La privation de ce droit est indemnisé par le juge judiciaire en l’occurrence le juge de l’expropriation.
Ainsi se pose la question de l’indemnisation du préjudice subi par l’exproprié.
I/ Le cadre de l’indemnisation et la prise en compte de la dépréciation du surplus.
L’article L 321-1 du code de l’expropriation dispose :
« Les indemnités allouées couvrent l’intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l’expropriation ».
L’article L 321-3 dispose : « Le jugement distingue, notamment, dans la somme allouée à chaque intéressé, l’indemnité principale et, le cas échéant, les indemnités accessoires en précisant les bases sur lesquelles ces diverses indemnités sont allouées.
Il en est de même pour les actes de cession amiable passés après déclaration d’utilité publique et les traités d’adhésion à une ordonnance d’expropriation.
L’ordonnance de donné acte de ventes antérieures à une déclaration d’utilité publique fait la même distinction lorsque celle-ci a été faite dans les actes de vente ou lorsqu’elle résulte de la déclaration commune des parties ».
Le législateur n’a ni défini ni listé ce qu’étaient les indemnités accessoires. Il a laissé ce champ libre au juge à qui il appartient dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation de dire ce qui est indemnisable ou non.
Il est courant dans les opérations d’expropriation, que l’autorité d’expropriation n’ait pas besoin de la totalité de la propriété de l’expropriant pour réaliser son projet. C’est le cas notamment lors d’opérations d’aménagement de réseaux routiers ou ferroviaires où seule une partie des terrains est nécessaire au projet, il peut également s’agir de l’expropriation de places de parkings.
L’exproprié se retrouve donc avec une propriété amputée d’une partie.
Si le juge judiciaire a toujours exclu sans motivation satisfaisante l’indemnisation du préjudice moral de l’exproprié qui n’est pas de principe même en cas de bien de famille exproprié, il a en revanche admis que la dépréciation du surplus d’un bien exproprié soit indemnisable.
C’est ainsi que dans un arrêt en date du 4 avril 2019, la Cour de Cassation a rappelé qu’on ne peut pas refuser au propriétaire exproprié une indemnité pour dépréciation du surplus en cas d’expropriation partielle [1].
Ce faisant elle consacre au visa de l’article L321-3 du code de l’expropriation une position ancienne exprimée dès 1978 [2].
II/ La détermination du montant de l’indemnité de dépréciation du surplus.
Selon le dictionnaire Larousse la dépréciation est « une perte de valeur, une dévalorisation », le surplus est ce qui reste de la propriété non expropriée.
Le juge de l’expropriation bénéficie d’une totale liberté pour fixer le montant des indemnités d’expropriation, seul le préjudice moral à la différence du droit commun n’est pas indemnisable.
Concernant la dépréciation du surplus qui est caractérisée par la perte de valeur de la part de propriété restante après l’expropriation, aucune méthode ne lui est imposée, il statuera au cas par cas.
Il pourra ainsi juger que le bien restant a perdu une valeur en pourcentage mais le taux de pourcentage perdu est à sa libre appréciation. Cela pourra aller de 10 % à 100 % dans le cas où le bien ne puisse plus faire l’objet du moindre usage ou gain financier.
La seule limite du juge est qu’il ne peut pas statuer ultra petita c’est-à-dire qu’il ne peut pas accorder à l’exproprié plus que celui-ci demande. Si l’exproprié oublie de demander une indemnité de dépréciation du surplus le juge ne pourra pas la lui accorder d’office.
Dans les cas complexes comme l’expropriation d’un tréfonds alors qu’un projet de construction d’immeuble avec triple niveaux de garages était antérieur à la procédure d’expropriation, le juge pourra avoir recours à une expertise judiciaire afin de déterminer avec précision ladite indemnité.
L’absence de précisions législatives ou réglementaires quant à l’appréciation de l’indemnité de dépréciation du surplus n’est pas satisfaisante car elle crée une insécurité juridique tant pour l’expropriant que pour l’exproprié qui sont susceptibles pour un bien identique de voir fixer des indemnités d’un montant totalement différent d’un juge à l’autre.