Un arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 novembre 2016 rappelle l’indépendance des juridictions nationales face aux décisions de l’OMPI.

Par Nathalie Dreyfus, CPI.

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Le Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) est compétent pour arbitrer les litiges relatifs aux noms de domaine selon les principes directeurs UDRP (Uniform Dispute Resolution Procédure). Ces principes ont été adoptés par l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) le 26 août 1999. Des Règles d’application des principes directeurs ainsi que des règles supplémentaires ont été érigées et approuvées par l’ICANN respectivement le 28 septembre 2013 et le 31 juillet 2015. Elles mettent en œuvre les caractéristiques techniques de la procédure et servent de guide pratique aux requérants et défendeurs afin de mener à bien leur action.

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Cette procédure représente une solution efficace pour lutter contre l’enregistrement abusif et l’utilisation de mauvaise foi de noms de domaine qui portent atteinte à des droits attachés aux marques. De surcroît, elle est rapide et garantit l’exécution effective d’un transfert ou d’une annulation d’un nom de domaine.

17 000 litiges de noms de domaine ont été solutionnés par la procédure UDRP et ses variantes jusqu’à aujourd’hui.

1. L’obligation de recours à une procédure administrative

Les conditions de la procédure UDRP sont les suivantes :

  • Le nom de domaine est identique ou similaire et est susceptible de semer la confusion avec une marque enregistrée de produits ou services sur laquelle le requérant a des droits
  • Aucun droit, ni aucun intérêt légitime ne s’attache à ce nom de domaine
  • Le nom de domaine est enregistré et utilisé de mauvaise foi
  • La requête administrative est obligatoire selon un jeu de contrat entre le réservataire du nom, le bureau d’enregistrement et l’ICANN, en revanche elle n’exclut pas un recours au fond auprès d’un tribunal compétent.

2. Le recours au fond n’est pas exclu

Une procédure judiciaire peut être intentée parallèlement, avant ou après le recours administratif.

Une procédure UDRP peut se cumuler avec une action judiciaire. L’autorité de la chose jugée n’existe que pour les instances judiciaires.

3. L’absence d’autorité de la chose jugée

Une décision UDRP n’a pas la qualité d’autorité de la chose jugée. C’est ce qu’illustre un arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 novembre 2016 opposant la société suédoise Team Ranger AB et la société maltaise Stone Age Ltd à Monsieur X, un homme d’affaires au Yémen.

En l’espèce, Team Ranger AB est une société spécialisée dans la conception de produits et services du secteur de la téléphonie mobile. Cette dernière possède une marque communautaire Moobitalk, enregistrée le 10 février 2011 dans les classes 9, 12 et la classe 38 qui vise les télécommunications.

Le 17 avril 2011, Monsieur X, qui exploite un ensemble de services de communications dénommés MoobiChat et Moobitalk situés dans le Proche et Moyen-Orient, a enregistré le nom de domaine moobitalk.com. Le coût des communications étant particulièrement élevés dans cette région, les services proposés par Monsieur X permettent aux utilisateurs d’échanger librement à des tarifs attractifs.

La société Team Ranger a engagé une procédure UDRP auprès de l’OMPI pour requérir le transfert de ce nom de domaine qui portait atteinte à ses droits de marque. Le 29 juillet 2013, l’OMPI a ordonné le transfert de ce nom de domaine au profit des sociétés requérantes.
Le 14 avril 2014, Team Ranger AB a cédé ses droits attachés à Moobitalk à la société Stone Age Ltd.
Le 27 août 2013, M. X. a engagé une action devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir la restitution du nom de domaine moobitalk.com en arguant qu’il est le titulaire légitime.
En première instance, les juges ont reconnu la contrefaçon de marque.

La cour d’appel infirme le jugement considérant que le droit des marques est régi par les principes de spécialité et de territorialité, et ce même sur Internet. De ce fait, au vu du public ciblé, Proche et Moyen-Orient, et de l’extension utilisée <.com>, qui renvoie à une activité commerciale sans signification géographique, le principe de territorialité s’applique. Concluant que l’une des marques est protégée dans l’Union européenne et l’autre est protégée au Proche et Moyen-Orient, elles ne visent pas le même marché, elles peuvent donc coexister. D’autant que M. X. a un intérêt légitime à posséder ce nom de domaine au vu des prix de la communication dans la région, et qu’il a fait preuve de bonne foi lors de la procédure UDRP menée à son encontre.

En conséquences, les deux marques ne présentent aucun risque de collusion, les juges ont donc tranché en faveur de M. X. ordonnant la restitution du nom de domaine à son propriétaire initial.

De cette affaire, il est pertinent de noter que les juges peuvent toujours remettre en cause une décision UDRP. Cette décision s’inscrit dans la lignée de la jurisprudence Miss France et <pneuonline.com> . L’arrêt Miss France, rendu par la cour d’appel le 17 juin 2004, retient que la procédure UDRP s’apparente à une procédure arbitrale mais n’a pas autorité de la chose jugée. En outre, dans l’arrêt relatif au nom de domaine <pneuonline.com> rendu le 31 janvier 2008, la cour d’appel de Lyon retient que la distinctivité d’une marque antérieurement enregistrée interdit l’enregistrement de noms de domaine reprenant cette marque et dans le même secteur d’activité. Cette décision a été rendue en dépit de la décision de l’Expert de l’OMPI qui avait refusé le transfert au motif de la non-distinctivité de la marque antérieure.

Nathalie Dreyfus
Conseil en Propriété Industrielle
_https://www.dreyfus.fr/

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