ci, ils avaient émis plusieurs réserves. A priori, ces réserves n’avaient pas été levées par le vendeur ou du moins que partiellement, et d’autres avaient vu jour, postérieurement à la prise de possession.

Une expertise judiciaire fût ordonnée De multiples désordres de natures diverses furent constatés. Les acquéreurs voulurent en obtenir réparation.

I. LA NATURE DES DÉSORDRES :

Une des obligations principales du promoteur, outre le respect du délai contractuel de livraison, est de livrer une chose conforme à celle achetée.

Le défaut de conformité réside dans la livraison d’une chose techniquement correcte, mais différente de celle promise au contrat. Il s’oppose au vice de construction ou malfaçons qui sont une anomalie ou une défectuosité de l’ouvrage.

La qualification des désordres qui relève d’une appréciation de faits, est un élément central du régime juridique des désordres et donc de l’étendue de la responsabilité du promoteur.

Là encore la maxime, le fait gouverne le droit trouve tout son sens, dans l’espèce dont s’agit, les désordres affectant l’appartement couvraient une large palette.

Deux grands types de désordres s’évincent, ceux que l’on voit au premier coup d’œil, les désordres apparents et ceux qui apparaissent ultérieurement.

I- 1. Les désordres apparents :

L’article 1642-1 du code civil, repris par l’article L 261-5 du code de la construction prévoit à la charge du promoteur, une garantie des vices apparents. Il dispose : « Le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction alors apparents. »

La garantie de l’article 1642-1 du code civil couvre toutes les défectuosités. Dans l’espèce soumise à la Cour de Cassation, les vices apparents étaient le revêtement du sol brulé par une cigarette, un miroir rayé et de la colle débordant sur les parcloses tenant le vitrage de la porte vitrée.

I- 2. Les désordres cachés :

En vertu de l’article 1646-1 du code civil, le vendeur d’un immeuble à construire est tenu envers les acquéreurs à compter de la réception des travaux des obligations dont les architectes, entrepreneurs et constructeurs sont tenus en vertu des articles 1792 et suivants du code civil.

En l’espèce deux désordres décennaux ont été relevés par la cour de CHAMBERY, les menuiseries extérieures qui n’étaient pas étanches et la VMC qui laissait entrer des odeurs d’autres appartements.

La Cour de Cassation considère que la Cour d’appel a exactement qualifié ces désordres.

Cependant, elle censure et casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel en ce qu’il a considéré les brûlures de cigarette sur le sol et les rayures du miroir comme des défauts de conformité alors que pour la cour, il s’agit de malfaçons affectant l’ouvrage et donc des vices de construction.

Il est évident que de tels désordres ne rendent pas l’immeuble impropre à sa destination, et qu’il s’agit de désordres apparents qui en l’espèce étaient sans doute prescrits.


II. LE RÉGIME DES DÉSORDRES :

La question du temps est une notion centrale en matière d’action judiciaire.

II- 1. Le rôle de la prescription :

La prescription, c’est-à-dire le délai dont l’expiration prive le titulaire d’un droit de la possibilité de l’exercer ou de le revendiquer, varie en fonction de la nature des désordres.

En matière de vices apparents, aux termes de l’article 1648 al 2 du code civil, l’acquéreur dispose pour introduire l’action, d’un délai d’un an à compter de la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices apparents.

Cette date est en application de l’article 1642-1 du code civil soit la réception des travaux, soit un mois après la prise de possession des lieux par l’acquéreur.

Concernant les vices cachés ceux–ci relèvent soit des désordres décennaux soit de la garantie biennale, les délais d’actions sont respectivement de 10 et 2 ans.

En l’espèce, un débat s’était élevé à propos de lambris dont les acquéreurs avaient demandé au moment de la prise de possession le changement qui avait été effectué. Par la suite alors que le délai d’un an était expiré, les acquéreurs demandaient le remplacement d’autres lambris, le promoteur objectait, que s’agissant de vices apparents la demande était hors délais.

La cour de cassation suivant la cour d’appel écarte l’argumentation du promoteur en se fondant sur le rapport d’expertise judiciaire qui indiquait que la pose des lambris était défectueuse dans tout l’appartement et que leur cause provenant à un taux d’humidité trop important au moment de la pose. En qualifiant les désordres de décennaux, les juges ont permis la recevabilité dans le temps des demandes des acquéreurs.

II- 2. La réparation des désordres :

En cas de défaut de conformité l’acquéreur peut exercer à son choix l’action rédhibitoire en résolution de la vente ou l’action estimatoire en diminution du prix.

Les acquéreurs ont choisi de demander une diminution du prix de vente.

En l’espèce, l’arrêt de la cour d’Appel de CHAMBERY est cassé pour des malfaçons représentant un coût de 180, 210, et 1580 euros concernant un litige dont le coût total des malfaçons litigieuses s’élevait à 5 654.68 euros.

Il est peu probable que les acquéreurs obtiennent le paiement de ces sommes dans la mesure où s’agissant de désordres apparents, leur action semble prescrite.

Ainsi, il appert que la Cour de Cassation a voulu rappelé cette évidence et ses conséquences, en désignant la cour de CHAMBERY comme cour de renvoi autrement composée.

Christophe Degache
Avocat au Barreau de la Haute-Loire
DEA Droit public
christophe.degache chez bbox.fr

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

84 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs