Le traitement médiatique des personnes confrontées à la justice pénale et ayant des troubles psychiques.

Par Anissa Doumi, Avocate.

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Explorer : # troubles psychiques # traitement médiatique # justice pénale # stigmatisation sociale

Le traitement médiatique des affaires pénales impliquant des personnes atteintes de troubles psychiques soulève des enjeux éthiques et sociétaux majeurs. Trop souvent, la couverture médiatique contribue à la stigmatisation de ces individus, en renforçant des préjugés et en occultant la complexité des troubles subis. Cet article explore les dérives médiatiques, leurs conséquences et propose des pistes pour un journalisme plus responsable et éclairé.

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I. Les dérives du traitement médiatique des affaires pénales impliquant des personnes vulnérables.

Les médias jouent un rôle clé dans la perception publique des affaires judiciaires. Lorsqu’il s’agit de personnes vulnérables confrontées à la justice pénale, le traitement médiatique prend une dimension éthique fondamentale. Trop souvent, les médias ont tendance à privilégier des récits sensationnalistes, notamment en associant, trop facilement, troubles psychiques et dangerosité.

Cette approche :

  • Simplifie à outrance la réalité des troubles mentaux.
  • Crée un climat de peur et de méfiance.
  • Occulte les facteurs sociaux, économiques ou contextuels qui peuvent expliquer un passage à l’acte.

En effet, il arrive que la personne soit réduite à son diagnostic, déshumanisée et privée de son individualité. On lit ou on entend souvent : « un schizophrène a commis… », plutôt que de mentionner une personne atteinte de schizophrénie.

Le manque de formation des journalistes aux notions juridiques et psychiatriques conduit à :

  • Des erreurs sur les concepts d’irresponsabilité pénale.
  • Une minimisation du rôle des soins et du suivi médical dans la prévention des passages à l’acte.
  • Un accès à la justice compromis : une couverture médiatique biaisée peut en effet influencer négativement l’opinion publique.

II. Les conséquences concrètes de ces représentations médiatiques.

L’amalgame entre troubles psychiques et criminalité alimente les discriminations et isole encore davantage les personnes concernées.

Plus encore, les récits médiatiques biaisés créent une pression sociale qui peut nuire à la sérénité de la justice.

Certaines affaires en France illustrent bien ces problématiques. L’affaire de Pau en est un exemple marquant. En 2004, ce jeune homme atteint de schizophrénie paranoïde a été reconnu irresponsable pénalement après avoir tué deux soignantes d’un hôpital psychiatrique. La couverture médiatique s’est principalement concentrée sur la violence des actes et l’effroi qu’ils ont suscité, reléguant au second plan les carences du système de prise en charge psychiatrique qui auraient pu prévenir ce drame. Cette affaire illustre comment les médias participent à la construction d’un imaginaire collectif associant trouble mental et dangerosité, sans toujours analyser les défaillances institutionnelles.

Un autre exemple emblématique est l’affaire Sarah Halimi. En avril 2017, Sarah Halimi a été assassinée à Paris par un homme souffrant de troubles psychiatriques. Ce dernier a été reconnu irresponsable pénalement en raison d’une bouffée délirante au moment des faits, ce qui a conduit à son placement dans une unité pour malades difficiles (UMD) afin qu’il puisse bénéficier de soins.

Cette décision a suscité une vive controverse et une large couverture médiatique : certains dénonçant une impunité pour les crimes commis sous l’emprise de troubles psychiatriques. L’affaire a conduit à un débat national sur la notion d’irresponsabilité pénale et a abouti à un changement législatif. En effet, les droits des personnes atteintes d’un trouble psychique ont été fragilisés après l’adoption de la loi du 24 janvier 2022 qui limite désormais le principe d’irresponsabilité pénale en cas de trouble psychique résultant de la consommation de produits psychoactifs.

III. Pistes de réflexion pour un traitement médiatique responsable.

a) Précision terminologique.

Les journalistes doivent employer un langage respectueux et exact. Pour cela, ils doivent être formés sur les questions de santé mentale et de justice pénale pour lutter contre la désinformation et les clichés notamment par le biais de la formation des premiers secours en santé mentale. Il s’agit d’éviter les généralisations et les termes stigmatisants. Les instances de régulation doivent rappeler les principes éthiques relatifs à la couverture des affaires impliquant des personnes vulnérables.

b) Contextualisation des affaires.

Les médias ont la responsabilité d’expliquer :

  • ⁠La complexité des troubles psychiques.
  • ⁠Le rôle des facteurs sociaux et environnementaux.
  • ⁠Les procédures judiciaires spécifiques (irresponsabilité pénale, injonction de soins, hospitalisation sous contrainte).

c) Donner la parole aux experts et aux personnes concernées.

  • ⁠Intégrer les points de vue des psychiatres, des juristes spécialisés et des associations,
  • Valoriser les témoignages de personnes ayant surmonté leurs troubles.

d) Sensibiliser le public.

Éduquer les lecteurs et les téléspectateurs sur ces thématiques est essentiel pour développer un regard critique face aux récits médiatiques.

IV. Le rôle de l’association pénale et psychiatrie.

L’association pénale et psychiatrie joue un rôle central dans la sensibilisation aux enjeux liés aux affaires impliquant des personnes qui souffrent de troubles psychiques.

L’association milite notamment pour :

  • Une meilleure représentation des troubles psychiques dans les médias.
  • ⁠L’amélioration des pratiques judiciaires et médiatiques.
  • ⁠La mise en place de politiques publiques adaptées pour protéger les personnes vulnérables.

Conclusion.

Le traitement médiatique des affaires pénales impliquant des personnes atteintes de troubles psychiques doit évoluer vers une approche plus responsable et nuancée. Respecter la dignité des personnes concernées, expliquer les réalités judiciaires et médicales et lutter contre les stéréotypes sont des impératifs pour construire une société plus juste et inclusive. Les médias, en adoptant une posture éducative et non sensationnaliste, contribuent ainsi à une meilleure prise en charge des personnes vulnérables et à la réduction de la stigmatisation sociale.

Anissa Doumi
Avocate au Barreau de Paris
https://doumiavocat.fr/

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