Définition d’une marque trompeuse : quid d’éléments erronés sur l’entreprise ?

Par Nathalie Dreyfus, CPI.

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Explorer : # marque trompeuse # consommateurs # stratégie de marque # directive européenne

Ce que vous allez lire ici :

Le débat sur les marques trompeuses s'intensifie avec une question posée à la CJUE, concernant si une marque peut être trompeuse sur les attributs d'une entreprise, comme sa date de création. L'issue pourrait affecter les stratégies de branding, surtout dans le luxe, et renforcer la protection des consommateurs.
Description rédigée par l'IA du Village

La notion de marque trompeuse sous l’œil de la CJUE : un débat renouvelé autour des informations erronées sur l’entreprise
Dans un contexte où les stratégies de marque jouent un rôle crucial, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) est invitée à se prononcer sur une question inédite : une marque peut-elle être considérée comme trompeuse si l’information erronée concerne l’ancienneté ou la fiabilité de l’entreprise, plutôt que les caractéristiques des produits ou services qu’elle propose ? L’affaire Fauré Le Page, où l’histoire et l’héritage d’une maison se retrouvent au cœur d’une contestation judiciaire, pourrait bien redéfinir les contours de la législation européenne en matière de marques. Les implications de cette décision sont potentiellement vastes, en particulier pour les entreprises du secteur du luxe, où l’authenticité et la tradition sont des éléments clés du branding.

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Le débat juridique autour des marques trompeuses prend une nouvelle dimension avec une question préjudicielle récemment posée à la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE). Cette question se concentre sur la définition précise d’une marque trompeuse, en particulier lorsque l’information erronée ne porte pas sur les caractéristiques des produits ou services mais sur l’entreprise elle-même.

Contexte de l’affaire.

L’affaire concerne la société française Fauré Le Page, une entreprise initialement connue pour la vente d’armes et de munitions, et aujourd’hui pour ses accessoires en cuir et sacs. Fondée en 1716 à Paris, la Maison Fauré Le Page a cessé ses activités en 1992, après quoi tous ses actifs ont été transférés à son unique actionnaire, la société Saillard. En 1989, Saillard a déposé la demande de marque française "Fauré Le Page", incluant des produits tels que les armes à feu, leurs parties, ainsi que des articles en cuir et imitations de cuir.

En 2009, cette marque a été vendue à une nouvelle entité, Fauré Le Page Paris, créée la même année. Cette société a ensuite déposé, en 2011, deux demandes de marques françaises, toutes deux contenant les mots "Fauré Le Page Paris 1717" et couvrant divers articles de maroquinerie. Ces marques ont été contestées par la société Goyard ST-Honoré, qui a demandé leur annulation en raison de leur caractère trompeur, se basant sur l’ancienne Directive sur les marques (Directive 2008/95/CE, remplacée par la Directive (UE) 2015/2436).

Cadre juridique.

La législation européenne en matière de marques, notamment l’article 4(1)(g) de la Directive sur les marques (Directive (UE) 2015/2436), stipule qu’une marque peut être refusée à l’enregistrement ou annulée si elle est "de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou l’origine géographique des produits ou services". Par ailleurs, l’article 20(b) de la même directive prévoit la révocation d’une marque si, après son enregistrement, elle devient trompeuse en raison de l’utilisation qui en est faite par son propriétaire ou avec son consentement.

L’enjeu principal est de savoir si une marque peut être considérée comme trompeuse lorsqu’elle transmet une information erronée non pas sur les caractéristiques des produits ou services, mais sur les attributs de l’entreprise elle-même, tels que sa date de création ou son ancienneté.

La décision de la cour d’appel et le recours en Cassation.

La Cour d’Appel de Paris a jugé que les marques "Paris 1717" étaient invalides. Elle a estimé que la mention "Paris 1717" faisait référence au lieu et à la date de création de l’entreprise, ce qui pouvait induire le public en erreur quant à la continuité des opérations de l’entreprise depuis cette date et au transfert supposé du savoir-faire de la Maison Fauré Le Page originale à Fauré Le Page Paris. La Cour d’Appel de Paris mative son arrêt notamment sur le fait que l’ancienne entreprise avait cessé ses activités en 1992, alors que la nouvelle entité avait été fondée en 2009.

Fauré Le Page Paris a formé un recours de cette décision devant la Cour de cassation, arguant que l’article 4(1)(g) de la Directive exigeait une tromperie sur les caractéristiques des produits et services, et non sur les qualités du propriétaire de la marque, telles que l’année de création de l’entreprise.

La question préjudicielle à la CJUE.

La Cour de cassation, confrontée à cette interprétation de la loi, a décidé de poser une question préjudicielle à la CJUE. Elle demande si une marque peut être considérée comme trompeuse lorsque l’information fausse concerne l’ancienneté ou la fiabilité du fabricant des biens, et non directement les caractéristiques des biens eux-mêmes. Plus précisément, elle pose deux questions à la CJUE :

1. L’article 4(1)(g) de la Directive doit-il être interprété comme signifiant qu’une référence à une date fictive dans une marque, transmettant des informations fausses sur l’ancienneté, la fiabilité et le savoir-faire du fabricant, est suffisante pour établir l’existence d’une tromperie réelle ou d’un risque sérieux de tromper le consommateur ?

2. Si la réponse à la première question est négative, cet article doit-il être interprété comme signifiant qu’une marque peut être considérée comme trompeuse lorsqu’il existe une probabilité que les consommateurs croient que le propriétaire de la marque produit ces biens depuis très longtemps, conférant ainsi à ces biens une image prestigieuse, alors que tel n’est pas le cas ?

Enjeu juridique.

L’issue de cette affaire pourrait avoir des conséquences considérables pour les entreprises utilisant des références historiques dans leur stratégie de marque. Si la CJUE conclut qu’une telle pratique est trompeuse, cela pourrait élargir les motifs d’annulation des marques pour inclure des informations erronées sur l’entreprise elle-même, et non seulement sur les produits ou services.

Un précédent existe déjà dans la jurisprudence européenne. Par exemple, dans l’affaire W. F. Gözze Frottierweberei et Gözze (C-689/15), la CJUE a estimé que pour qu’une marque soit trompeuse, elle doit en elle-même et intrinsèquement générer un risque de tromperie pour les consommateurs, indépendamment de l’utilisation qui en est faite après son enregistrement.

Si la question préjudicielle avait été posée sous l’angle de l’article 20(b) de la Directive, qui se concentre sur l’utilisation trompeuse de la marque après son enregistrement, la réponse pourrait être différente. Cet article ne limite pas la tromperie aux seules caractéristiques des produits ou services, mais pourrait inclure également des informations trompeuses sur l’entreprise.

En tout état de cause, si l’origine géographique des biens et services peut être considérée comme une caractéristique importante au sens de l’article 4(1)(g) de la Directive, la date de création de la société devrait l’être également. Il est clair que la décision d’achat du consommateur est liée à la fois à la qualité des produits et services, mais également à la fiabilité de la société les commercialisant.

Quel impact pour le futur ?

La réponse de la CJUE dans cette affaire sera cruciale. Elle pourrait redéfinir les critères juridiques entourant la notion de marque trompeuse, avec des répercussions potentielles pour les stratégies de branding, en particulier dans le secteur du luxe où l’histoire et l’héritage jouent un rôle clé.

Si tel est le cas, les entreprises devront peut-être réévaluer leur stratégie de marque pour s’assurer que toute référence historique ou prestigieuse ne soit pas perçue comme trompeuse par les consommateurs.

Il est donc essentiel pour les entreprises d’adopter une approche proactive en matière de gestion des marques, en s’assurant que les informations historiques ou de prestige qu’elles utilisent ne soient pas susceptibles d’induire en erreur.

Cette affaire met en lumière l’importance croissante de la protection des consommateurs contre les pratiques commerciales trompeuses et souligne la nécessité pour les entreprises de maintenir une transparence totale dans leur communication de marque.

Nathalie Dreyfus, expert près de la Cour de Cassation, paneliste du Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI, Conseil en Propriété Industrielle, Dreyfus & associés
https://www.dreyfus.fr/

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