Quid du droit de visite et d’hébergement quand les parents habitent géographiquement loin ?

Par Juliette Daudé, Avocat.

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Explorer : # droit de visite et d'hébergement # éloignement géographique # autorité parentale # frais de transport

« Mon ex-femme déménage à Toulouse alors que j’habite à Paris et que le jugement de divorce m’accorde un droit de visite et d’hébergement d’un week-end sur deux et tous les mercredis…Mes enfants ont 5 et 8 ans, je ne peux pas leur demander de faire tant de trajet tous les dix jours ! Et qui va régler les frais de transport ? »

Epineuse question que celle du déménagement intempestif de l’un des parents séparés…

-

La seule règle posée par le Code civil est la suivante : « Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.  » [1].

Lorsque l’enfant mineur réside de manière habituelle au domicile de l’un de ses parents, l’autre parent bénéficie d’un droit de visite et d’hébergement qui lui permet de garder et d’entretenir une relation régulière avec l’enfant.

Quand les parents ont leur domicile géographiquement proches l’un de l’autre, ce droit de visite et d’hébergement est souvent fixé, classiquement, de la manière suivante :
un week-end sur deux ;
de manière générale, une journée/soirée en milieu de semaine ;
la moitié des petites et des grandes vacances scolaires.

De plus en plus souvent, lorsque les domiciles des deux parents sont réellement très proches, une résidence alternée est fixée (l’alternance classique étant une semaine chez chaque parent).

Cependant, la question se pose de savoir ce que devient le droit de visite et d’hébergement lorsque les parents habitent géographiquement loin l’un de l’autre, à tel point que l’enfant doit prendre le train ou bien même l’avion pour se rendre d’un domicile à l’autre.

Le droit de visite et d’hébergement classique (un week-end sur deux) est alors souvent remplacé par un droit plus élargi, en terme de durée, au moment des vacances scolaires.

Il est clair qu’une résidence alternée est très difficilement concevable.

Il est également important de noter que, lorsque les domiciles sont éloignés, ce nouveau droit de visite et d’hébergement peut tout à fait être fixé de manière amiable si les parents trouvent un accord, ou bien, si ce n’est pas le cas, de manière judiciaire.

Quelles sont les obligations existant entre les parents dans un tel cas ? Comment le Juge aux affaires familiales peut-il être saisi et quels seront ses critères d’appréciation pour fixer de nouvelles modalités de l’exercice de l’autorité parentale ?

1) L’obligation d’information du déménagement en temps utile.

Lorsque le déménagement va constituer un obstacle à l’exercice du droit de visite et d’hébergement jusque là fixé, le parent qui déménage doit informer l’autre parent du changement de résidence.

Cette information est alors obligatoire et il faut savoir que, dans le cas où le parent qui a déménagé n’en a pas informé l’autre dans le délai d’un mois après le déménagement, il peut être condamné pénalement à six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende [2].

Ainsi, celui des deux parents qui déménage doit en avertir l’autre parent suffisamment à l’avance afin de pouvoir s’organiser.

Bien entendu, si le déménagement n’a pas de grandes conséquences sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le délai d’information est plus souple, mais reste impératif.

Il est ici important de souligner que le déménagement de l’un des parents n’est en aucun cas soumis à l’accord de l’autre parent.

2) La saisine du Juge aux affaires familiales.

En cas d’éloignement géographique, il est possible que les parents s’entendent de manière amiable pour organiser ensemble les nouvelles modalités de la résidence de l’enfant.

Ils peuvent alors, s’ils le souhaitent, saisir le Juge aux affaires familiales afin que ces modalités soient actées de manière judiciaire.

Afin de respecter l’intérêt de l’enfant pour qu’il continue d’entretenir des relations avec le parent titulaire du droit de visite et d’hébergement, les parents devront notamment prévoir la fréquence de ce droit mais aussi la charge ou partage des frais de déplacement entre les domiciles des parents.

Dans le cas où les parents n’arrivent pas à s’accorder, ou bien, lorsque celui qui a déménagé n’en a pas averti l’autre, l’un des deux pourra saisir le Juge aux affaires familiales qui fixera les nouvelles modalités de résidence de l’enfant en prenant en compte certains éléments :
- l’intérêt de l’enfant,
- les motifs ou causes du déménagement de l’un des parents,
- les modalités pratiques de la nouvelle vie de l’enfant,
- l’âge de l’enfant,
- la nouvelle distance qui séparera les domiciles des parents,

si l’âge de l’enfant le permet, le Juge pourra prendre en compte sa volonté de déménager et son cadre de vie actuel.

a) La décision du Juge aux affaires familiales sur la résidence habituelle ou le droit de visite et d’hébergement de l’enfant.

Il est très important de souligner que le Juge peut tout à fait considérer que le déménagement du parent n’a pour seul but que de nuire au droit de visite et d’hébergement de l’autre parent et dès lors, changer la résidence habituelle de l’enfant afin de sanctionner le comportement fautif du parent qui s’éloigne.

Par exemple, la Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 2 septembre 2008 [3], a jugé que la mère des enfants qui était partie s’installer dans la Vienne, avait fait perdre aux enfants leurs repères et leur milieu de vie habituels et a donc ordonné la résidence chez le père.

Toutefois, le cas le plus classique est celui de la mutation professionnelle.

Dans cette hypothèse, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt en date du 29 avril 2004 a décidé que, puisque la mère des enfants était partie s’installer en Espagne pour des raisons professionnelles, le père exercerait un droit de visite et d’hébergement pendant la moitié de toutes les vacances scolaires, et que les frais de transport devaient être pris en charge par la mère.

Il est donc à supposer que, plus la résidence de l’un des parents sera lointaine, plus le droit de visite et d’hébergement sera moins fréquent mais élargi sur la durée.

b) La décision du Juge aux affaires familiales sur les frais de transport et/ou la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.

Puisqu’un déménagement lointain peut potentiellement remettre en cause une résidence habituelle ou un droit de visite et d’hébergement, le Juge peut également fixer de nouvelles modalités concernant la prise en charge des frais de transport, ainsi qu’un nouveau montant de pension alimentaire pour l’enfant.

De manière générale, si le parent qui a la résidence habituelle des enfants est celui qui déménage, les frais de transport pourront être mis à sa charge.

Selon les revenus des parents, le Juge pourra également décider le partage des frais de transport entre les parents, ou la prise en charge par l’un d’eux à une certaine proportion.

Il est aussi possible que ces nouveaux frais assumés par le débiteur de la pension alimentaire entrainent une diminution de celle-ci.

Ainsi, il est clair que le Juge aux affaires familiales peut prendre en compte différents critères pour ordonner de telles modalités, surtout lorsque les parents ne sont pas arrivés à s’accorder :

- les revenus et la situation financière des parents,
- les causes/motifs de celui qui a déménagé,
- les coûts réels des frais de transport,
- l’existence ou non d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants auparavant…

Par conséquent, l’éloignement de résidence de l’un des parents met en jeu plusieurs paramètres.

L’assistance d’un avocat permettra d’avoir les idées claires sur ces éléments et de bénéficier de précieux conseils en cas de déménagement.

Juliette Daudé

Avocate à la Cour

Site : http://cabinet-avocat-daude.fr/

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Notes de l'article:

[1Article 373-2 du code civil.

[2Article 227-6 du code pénal.

[3N° 08/01199.

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Discussions en cours :

  • par Tatine , Le 13 août 2024 à 12:47

    Bonjour, je suis actuellement séparé, j’ai la garde de mon fils sauf que mon ex ne paie pas ( écrit noir sur blanc sur jugement ) les frais liés a la nounou et à l’école, suis je dans mon droit de ne pas respecter son tour quand c’est a ce dernier d’avoir notre enfant pour le week-end car techniquement il ne respecte pas ses obligations, non ?

    J’ai beau lui envoyé des messages, mail ou courrier LRAR rien y fait ...

    Cordialement

  • Bonjour, je suis séparé de la maman de mon fils et je vis a 1000 km de son domicile. Je paye une pension et tous les frais de déplacements.
    La mère de demande également de payer des frais médicaux dont je n ai pas eu connaissance ni donné mon accord préalable. Que puis je faire ?
    Merci de m indiquer également quels sont les obligations de la mère a mon égard sachant que nous avons une autorité conjointe. Merci

    • par FIACRE , Le 2 mars 2020 à 06:54

      Bonjour, ma fille de 6 ans est confiée à son père un weekend sur deux, et la moitié des vacances, par décision du JAF, Actuellement je vis dans un département ou ma situation professionnelle est précaire, j’ai obtenue une promesse d’embauche dans un autre département, donc je suis obligée de m’éloigner.
      Quelles sont les précautions à prendre ?
      Quelles sont mes droits dans cette situation et que dois-je faire auprès du JAF ? sachant que la relation avec le papa est très tendue à ce jour nous n’avons aucune communication..

      Merci pour votre aide et votre retour rapide

    • par Michele , Le 26 avril 2020 à 21:56

      Bonjour, mon fils est dans le même cas. Il demande toutes les factures et les devis à son ex Pour les frais médicaux il ne règle que 50% de la partie non remboursée par la sécu+ complémentaire et étudie les devis et donne son accord ou non. Si oui, c’est aussi 50% de la somme.
      Cela avait été décidé par le JAF et avait un effet non retro actif au jugement ?
      J’espère que cela vous servira.

  • par prevost vincent , Le 27 mai 2018 à 08:18

    bonjour Mon ex conjoint decide De demenage en vendee j ai deja 2 enfants a charge et mon ex a la derniere de 11 ans je l ai 1 weeken sur 2 et la moitie des vacances je ne veut pas perdre ma fille comment faire surtout que mon ex et son compagnon parte sur un coup de tete sans boulot

  • par dousse , Le 23 janvier 2020 à 07:01

    Bonjour je suis papa d’un petit garçon de 3 ans je viens de déménager en région parisienne il habite à Cherbourg avec sa mère je voulais savoir en droit de garde moitié des vacances est-ce que je suis obligé de fournir à mon enfant une chambre séparée pour l’accueillir ?
    Évidemment il aura de quoi dormir et avoir ses propres jouets.

  • Dernière réponse : 1er décembre 2017 à 20:51
    par Michel Terrier , Le 3 septembre 2015 à 15:24

    L’article est correct, mais c’est vraiment un condensé minimal....

    • par Justine , Le 4 septembre 2015 à 10:14

      Un article qui explique synthétiquement, avec des mots courants, pour tout type de public.

      Juste un bémol. Je trouve dommageable, une fois de plus, de prioriser l’éloignement volontaire géographique comme ayant pour seul but que de nuire au droit de visite et d’hébergement de l’autre parent, l’argument étant, hiérarchiquement dans le texte mis en premier alors même que nous commençons à mesurer de l’ampleur des violences intrafamaliales, des répercussions des violences sur les enfants.

      La nana ultra catho qui ne supporte pas d’avoir été trompée, qui serait divorcée, qui ne le supporterait pas et qui déménagerait à l’autre bout du monde juste pour en faire baver le père des enfants existe encore, certes, mais est-ce bien réellement toujours d’actualité ?
      A l’heure où l’on sait qu’une femme sur 10 est victime de violences conjugales en France (verbales, physiques, sexuelles ou psychologiques) et que 7 femmes sur 10 déclarent avoir connu plusieurs épisodes de violences physiques autres que sexuelles ?
      A l’heure où l’on sait que l’inceste existe, qu’il ne s’agit pas d’élucubrations et que selon l’AIVI, ce serait 1 enfant sur 24 qui en serait victime ? (chiffres 2009)
      A l’heure où l’on sait, où l’on mesure les conséquences de toutes ces violences sur les enfants ? Et que l’on sait, que l’on se doute que tous ces chiffres sont largement en deçà de la réalité ?
      Non, on continue de se boucher les oreilles et de se brouiller la vue ? L’éloignement géographique devrait etre encore imputé à la seule mère, cette "femme immonde" qui a décidé d’en faire baver le père ?

      Tous les acteurs judiciaires côtoyant de près ou de loin la justice familiale devraient avoir l’obligation de passer -au minimum- un DU Violences faites aux femmes : violences de genre.

    • par Elletmoi , Le 9 septembre 2015 à 14:25

      bonjour, je suis au nombre de ces femmes qui n’ont, finalement, pas tellement eu le choix et ont dû déménager pour motifs strictement professionnels à plusieurs centaines de km. Le père a bloqué l’enfant plusieurs mois chez lui, l’a changé d’école et cela, alors même qu’il n’envisageait pas un seul instant de demander la garde du petit bonhomme (ce qui aurait pu se discuter). La contrepartie attendue ? que je signe un papier disant que je prenais en charge tous les frais de trajet et que je renonce à toute pension alimentaire.
      S’en est suivi une décision JAF qui prévoyait le transfert chez moi, et le partage des frais de trajet.
      Sauf qu’en réalité : mon avocate explique que seuls les trajets dans lesquels il y a effectivement l’enfant doivent être partagés (tant pis pour les navettes où je repars à vide en quittant l’aéroport), que le père refuse tout amiable et ne donne aucune suite aux propositions de délais de prévenance. En même temps, c’est vrai que le juge n’a rien mentionné en ce sens. Alors, on daigne parfois (la veille du départ supposé) me demander à quelle heure petit bonhomme arrivera le lendemain...J’ai donc dû quitter ma région natale, trouver des solutions organisationnelles, et je suis en butte à la mauvaise volonté du père. A ce tarif là, ce n’est plus une double peine, c’est la multiple peine. Au fait, on est le 9 et toujours pas de chèque de pension en vue, mais c’est vrai, dans le jugement, il n’est pas non plus rappelé les modalités de son paiement. Ecrire aussi sobrement sur un tel sujet, c’est vraiment ne donner à voir que le sommet de l’iceberg. Dans quel but ?

    • par Morvan , Le 3 mai 2016 à 10:46

      Bonjour je lis beaucoup de textes dans lesquels on parle des mamans qui s éloignent mais rarement du papa qui s éloigne ..je suis dans ce cas là j ai la garde des enfants mon ex a décider d aller vivre à bordeaux avec son amie , il réclame l annulation de la pension alimentaire et ma participation financière pour les trajets ..je précise que Mr refuse tout travail ( il a eu l audace de m en parler) pour je cite "ne pas avoir de revenus pour ne rien verser " que faire arrêter à mon tout de travailler je ne suis pas une vache à lait ..

    • par Magali , Le 1er décembre 2017 à 20:51

      Bonjour,
      Je suis maman de deux enfants que j ai eux avec mon mari. Nous somme en plein divorce et c’est lui qui a eu la garde provisoir de nos enfants. Il a déménagé sens m’ en informé comme il aurais du le faire. Je me retrouve donc dans le cas ou je ne peux pas exercer mon droit de visite et d ebergement, car c ’est à ma charge d aller et ramener les enfants. mais depuis sont départ je ne peux pas les voir, car il faut que je prennent le train puis un taxi pour aller le chercher. cela me coute en tous et pour tous 316 euros par week-end. Et il sais très bien que je ne travaille pas et que je n ai pas le permis.
      Je me bas pour mes enfants et je vous avoues que même si j ai confiance en vers mon avocate et que je suis soutenu par mes amies, j ai peur de ne pas avoir la garde . Et je pleur tous les jours mes enfants que j ai porté en moi pendant 9 mois.
      Je sais très bien qu il y a des mères qui ne sont pas apte d avoir leur enfants avec elles. Moi, je les ai porter 9 mois j ai toujours tous fait pour eux. Et on me retir la garde. J en suis malade tous les jours.
      J ai rien contre les hommes bien au contraire, car il y a des papa qui sont très bien. mais, on ne devrais pas séparé un enfant de sa mère quand il est petit. Sauf si celle ci est déclarée inapte par un médecin ou un spycologue. Chose qui n est pas forcément fait pour le prouver.

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