Lorsqu’une victime subi un préjudice corporel résultant d’une infraction pénale (par exemple une agression ou encore des coups et blessures volontaires ou involontaires ayant entrainé une ITT personnelle supérieure ou égale à un mois et/ou une incapacité permanente d’au moins 1 %), celle-ci pourra obtenir l’indemnisation de ses dommages corporels devant la CIVI.
Cela résulte notamment des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale.
La saisine de la CIVI (commission d’indemnisation des victimes d’infractions) se fait très facilement par le biais d’une requête par laquelle la victime va attraire le Fonds de garantie des victimes d’infractions et d’actes de terrorisme (FGTI) en réparation de ses préjudices corporels.
Une question qui se pose souvent devant la CIVI est celle de savoir si la victime a le droit d’obtenir la condamnation du Fonds de garantie à l’indemniser également des honoraires de l’expert judiciaire dont elle a du faire l’avance à la suite d’une désignation d’un expert par le tribunal correctionnel.
En effet, bien souvent la victime d’une infraction pénale qui conserve des séquelles corporelles importantes va -dans un premier temps- se constituer partie civile devant le tribunal correctionnel afin notamment d’obtenir la désignation d’un expert en justice ainsi que l’allocation d’une provision à valoir sur la réparation de son préjudice corporel définitif.
Cependant lorsque le tribunal correctionnel désigne un expert, les honoraires de cet expert judiciaire se font aux frais avancés de la victime.
La victime qui va ensuite saisir la CIVI (afin notamment de pallier à la carence de son agresseur bien souvent insolvable) d’une demande de liquidation de son préjudice corporel va notamment demander le remboursement auprès du Fonds de garantie des honoraires de l’expert judiciaire (outre bien sûr l’indemnisation de ses préjudices corporels).
Dans son arrêt en date du 9 juin 2016 (n° 15-20456) la Cour de cassation a confirmé que la victime de faits prévus à l’article 706-3 du code de procédure pénale ne peut obtenir réparation que des dommages résultant des atteintes à sa personne devant la CIVI.
Ainsi, elle a pu juger que la rémunération de l’expert désigné par le tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils (les demandes indemnitaires de la victime), qui est comprise dans les dépens de l’instance pénale, ne constitue pas une dépense exposée par la victime du fait de son dommage corporel.
Dès lors, la Cour de cassation ne censure pas la cour d’appel qui retient que la rémunération des experts désignés par la juridiction pénale, qui ne correspond pas à un dommage résultant de l’atteinte à la personne, ne peut être mise à la charge du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions.
Cette décision se heurte pourtant au principe de réparation intégrale du préjudice qui sous-tend que la victime doit être indemnisée de l’ensemble de ses préjudices et qui laisse supposer que les frais avancés par elle pour en obtenir réparation ne devraient pas rester à sa charge.
Il s’agit toutefois d’une décision prononcée dans une instance engagée devant la CIVI qui constitue une juridiction d’exception et face au Fonds de garantie. Cette solution n’aurait pas été la même devant le tribunal de grande instance ou devant le tribunal correctionnel statuant sur intérêt civils devant lesquels la réparation intégrale du dommage corporel est respectée scrupuleusement, y compris bien sûr concernant les honoraires de l’expert judiciaire.
Ce que l’on peut recommander à la victime est donc de faire désigner par la CIVI -et non pas par le tribunal correctionnel- l’expert médical judiciaire. En effet, devant la CIVI, la victime n’aura pas à faire l’avance des honoraires de l’expert judiciaire.
Si cette dernière solution est plus économique, elle se heurte cependant à une triste réalité économique. En effet, le constat est que, de plus en plus souvent, les experts désignés par la CIVI refusent leur mission (car ils sont souvent payés tardivement), de sorte que l’expertise médicale devant la CIVI va durer beaucoup plus longtemps que si l’expert avait été désigné par le tribunal correctionnel ou par un tribunal civil (TGI ou Président du TGI statuant en référé).
Dans ce type de litige, il est vivement recommandé de consulter un avocat en préjudice corporel.
Discussion en cours :
Les dernières lignes de votre excellent article semblent indiquer que la rémunération des experts serait moindre lorsqu’ils sont désignés par la CIVI que lorsqu’ils le sont devant le tribunal pénal statuant au civil.
A ma connaissance, il n’en est rien : dans les deux cas, la rémunération identique est celle qui s’applique en matière civile. Cela va de soi devant la juridiction pénale statuant au civil. Pour les experts désignés par la CIVI, c’est à tort que dans certaines juridictions, le problème se posant notamment pour les experts psychologues et psychiatres, on leur applique le tarif en règle inférieur au pénal réglementé par l’article R117. En effet, les frais énumérés au R93 du CPP, article dans lequel figure les frais engagés devant la CIVI, sont bien taxé au civil selon les règles de chaque juridiction, comme le précise l’article R124. Seuls certains cas particuliers font l’objet d’une rémunération selon le R117 (cf par exemple l’article R93-2). Car l’assimilation à des frais de justice criminelle, correctionnelle et de police des frais correspondants aux situations énumérées par le R93 n’entraine nullement l’application du tarif prévu en pareille matière (Cour de cass, Ch crim, 12 février 2008, 07-84931). A moins qu’un texte que j’ignore ne le précise, l’expert aurait ainsi lui aussi tout intérêt à se faire désigner devant la CIVI, les démarches restant beaucoup plus simples (absence de consignation) pour obtenir une rémunération identique.
Où est l’erreur ?