Appel : possibilité de régulariser une déclaration d’appel rectificative dans le délai de 3 mois.

Par Frédéric Chhum, Avocat.

27041 lectures 1re Parution: Modifié: 1 commentaire 4.36  /5

Explorer : # procédure civile # appel rectificatif # régularisation # délais d'appel

Dans un arrêt du 10 mai 2022, la Cour d’appel de Paris rappelle qu’une salariée appelante peut régulariser une déclaration d’appel rectificative si la déclaration initiale est nulle, erronée ou incomplète.

-

Faits, procédure et arguments des parties.

Un jugement a été rendu le 21 mai 2021 par le Conseil des Prud’hommes de Paris, notifié le 18 juin 2021 à Madame X, qui a interjeté un premier appel le 16 juillet 2021 enrôlé sous le numéro RG 21/6517.

Madame X a interjeté un second appel de cette décision le 30 septembre 2021, enrôlé sous le numéro RG 21/8134 en mentionnant comme partie intimée l’AGS.

Le 5 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a demandé à l’appelante ses observations sur une éventuelle irrecevabilité de son second appel pour tardiveté.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 27 janvier 2022, Maître D. en qualité de mandataire liquidateur de la société DV Group demande au conseiller de la mise en état de déclarer irrecevable l’appel diligenté le 30 septembre 2021 par Madame X, pour tardiveté et la condamner à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens d’appel dont distraction au profit de Maître V.

Elle fait valoir que le délai d’appel est d’un mois, qu’il a donc expiré le 21 juillet 2021 à minuit et que tout acte d’appel, quelle que soit sa fonction et son utilité, doit être interjeté dans ce délai, ce qui n’est pas le cas en l’occurrence ; qu’en outre, il ne s’agit pas d’un acte rectificatif mais bien d’un nouvel appel puisque, gardant les mêmes griefs, Madame X forme dorénavant des demandes à l’encontre d’une nouvelle partie.

Selon conclusions du 1er mars 2022, l’AGS CGEA IDF Est demande au conseiller de la mise en état de déclarer irrecevable l’appel de Madame X pour cause de nullité de ses déclarations d’appel et pour cause de forclusion.

L’AGS fait valoir que Madame X se prévaut de deux déclarations d’appel distinctes, mais aucune ne précise en nature à justifier que l’une ou l’autre de ses déclarations d’appel ne se suffise pas à elle-même.

En conséquence, l’appel est irrecevable pour cause de nullité des déclarations d’appel formulées par Madame X. En outre, elle s’est vu notifier la décision entreprise le 18 juin 2021, mais n’a formulé un appel contre l’AGS que le 30 septembre 2021. Par conséquent, l’appel formulé contre elle est irrecevable pour cause de forclusion.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 28 mars 2022, Madame X demande au conseiller de la mise en état de :
- juger que la seconde déclaration d’appel rectificative et complémentaire [1] s’incorpore dans la première déclaration d’appel [2] ;
- juger recevable la déclaration d’appel rectificative et complémentaire du 30 septembre 2021 n°21/20907 [3], en complément de la déclaration d’appel du 16 juillet 2021 [4].

Elle rétorque que le 30 septembre 2021, soit dans un délai de 3 mois pour conclure, elle a formé une seconde déclaration d’appel, rectificative et complémentaire à la déclaration d’appel du 16 juillet 2021 puisqu’il apparaissait que les AGS, partie intervenante en première instance, n’avaient pas été prises en considération dans la déclaration d’appel du 16 juillet 2021. En outre, elle fait valoir que des annexes étaient jointes aux déclarations d’appel, répondant aux exigences de l’article 901 du Code de procédure civile.

Il est renvoyé aux conclusions des parties, en application de l’article 455 du Code de procédure civile pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

L’incident a été appelé à l’audience de la Cour d’appel de Paris du 5 avril 2022.

Dans son ordonnance du 10 mai 2022, la Cour d’appel de Paris [5] :
- Rejette les demandes de nullité des déclarations d’appel ;
- Rejette la demande d’irrecevabilité de la déclaration d’appel du 30 septembre 2021 ;
- Ordonne la jonction des affaires instruites sous les numéros de répertoire général 21-6517 et 21-8134 ;
- Dit que l’affaire sera désormais instruite sous le numéro de répertoire général 21-6517 ;
- Rappelle que la présente ordonnance peut faire l’objet d’un déféré à la cour dans les quinze jours de sa date, dans les conditions de l’article 916 du Code de procédure civile.

1) Sur la possibilité de joindre une annexe à sa déclaration d’appel.

L’article 901 du Code de procédure civile dispose que :

« La déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l’avocat de l’appelant ;
2° L’indication de la décision attaquée ;
3° L’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l’avocat constitué. Elle est accompagnée d’une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d’inscription au rôle
 ».

Les annexes mentionnant effectivement les chefs de jugement critiqués ont été jointes aux déclarations d’appel qui répondent ainsi aux exigences de l’article 901 du Code de procédure civile.

Ainsi, aucune nullité n’est encourue.

2) Possibilité de régulariser une déclaration d’appel rectificative si la déclaration initiale est nulle, erronée ou incomplète.

En cas de nullité pour vice de forme, la déclaration d’appel peut être régularisée avant l’expiration du délai imparti à l’appelant pour conclure par une nouvelle déclaration d’appel.

La seconde déclaration d’appel ayant pour effet de régulariser la première déclaration affectée d’une erreur n’introduit pas une nouvelle instance d’appel et s’incorpore à la première.

Le délai de dépôt des conclusions fixé par l’article 908 du Code de procédure civile commence à courir à compter de la première déclaration d’appel qui a valablement saisi la cour d’appel.

En l’espèce, la première déclaration d’appel date du 16 juillet 2021, de sorte qu’à compter de cette date, l’appelante disposait d’un délai de trois mois pour régulariser ses conclusions d’appelant, soit jusqu’au 16 octobre 2021.

La déclaration d’appel du 16 juillet 2021 mentionnait comme partie intimée de Mme D., mandataire liquidateur de DV Group et comme partie intervenante l’AGS.

L’affaire a été enrôlée sous le numéro 21/06517.

Or, le 30 septembre 2021, soit dans le délai pour conclure, Madame X a formalisé une seconde déclaration d’appel mentionnant cette fois l’AGS comme partie intimée et précisant qu’elle avait pour objet de rectifier et compléter la déclaration d’appel effectuée le 16 juillet 2021 et enregistrée le 30 juillet 2021 sous le numéro RG 21/06517.

Ainsi, la seconde déclaration d’appel doit s’incorporer à la première déclaration d’appel et aucune irrecevabilité de la déclaration d’appel n°21/20907 [6] du 30 septembre 2021 n’est encourue.

Deux numéros de répertoire ayant été attribués, la jonction des affaires est ordonnée.

Cet arrêt de la Cour d’appel de Paris est une confirmation de jurisprudence [7].

Par ailleurs, dans un arrêt du 19 novembre 2020 n°19-13.642, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation avait affirmé que

« Il résulte de l’article 901 du Code de procédure civile que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
La déclaration d’appel, nulle, erronée ou incomplète, peut néanmoins être régularisée par une nouvelle déclaration d’appel, dans le délai pour conclure.
Dès lors, une seconde déclaration d’appel peut venir étendre la critique du jugement à d’autres chefs non critiqués dans la première déclaration, sans qu’un acquiescement aux chefs du jugement non critiqués dans un premier temps ne puisse être déduit de cette omission
 ».

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

14 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1RG 21/08134.

[2RG 21/06517.

[3RG : 21/08134.

[4RG 21/06517.

[5Pole 6 Chambre 1.

[6RG : 21/08134.

[7Notamment CA Paris 6 janvier 2022, n°20/13376.

Commenter cet article

Discussion en cours :

  • par Serge , Le 14 octobre 2023 à 15:06

    Bonjour,
    Quel serait le délai pour rectifier une déclaration d’appel dans une procédure sans représentation obligatoire ?

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs