Le père de Maëlys de Araujo, tuée en 2017 par Nordahl Lelandais, se dit « choqué » et « très en colère » du changement de nom du meurtrier, qu’il perçoit comme une « tentative d’effacer son passé ».
Joint par RTL, il déclarait « Pour moi, il est clair qu’il veut encore tromper son monde avec ce changement de nom pour se donner une ’bonne conscience’ et d’enterrer son passé, essayer de tromper les gens. C’est ce que je pense. Il veut effacer le passé ».
Il ajoutait : « Il a tourné la page, pour lui, plus rien n’a d’importance sur son passé ». Voilà, il faut aller de l’avant, il faut changer de nom, « j’ai fait un enfant en prison ». « C’est une personne qui n’a aucun remords, quelque part. Ce changement de nom, je trouve ça complètement stupide, je suis très en colère ».
Cette loi soulève une question morale délicate, notamment lorsqu’on l’examine du point de vue des familles des victimes.
En effet, le changement de nom, dans ce contexte, peut être perçu comme une tentative de se dissocier de l’acte criminel, une volonté de s’effacer ou de se faire oublier, ce qui pourrait correspondre à l’intention de Nordahl Lelandais, et c’est ce que pensent en tout état de cause les victimes.
Si on se place du point de vue des personnes condamnées, cette démarche se comprend sous l’angle du droit à l’oubli. Chaque individu devrait pouvoir, après avoir purgé sa peine, espérer un apaisement certain et la possibilité de se reconstruire et de se réinsérer.
Cependant, ce changement de nom, loin d’être perçu comme une simple formalité administrative, est ressenti par les proches des victimes comme une volonté de se dissocier non seulement de l’acte criminel, mais aussi de la mémoire des victimes, ranimant leur souffrance et leur colère.
Nordahl Lelandais a été reconnu coupable des meurtres de la jeune Maëlys de Araujo et du caporal Arthur Noyer, crimes pour lesquels il a été condamné à de lourdes peines de réclusion criminelle. Son implication dans ces affaires a profondément marqué l’opinion publique en raison de la gravité des faits et du retentissement médiatique qu’ils ont suscité.
Cette nouvelle poursuite judiciaire portant sur des faits d’agression sexuelle sur une cousine mineure au moment des faits, est venue renforcer le portrait d’un individu au comportement particulièrement inquiétant, déjà condamné pour des actes d’une extrême violence.
Jusqu’à la loi du 2 mars 2022, la procédure de changement de nom était longue et complexe et se faisait uniquement par décret.
Cette procédure demeure en vigueur pour toute personne souhaitant substituer son nom actuel par un autre nom différent, de celui de l’un de ses parents.
Elle doit être motivée par l’un des motifs suivants :
- Porter un nom qui a été rendu célèbre dans les médias et qui est porteur d’une mauvaise réputation ;
- Porter un nom perçu comme ridicule ou péjoratif ;
- Une volonté d’éviter l’extinction d’un nom de famille en usage depuis longtemps ;
- Une volonté d’éviter des conséquences de la gravité des actes pour lesquels son père ou sa mère a été condamné ;
- Une volonté de porter le même nom que ses frères et sœurs.
La demande doit être publiée au journal officiel de la République française ainsi que sur un support habilité à recevoir des annonces légales du département de sa résidence (Journal d’annonces légales ou un service de presse en ligne).
Cette procédure est particulièrement longue et peut s’étendre sur plusieurs mois.
En cas de réponse favorable, un décret est publié au Journal d’officiel.
Il est possible de former un recours gracieux en cas de refus de changement de nom auprès du ministère de la Justice dans un délai de deux mois.
Il est aussi possible de contester la décision de refus devant le tribunal administratif dans les deux mois après sa notification.
Toute personne qui y a intérêt dispose de la possibilité de former opposition au décret portant le changement de nom devant le Conseil d’Etat dans un délai de deux mois à compter de sa publication au journal officiel [1].
La loi du 2 mars 2022 est venue simplifier la procédure de changement de nom en permettant de porter le nom du parent qui n’a pas transmis le sien à la naissance :
- Soit en ajoutant le nom du parent au nom de famille actuel dans l’ordre qu’il souhaite ;
- Soit en remplaçant le nom de famille actuel par le nom de l’autre parent.
C’est cette procédure qui a été utilisée par Nordahl Lelandais pour substituer le nom de sa mère.
Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, dite « loi Vignal », un nombre record de changements de nom de famille a été observé. Entre août 2022 et décembre 2023, 144 100 personnes ont ainsi modifié leur nom, soit une augmentation par trois par rapport à une période équivalente avant l’adoption de cette législation.
Cette procédure se distingue par sa grande simplicité.
Il suffit en effet de compléter un formulaire Cerfa intitulé « Demande de changement de nom de famille », accompagné des pièces justificatives requises, puis de le déposer ou de l’envoyer à la mairie de son lieu de résidence ou à celle détenant l’acte de naissance.
Contrairement à la procédure par décret, cette démarche ne requiert aucune formalité de publicité, ce qui la rend d’autant plus accessible et rapide.
Une fois la demande de changement de nom déposée, l’officier d’état civil contacte le demandeur afin de s’assurer de sa volonté réelle de procéder à cette modification.
En cas de refus de l’officier d’état civil, ce dernier peut saisir le procureur de la République. Si le procureur de la République s’oppose à la demande, le requérant a alors la possibilité de porter l’affaire devant le juge aux affaires familiales.
Qu’on se rassure, il est absolument impossible de se soustraire à la justice par un simple changement de nom.
S’agissant de Nordahl Lelandais, son changement de nom n’aura ainsi aucune incidence juridique sur la gestion des affaires pour lesquelles il a été déjà poursuivi et condamné.
En effet, une modification du nom ne fait pas disparaître l’identité juridique d’une personne ni les condamnations qui lui sont attachées. Il conserve le même numéro d’identification national et son casier judiciaire demeure inchangé, mentionnant toujours ses antécédents sous son ancien nom.
Concernant d’éventuelles affaires non élucidées, si des faits commis sous son identité d’origine faisaient l’objet de nouvelles investigations ou d’une inculpation, le changement de nom n’empêcherait pas la justice de poursuivre son travail.
L’identité d’une personne repose sur bien plus qu’un simple patronyme : empreintes digitales, ADN, et historique judiciaire permettent d’assurer la continuité du suivi pénal.