Les faits et la procédure.
Lors d’une réunion publique le 6 août 2020, un ancien député-maire a utilisé à plusieurs reprises l’expression « le Chinois » pour désigner un de ses adversaires politiques.
Le plaignant a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour injure publique à caractère raciste. Il reprochait alors à cet ancien édile de l’avoir réduit à ses origines, sans qu’un lien puisse être établi avec le débat politique.
A la suite de l’instruction, il a été décidé de renvoyer l’ancien édile devant le tribunal correctionnel pour répondre de la qualification d’injure raciste. Il a été relaxé. La partie civile a interjeté appel du jugement du tribunal correctionnel, lequel a confirmé la relaxe prononcée.
C’est dans ces conditions qu’un pourvoi a été formé devant la Cour de cassation contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion.
Un rappel de l’état du droit.
L’injure à caractère raciste obéit à un régime répressif plus sévère que l’injure classique, telle qu’issue de la loi du 29 juillet 1881.
En effet, le deuxième alinéa de l’article 29 précise que
« toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ».
L’alinéa 3 de l’article 33 de la même loi ajoute que
« sera punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende l’injure commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
L’injure doit alors recouvrir la condition de l’élément matériel, lequel doit s’appuyer sur des éléments de contexte nécessaires à l’analyse du discours [1].
La confirmation de la jurisprudence.
En matière de délit de presse, la Cour de cassation doit exercer un contrôle du sens et de la portée des propos poursuivis [2].
Dès lors, en l’absence de moyens permettant de contrôler l’arrêt de la cour d’appel de La Réunion, la Cour de cassation n’avait d’autre alternative juridique que d’annuler la décision.
La cour d’appel avait ainsi motivé sa décision en déclarant :
« Pour débouter la partie civile de ses demandes, l’arrêt attaqué énonce que, eu égard au contexte d’une campagne politique, au respect de la liberté d’expression et au contrôle de proportionnalité incombant au juge, le seul fait de désigner une personne par ses origines ne peut être constitutif d’une insulte à caractère raciste tant que, comme en l’espèce, cette référence n’est pas qualifiée par un adjectif offensant ou méprisant ».
Néanmoins, en motivant sa décision de cette manière, la cour d’appel n’a pas permis à la Cour de cassation d’exercer un contrôle effectif. L’absence d’examen du sens et de la portée des propos a empêché un examen approfondi de l’affaire.
La Cour de cassation conclut en ces termes :
« Même si le fait de réduire une personne à son origine supposée ne présente pas, à lui seul, un caractère injurieux, il appartenait aux juges du fond d’apprécier le sens et la portée des propos poursuivis en procédant à une analyse des termes du discours dans lequel ils s’inséraient, éléments extrinsèques qu’il leur incombait de relever, la seule référence au contexte local étant, à cet égard, insuffisante ».