Employeurs, apprenez à mieux apprécier l’Unité Economique et Sociale.

Par Cyrille Catoire, Avocat.

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L’Unité Economique et Sociale (aussi dénommée l’UES), soit un ensemble de sociétés distinctes qui entretiennent des liens si étroits qu’elles peuvent être considérées comme une entreprise unique, est un concept du droit du travail trop souvent mal compris par les employeurs. Elle présente pourtant des avantages évidents militant pour sa reconnaissance lorsqu’elle existe contrairement à une idée encore largement reçue.

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1. La notion d’Unité Economique et Sociale.

Création de la jurisprudence pour déjouer certaines pratiques visant à morceler les entreprises pour échapper à la mise en place d’institutions représentatives du personnel, l’existence de l’UES a finalement été reconnue dans le Code du travail à compter de 1982.

C’est ainsi qu’il est précisé que

« lorsqu’une unité économique et sociale regroupant au moins onze salariés est reconnue par accord collectif ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, un comité social et économique commun est mis en place » [1].

L’UES, pour être reconnue, nécessite la présence de deux critères :

  • une unité économique
  • une unité sociale.

a. La notion d’unité économique.

Pour la Cour de cassation, l’unité économique se caractérise par deux critères cumulatifs :

  • par la similarité ou la complémentarité des activités déployées par les différentes entités et
  • par la concentration des pouvoirs de direction à l’intérieur du périmètre considéré.

L’identité ou la complémentarité des activités des personnes morales concernées est, quelle que soit l’institution représentative à mettre en place, un élément constitutif de l’unité économique et sociale. Cependant, la jurisprudence ne requiert pas une identité totale des activités, car elles peuvent être similaires ou connexes, voire partiellement similaires [2].

L’UES entre plusieurs personnes juridiquement distinctes nécessite également que les éléments qui la composent soient soumis à un pouvoir de direction unique.

La concentration du pouvoir de direction peut résulter de l’existence de dirigeants et de services généraux communs. Ainsi, l’unité de direction de 3 sociétés ou les mêmes personnes se retrouvent aux postes de direction peut caractériser l’UES [3].

La concentration de pouvoir de direction n’implique pas le contrôle d’une entreprise par une autre [4]. L’unité de direction est notamment caractérisée lorsque les mêmes personnes se trouvent au poste de direction [5].

b. La notion d’unité sociale.

Pour la Cour de cassation l’unité sociale se caractérise par une communauté de travailleurs résultant de leur statut social et de conditions de travail similaires pouvant se traduire, le cas échéant, par une certaine permutabilité des salariés, de mêmes règlement intérieur, convention collective, des personnels ou services communs, des mêmes politiques de rémunération et d’embauche.

La jurisprudence a ainsi caractérisé une unité sociale dans les cas suivants :

  • conditions de travail, règlement intérieur, convention collective et politique sociale identiques ainsi que gestion sociale commune [6]
  • trois sociétés au sein desquelles il existe une permutabilité entre leurs personnels mais appliquant des conventions collectives différentes [7].

2. Les modalités de mise en place d’une Unité Economique et Sociale.

Deux modalités sont ouvertes pour reconnaître l’existence d’une UES :

  • La négociation d’un accord collectif d’entreprise : l’existence d’une UES peut être reconnue par un accord collectif signé aux conditions de droit commun entre les différentes entités concernées.
  • La voie judiciaire : il possible d’obtenir la reconnaissance d’une UES par le biais d’une décision de justice (saisine du tribunal judiciaire). Si le passage devant un juge peut parfois faire peur, cette procédure présente en réalité de nombreux avantages en termes de rapidité (décision de reconnaissance dans un délai de 3/4 mois la plupart du temps) et de facilité (il est très rare de voir un juge s’opposer à la reconnaissance d’une UES dans des situations où la majorité des conditions sont réunies.

3. Les conséquences de la reconnaissance d’une Unité Economique et Sociale.

Il convient de distinguer les conséquences en matière de représentation du personnel, des conséquences sociales pour les salariés de l’UES.

a) Les conséquences en matière de représentation du personnel.

C’est l’effet immédiat et le plus connu d’une reconnaissance d’une UES : l’organisation des élections d’un CSE commun [8].

En toute logique, les mandats en cours cessent au jour des élections organisées au sein de l’UES, quelle que soit l’échéance de leur terme [9].

En d’autres termes, les éventuels élus actuels perdront leur mandat à l’occasion des élections à venir.

Il convient également d’avoir à l’esprit que dans les UES comportant au moins 2 établissements, des CSE d’établissement et un CSE central d’entreprise sont constitués [10]. Le nombre et le périmètre des établissements est déterminé, soit par accord, soit par décision unilatérale patronale, en tenant compte de l’autonomie de gestion du responsable de l’établissement, notamment en matière de gestion du personnel.

L’UES sert également de cadre pour la désignation des délégués syndicaux, une fois les élections survenues.

b) Les conséquences sociales pour les salariés de l’UES.

La reconnaissance de l’UES a des conséquences diverses, notamment en raison du franchissement du seuil de 50 salariés dans une grande majorité des cas.

Le franchissement de certains seuils d’effectifs déclenche en effet des obligations ou supprime des avantages pour les entreprises, en matière de droit du travail et de droit de la sécurité sociale.

Vous trouverez ci-après un tableau visant à récapituler l’assimilation ou non de l’UES pour le seuil de 50 salariés.

Impact de la reconnaissance d’une UES
Domaine concerné Assimilation à une entreprise de 50 salariés
CSE Oui (application des attributions CSE + de 50 salariés)
Section syndicale, délégué ou représentant syndical Oui
Négociation au niveau de l’UES Oui
Mise en place de dispositifs nécessitant un accord collectif Oui
Participation Oui s’agissant du franchissement du seuil de 50 salariés
Plan d’action contre la pénibilité Oui s’agissant du franchissement du seuil de 50 salariés
Règlement intérieur Oui
Egalité de traitement Non, sauf :
- dispositions légales ou conventionnelles contraires
- ou travail dans le même établissement.
Egalité homme / femme Oui (publication des indicateurs, négociation ou plan d’action)
Licenciement pour cause personnelle Non, sauf pour la droit à un conseiller du salarié et les dommages-intérêts pour licenciement sans CRS
Licenciement économique Oui pour l’appréciation du PSE
Oui pour le calcul des effectifs si la décision a été prise au niveau de l’UES, non dans le cas contraire
Congé de reclassement Oui
Protection des salariés protégés Non pour la décision de licencier, oui pour l’espace de réintégration
BDES Oui

4. Les avantages et inconvénients d’une Unité Economique et Sociale.

La reconnaissance d’une UES présente des avantages et inconvénients du côté des employeurs pouvant être résumés de la manière suivante :

  • Avantages majeurs : interlocuteur en général unique au titre de la représentation du personnel ; possibilité de négocier des accords collectifs au niveau de l’UES ; grande facilité de mise en place
  • Inconvénients principaux : gestion d’un CSE disposant de prérogatives élargies en cas de passage du seuil de 50 salariés ; versement éventuel de la participation en cas de franchissement du seuil de 50 salariés.

Elle n’en reste pas moins une avancée sociale importante pour les salariés et la plupart du temps bénéfique pour les employeurs. Dans cette optique, l’employeur a tout intérêt à promouvoir sa reconnaissance lorsque les conditions requises sont réunies.

Cyrille Catoire
Avocat à la Cour
Barreau de Paris
cc chez catoireavocat.fr
www.catoireavocat.fr

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Notes de l'article:

[1C. trav. Art. L2313-8.

[2Cass. Soc. 8 avril 1992, n° 91-60.165 ; Cass. Soc. 26 novembre 1996, n° 95-60.927 ; Cass. Soc. 12 mars 1986, n° 85-60.518.

[3Cass. Soc. 27 juin 1990, n° 89-60.033.

[4Cass. Soc. 7 mai 1987, n° 86-60.072.

[5Cass. Soc. 27 juin 1990, n° 89-60.033.

[6Cass. soc. 14 mai 1987, n° 86-60.443.

[7Cass. soc. 22 septembre 2010, n° 09-60.394.

[8C. trav. Art. L2313-8.

[9Cass. soc. 26 mai 2004, n° 02-60.935.

[10C. trav. art. L2313-8.

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