Réforme européenne du droit des dessins et modèles : une nouvelle ère pour la protection des créations dans l’Union.

Par Nathalie Dreyfus, Conseil en Propriété Industrielle.

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Explorer : # propriété intellectuelle # réforme législative # dessins et modèles # protection juridique

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Le nouveau Règlement européen sur les dessins et modèles, applicable à partir de mai 2025, modernise la terminologie, étend la protection aux créations numériques et harmonise les procédures d’enregistrement. Il vise à équilibrer la protection des droits des créateurs tout en favorisant la concurrence et la liberté créative sur le marché.
Description rédigée par l'IA du Village

La récente adoption du Règlement (UE) 2024/2822 et de la Directive (UE) 2024/2823 marque une étape majeure dans la modernisation du cadre juridique européen applicable aux dessins et modèles. Avec des objectifs clairs de simplification, d’harmonisation et d’adaptation à l’ère numérique, cette réforme apporte des changements significatifs qui redéfiniront la manière dont les entreprises et les créateurs protègent leurs créations.

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Le Règlement entrera en vigueur le 1ᵉʳ mai 2025, tandis que des dispositions spécifiques exigeant des États membres de mettre en œuvre des mesures législatives entreront en application le 1ᵉʳ juillet 2026. Quant à la Directive, elle devra être transposée par les États membres dans leur législation nationale au plus tard le 9 décembre 2027. Ce calendrier permet aux entreprises et aux États membres d’anticiper les adaptations nécessaires pour une mise en conformité optimale.

1. Quels sont les changements généraux introduits par le nouveau Règlement européen sur les dessins et modèles ?

a. Modernisation de la terminologie et de l’identité visuelle.

Le terme « dessin ou modèle communautaire » a été mis à jour pour devenir « dessin ou modèle de l’Union européenne » (DMEU). Ce changement symbolique modernise la terminologie tout en l’alignant sur celle des marques européennes. Pour améliorer l’identification, un symbole visuel Ⓓ a été introduit, offrant une plus grande cohérence au sein du système, en l’alignant avec les conventions de dénomination des autres instruments de propriété intellectuelle de l’UE, tels que ® pour les marques déposées ou © pour les droits d’auteur. Ce changement s’appliquera à partir du 1ᵉʳ mai 2025.

b. Extension des définitions à l’ère numérique.

Les définitions de « dessins et modèles » et « produit » ont été élargies pour inclure les fonctionnalités animées, comme les mouvements ou transitions, ainsi que les éléments non physiques tels que les interfaces graphiques utilisateur ou les conceptions pour des environnements virtuels. Ces changements reflètent la nature évolutive des dessins et modèles dans une ère numérique et visent à assurer une protection plus large pour les créations contemporaines. Par exemple, les interfaces utilisateur graphiques (GUI), telles que les transitions animées dans des applications ; les objets virtuels dans les jeux vidéo (par exemple, des épées lumineuses ou des environnements dynamiques) ; les produits numériques dans le métavers, tels que des vêtements virtuels animés ; les configurations spatiales dans des espaces virtuels, comme des expositions en réalité virtuelle.

c. Harmonisation des procédures.

Dépôt multiple.

Le nouveau règlement permet d’inclure plusieurs DMUE dans une seule demande, avec un maximum de 50 par demande, indépendamment de leur classification dans le système Locarno (système de classification international des dessins et modèles).
En éliminant l’exigence d’une classification unifiée, ce changement offre effectivement une « remise sur quantité » sur les frais d’enregistrement, permettant aux entreprises et aux titulaires de droit d’enregistrer plusieurs dessins et modèles dans différentes catégories de produits au sein d’une seule demande. Cet ajustement devrait entraîner une augmentation du nombre global d’enregistrements de dessins et modèles. Il s’appliquera à partir du 1ᵉʳ mai 2025.

Ajournement harmonisé des publications.

La directive introduit une option uniforme permettant aux demandeurs de différer la publication de leurs demandes de dessins et modèles jusqu’à 30 mois dans tous les États membres de l’UE. Cette approche harmonisée remplace les règles auparavant incohérentes, assurant une plus grande cohérence et flexibilité pour les demandeurs dans toute l’Union. Cependant, l’ajournement entraîne des coûts supplémentaires. Cette mesure sera applicable à partir du 1ᵉʳ mai 2025.

2. Comment le nouveau règlement élargit-il le champ du droit sur les dessins et modèles ?

a. Droits liés à l’impression 3D et aux fichiers numériques.

Les titulaires de droits disposent désormais d’une autorité exclusive pour empêcher la création, la distribution ou l’utilisation non autorisée de fichiers numériques permettant la reproduction en 3D de leurs dessins et modèles. Cette mesure atténue les risques associés à l’accessibilité croissante des technologies d’impression 3D, garantissant une meilleure application contre les éventuelles infractions. Cela s’appliquera dès le 1ᵉʳ mai 2025.

b. Protection des produits en transit.

Le règlement permet aux titulaires de droits de faire valoir leurs droits sur les dessins et modèles contre des produits contrefaits transitant par l’Union européenne, même si leur destination finale se situe en dehors de l’UE. Cette mesure s’aligne sur les réformes récentes des marques de l’UE et renforce les mécanismes d’application. Elle sera en vigueur à partir du 1ᵉʳ mai 2025.

c. Introduction de procédures accélérées.

Le règlement établit une procédure d’invalidité accélérée devant l’EUIPO (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle) dans les cas où le titulaire des droits ne conteste pas les motifs d’invalidité ou les demandes soumises. Cette disposition vise à réduire les délais et les coûts liés aux litiges. Elle s’appliquera à partir du 1ᵉʳ mai 2025.

d. Clarification de la titularité.

La réforme clarifie la propriété des droits, conformément au Règlement (CE) n° 6/2002. Par défaut, le droit à un dessin et modèle enregistré appartient à son créateur ou à son successeur, et, en cas de création collaborative, le droit est partagé conjointement. Inspiré par les règles françaises sur les brevets, le texte introduit une disposition attribuant la propriété d’un dessin et modèle enregistré national à l’employeur si celui-ci est créé par un employé dans le cadre de ses fonctions ou conformément aux instructions de l’employeur. Ce transfert automatique à l’employeur est limité par la possibilité d’un accord alternatif entre les parties et la nécessité de respecter la législation nationale applicable. Cette disposition s’appliquera à partir de la transposition nationale ou au plus tard le 1ᵉʳ décembre 2027.

e. Présomption de validité.

Dans le cadre des actions en contrefaçon, le paquet législatif sur les dessins et modèles instaure une présomption de validité des dessins et modèles enregistrés en faveur du titulaire des droits, à l’instar des dispositions du Règlement (CE) n° 6/2002. Cette présomption peut être réfutée par tout moyen dans l’État membre où l’action en contrefaçon est intentée, y compris par une demande reconventionnelle. Cette mesure entrera en vigueur au plus tard le 1ᵉʳ décembre 2027.

f. Harmonisation des motifs de rejet et d’invalidité.

Le nouveau règlement européen sur les dessins et modèles rend les motifs de rejet des demandes et d’invalidité obligatoires pour tous les États membres, harmonisant ainsi les règles nationales avec celles des dessins et modèles enregistrés au niveau de l’UE. Cela introduit de nouveaux motifs de refus des demandes de dessins et modèles, qui peuvent s’appliquer si la demande reproduit des éléments de patrimoine culturel d’intérêt national ou implique un usage abusif de signes, emblèmes ou armoiries d’intérêt public spécifique non couverts par l’article 6ter de la Convention de Paris. Toutefois, ces dispositions sont facultatives, laissant à chaque État membre la liberté de les adopter ou non. Ces changements visent à garantir une plus grande prévisibilité et cohérence en standardisant les critères tels que la nouveauté, le caractère individuel et le respect de l’ordre public. Ils s’appliqueront à partir du 1ᵉʳ juillet 2026.

3. Quelles sont les implications financières du nouveau règlement européen sur les dessins et modèles pour les demandeurs et les titulaires de droits ?

Le nouveau règlement sur les dessins et modèles de l’UE introduit une refonte du système tarifaire visant à améliorer l’accessibilité et à équilibrer les coûts entre les systèmes européens et nationaux.

La réforme unifie les frais d’enregistrement et de publication en un seul tarif de demande, tout en introduisant des frais fixes pour les demandes multiples, réduisant ainsi les coûts administratifs.

Les frais de dépôt restent inchangés à 350 €. Les frais de transfert ont été supprimés, ce qui profite particulièrement aux petites et moyennes entreprises (PME) ainsi qu’aux designers indépendants. Pour chaque dessin ou modèle supplémentaire inclus dans une demande multiple, les frais s’élèvent à 125 €.

En revanche, les frais de renouvellement connaissent une augmentation significative, notamment pour le troisième et le quatrième renouvellement :

Frais de renouvellement Avant la
réforme
Après la réforme
1ᵉʳ renouvellement 90 € 150 €
2ᵉ renouvellement 120 € 250 €
3ᵉ renouvellement 150 € 400 €
4ᵉ renouvellement 180 € 700 €

Cette augmentation est susceptible d’avoir un impact plus important sur les industries ayant des cycles de vie longs, comme l’automobile et le design industriel, par rapport à des secteurs comme la mode.
Les renouvellements internationaux désignant l’Union européenne ne sont pas affectés par cette augmentation, maintenant un tarif uniforme de 62 € par dessin ou modèle pour chacun des quatre renouvellements.

4. Comment la réforme traite-t-elle de la protection des dessins et modèles non enregistrés ?

La réforme apporte des changements significatifs à la protection des dessins et modèles non enregistrés de l’Union européenne (DMUENE). Un dessin et modèle non enregistré est un droit qui naît automatiquement, sans nécessiter de demande ou d’enregistrement formel, dès la divulgation publique du dessin et modèle. Ce type de protection est particulièrement précieux pour les industries avec des cycles de produits rapides, comme la mode, où une protection immédiate est essentielle pour lutter contre les copies et les utilisations non autorisées.

Historiquement, une exigence clé pour la protection des UEUD était le concept de « première divulgation » dans l’UE. Cela soulevait des questions juridiques sur la nécessité de rendre un dessin et modèle public spécifiquement sur le territoire de l’UE ou si une divulgation en dehors de l’UE pouvait suffire, à condition que le dessin et modèle puisse raisonnablement être connu des professionnels du secteur opérant dans l’UE. Certains tribunaux nationaux, comme ceux d’Allemagne, avaient interprété la réglementation comme exigeant une première divulgation dans l’UE, mais cette question n’a jamais été définitivement tranchée par la Cour de justice de l’Union européenne.

La nouvelle réglementation répond à ce problème en supprimant la disposition de l’article 110(a)(5) qui excluait explicitement les dessins et modèles divulgués en dehors de l’UE de la protection des UEUD. Ce changement suggère une portée de protection plus large, permettant potentiellement aux dessins et modèles divulgués pour la première fois en dehors de l’UE de bénéficier de droits non enregistrés, tant qu’ils peuvent raisonnablement être portés à l’attention des industries concernées dans l’UE.

La réforme introduit un cadre unifié pour les UEUD, remplaçant les protections nationales variables par un système unique à l’échelle de l’UE. Cette harmonisation simplifie le paysage juridique et garantit des droits automatiques cohérents dans tous les États membres. Bien que les UEUD restent limités à une période de protection de trois ans et se concentrent sur l’apparence des dessins et modèles, les dessins et modèles enregistrés continuent d’offrir une protection renouvelable à long terme pour ceux qui recherchent un niveau plus élevé de certitude et de capacités d’application.

5. Comment la réforme élargit-elle le champ de la protection pour répondre aux défis posés par les nouvelles technologies ?

La réforme redéfinit les notions de « dessin et modèles » et de « produit » pour inclure :

  • Les fonctionnalités animées, telles que les mouvements et transitions.
  • Les éléments immatériels, comme les interfaces graphiques utilisateur et les designs virtuels.

Cette adaptation garantit la protection des créations numériques dans les environnements virtuels, y compris le métavers et les jeux vidéo, qui occupent une place de plus en plus centrale dans l’innovation. En protégeant ces designs dynamiques et intangibles, le Règlement comble des lacunes où les protections traditionnelles par marque pourraient être insuffisantes, notamment pour des logos fluides ou animés.

Bien que ces mises à jour renforcent la protection des dessins et modèles dans l’ère numérique, des questions non résolues demeurent concernant la relation entre les dessins et modèles statiques et dynamiques, notamment en ce qui concerne la nouveauté et les potentielles violations. En attendant des clarifications, les créateurs devront adopter des approches stratégiques pour leurs dépôts afin de tirer pleinement parti de ces avancées tout en assurant une protection complète pour leurs créations.

6. Comment le nouveau Règlement européen sur les dessins et modèles aborde-t-il les approches alternatives en matière de protection et d’application des dessins et modèles ?

Le nouveau règlement améliore considérablement le cadre de protection et d’application des dessins et modèles en introduisant des procédures alternatives, telles que des mécanismes d’opposition et d’annulation. Ces changements favorisent l’harmonisation entre les systèmes nationaux et européens, alignant les procédures nationales avec l’approche de l’EUIPO pour les marques. Cela garantit une cohérence et une accessibilité accrues dans toute l’UE.

Les nouveaux mécanismes d’invalidité administrative offrent une alternative plus rapide et moins coûteuse aux procédures judiciaires traditionnelles, facilitant la tâche des parties pour contester ou défendre la validité d’un dessin et modèle enregistré. Par exemple, les litiges portant sur des questions telles que le manque de nouveauté ou l’absence de caractère individuel peuvent désormais être résolus par ces voies administratives plutôt que par des actions en justice, réduisant ainsi les coûts et les délais pour les parties prenantes.

Les procédures d’opposition permettent aux tiers de soulever des objections à un stade précoce, pendant le processus d’enregistrement, ce qui simplifie davantage l’application des droits.

Bien que ces procédures soient facultatives pour les États membres, ceux-ci ont jusqu’en décembre 2027 pour transposer la directive dans leur droit national. L’objectif est de fournir aux entreprises et aux créateurs des outils accessibles pour faire valoir leurs droits ou résoudre efficacement les litiges. En intégrant ces approches alternatives, la réforme renforce le cadre unifié de l’UE pour la protection des dessins et modèles, assurant une certitude juridique et favorisant l’innovation dans divers secteurs.

7. Que prévoit la nouvelle clause de réparation dans le cadre européen des dessins et modèles ?

Le nouveau règlement introduit une clause de réparation harmonisée qui redéfinit l’équilibre entre la concurrence, la durabilité et la protection des droits sur les dessins et modèles dans le marché des pièces détachées. Cette clause limite les droits sur les dessins et modèles pour les pièces détachées essentielles à la restauration de l’apparence originale de produits complexes, tels que les véhicules, garantissant que les pièces « à correspondance obligatoire » peuvent être reproduites sous des conditions strictes.

Les objectifs de la clause sont de favoriser la concurrence en réduisant les barrières à la reproduction de pièces détachées essentielles, et de soutenir l’économie circulaire en promouvant la réduction des déchets et en favorisant les réparations.

Bien que cette disposition vise à promouvoir la durabilité, elle a suscité des critiques pour son impact potentiel sur les incitations économiques des créateurs. Les opposants soulignent également le risque de pièces détachées de qualité inférieure, ce qui pourrait augmenter les déchets au lieu de les réduire.

Un cas récent, Volkswagen c. W+S Autoteile GmbH, illustre l’application stricte de cette clause. La cour a conclu que certaines pièces, comme les boîtiers de clés de voiture, ne remplissaient pas les critères de correspondance obligatoire et n’étaient donc pas exemptées des droits de conception de Volkswagen.

8. Comment le nouveau Règlement européen sur les dessins et modèles équilibre-t-il la protection des droits avec la liberté créative et la concurrence sur le marché ?

Le nouveau Règlement européen sur les dessins et modèles introduit des changements importants visant à équilibrer la protection des droits sur les dessins et modèles avec la nécessité de favoriser la liberté créative et de maintenir une concurrence équitable sur le marché. Ces changements élargissent le champ des défenses disponibles contre les accusations d’infraction, tant pour les dessins et modèles enregistrés (DMUE) que pour les dessins et modèles non enregistrés de l’Union européenne (DMUENE).

Le cadre révisé permet désormais l’utilisation de dessins et modèles protégés dans des contextes spécifiques, tels que la publicité comparative, les commentaires, la critique, la parodie.

Ces utilisations restent conditionnées au respect des pratiques commerciales loyales. Ces changements entrent en vigueur à partir du 1ᵉʳ mai 2025.

Conclusion.

La réforme des dessins et modèles de l’UE constitue une avancée juridique majeure, répondant aux besoins d’un marché en constante évolution. Avec des dispositions progressives jusqu’en 2027, elle offre des opportunités accrues de protection tout en imposant des ajustements stratégiques. En s’adaptant aux nouvelles réalités numériques et économiques, cette refonte garantit un cadre harmonisé, efficace et durable pour les créateurs et les entreprises opérant en Europe.

Nathalie Dreyfus, Conseil en Propriété Industrielle
Cabinet Dreyfus & Associés, Paris

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