Le législateur a fixé le taux maximum d’alcoolémie autorisé pour reprendre le volant après un bon repas : il est de 0,49 g/l de sang ou de 0,24 mg/l d’air.
Au-delà, deux infractions peuvent être caractérisées :
une contravention de 4eme classe lorsque le taux est de 0,5 g/l de sang jusqu’à 0,79 g/l de sang (ou : 0,25 mg/l d’air jusqu’à 0,39 mg/l d’air),
un délit de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, dès lors que le taux atteint 0,8 g/l de sang (0,40 mg/l d’air), ou plus bien sûr.
Rappelons que cette infraction peut être constatée sur toutes les voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique et que le mis en cause risque, en matière délictuelle jusqu’à 4.500 euros, une suspension du permis de conduire jusqu’à 36 mois ou une annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d’un nouveau permis de conduire jusqu’à 36 mois. Il s’expose surtout à une peine d’emprisonnement de 2 ans de prison maximum et à une inscription sur le casier judiciaire. Enfin un retrait automatique de 6 points sur le permis de conduire sera effectué par l’Administration.
Par ailleurs, en cas de récidive, l’article L234-12 du Code de la route porte les peines jusqu’à : 4 ans d’emprisonnement, 9.000 euros d’amende et une annulation automatique du permis avec interdiction d’en solliciter un nouveau pendant une durée pouvant aller jusqu’à 36 mois et prévoit une confiscation obligatoire du véhicule.
A préciser, que dans les 72 heures de la constatation de l’infraction, le Préfet avait la possibilité (dans 99% des cas) de prendre un “avis de suspension provisoire” du permis de conduire du mis en cause pendant une durée maximum de 6 mois (document administratif dit “3F“) avant même son procès.
Aussi, les spécialistes du droit routier se sont intéressés depuis longtemps à la marge d’erreur technique de l’éthylomètre, appareil qui permet justement de relever le taux d’alcoolémie.
De nombreuses juridictions ont fait droit aux conclusions de nullité déposées par les avocats en droit routier qui se fondaient justement sur cette marge d’erreur technique lorsque le taux constaté était proche du taux limite.
C’est un texte réglementaire – arrêté du 8 juillet 2003 - qui fondait essentiellement l’argument sur la marge d’erreur technique.
L’article 15 de l’arrêté du 8 juillet 2003 prévoit notamment que :
« Les erreurs maximales tolérées, en plus ou en moins, applicables lors de la vérification périodique ou de tout contrôle en service sont :
• 0,032 mg/l pour les concentrations en alcool dans l’air inférieures à 0,400 mg/l ;
• 8 % de la valeur mesurée pour les concentrations égales ou supérieures à 0,400 mg/l et inférieures ou égales à 2,000 mg/l ;
• 30 % de la valeur mesurée pour les concentrations supérieures à 2,000 mg/l.(…) ».
Cela a permis à de nombreux automobilistes d’échapper parfois à l’annulation de leur permis de conduire lorsque ces derniers étaient en état de récidive légale et ce même avec un taux très faible dès lors que le seuil du délit était atteint.
Néanmoins, en fonction de la juridiction, du juge et autres critères, la décision n’était jamais identique et les mis en cause jugés sur un « pied inégalitaire ».
Certains tribunaux constataient cette marge d’erreur technique, d’autres la rejetaient et les sanctions tombaient.
C’est le Conseil d’Etat qui est venu mettre un terme à « cette possibilité » de marge d’erreur technique, en la rendant obligatoire ! Il a été saisi d’une contestation d’un arrêté préfectoral prononçant une suspension provisoire du permis de conduire d’un conducteur dans l’attente de son procès :
"Considérant qu’aux termes de l’article 15 de l’arrêté du 8 juillet 2003 relatif au contrôle des éthylomètres pris en application de la loi du 4 juillet 1837, modifiée par la loi du 15 juillet 1944, relative au système métrique et à la vérification des poids et mesures, et du décret du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure, les erreurs maximales tolérées de ces instruments sont de "8 % de la valeur mesurée pour les concentrations égales ou supérieures à 0,400 mg/l et inférieures ou égales à 2,000 mg/l" ; que, compte tenu de la tolérance admise par ces dispositions, il appartient au représentant de l’État dans le département, lorsqu’il entend prononcer la suspension de permis de conduire prévue par l’article L. 224-2 du code de la route au titre d’une conduite sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool dans le sang égale ou supérieure à 0,80 gramme par litre ou par une concentration d’alcool dans l’air expiré égale ou supérieure à 0,40 milligramme par litre, de s’assurer qu’il est établi que ces seuils ont été effectivement dépassés ; qu’il lui appartient, par suite, de prendre en compte la marge d’erreur maximale tolérée en vertu de l’arrêté du 8 juillet 2003 précité, sauf si le résultat qui lui a été communiqué mentionne que le chiffre indiqué tient déjà compte de la marge d’erreur, ou fait état d’une marge d’erreur de la technique utilisée inférieure à cette marge maximale ;" (...)
La cour de cassation, depuis quelques temps reconnaissait l’existence d’une telle marge d’erreur technique mais ne la rendait pas obligatoire :
"Attendu que, si c’est à tort que le jugement énonce que les marges d’erreur prévues par les dispositions réglementaires visées au moyen ne peuvent s’appliquer à une mesure effectuée lors d’un contrôle d’alcoolémie, l’arrêt n’encourt pas pour autant la censure, dès lors que l’interprétation des mesures du taux d’alcoolémie effectuées au moyen d’un éthylomètre constitue pour le juge une faculté et non une obligation (...)"
Néanmoins, un revirement jurisprudentiel vient d’intervenir, sans doute pour être en conformité avec l’arrêt du conseil d’Etat.
Dans un arrêt du 26 mars 2019 [1] la Cour de cassation a rappelé l’existence de cette marge d’erreur technique, mais surtout a précisé que le juge devait en tenir compte (obligation) : "Attendu qu’il se déduit en conséquence de l’article 15 de l’arrêté du 8 juillet 2003 précité que le juge, lorsqu’il est saisi d’une infraction pour conduite sous l’empire d’un état alcoolique, doit vérifier que, dans le procès-verbal qui fonde la poursuite, il a été tenu compte, pour interpréter la mesure du taux d’alcool effectuée au moyen d’un éthylomètre, des marges d’erreur maximales prévues par ce texte."
En pratique, le conducteur poursuivi pourra faire valoir désormais la marge d’erreur technique de l’ethylomètre devant le tribunal administratif, contre l’arrêté préfectoral de suspension provisoire 3F, et devant les juridictions pénales contre les poursuites pénales.
Le taux délictuel pourra être retenu qu’à partir de 0,44 mg/l dans l’air en appliquant la marge d’erreur technique pour le délit de conduite sous l’empire d’un état alcoolique.
Il y a fort à parier désormais qu’une reconfiguration des Ethylomètres sera réalisée dès lors que le nombre de contestations augmentera sensiblement puisqu’un tel projet engendrerait un coût financier colossal.
Discussion en cours :
Merci maître votre article est clair et précis
je lis régulièrement vos articles et j’apprends pleins de choses.