Que faire en cas de violences conjugales ?

Par Régine Calzia, Avocate et Hugo Fort, Etudiant.

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Jeudi 9 avril 2015 s’est ouvert à Paris le procès d’une femme, Zakia Medkour, prévenue d’avoir battu son compagnon. La victime, Maxime Gaget, prétend avoir subi pendant 15 mois des violences physiques et psychologiques de la part de sa compagne.
Ce procès est l’occasion de faire un point sur la question des violences au sein du couple, érigée en Grande Cause nationale depuis 2010.

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On estime aujourd’hui en France qu’une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon.

Mais contrairement à une idée largement répandue, les violences conjugales sont un fléau qui touche non seulement les femmes mais aussi les hommes, comme nous le montre le procès de Zakia Medkour.

En effet, une étude de l’Institut National des Hautes Etudes de la Sécurité de la Justice (INHESJ) , nous indique que pour les années 2010-2011, 274.000 hommes ont déclarés être victime de violences. Néanmoins, le nombre de femmes déclarant avoir été victimes reste largement supérieur : celui-ci est estimé à 567.000, soit près du double.

Si les chiffres sont alarmants, un autre point de l’étude est particulièrement inquiétant : seulement une personne sur cinq victime de violences s’adresse à la police ou à la gendarmerie.

Une forme d’ « omerta » règne donc sur les violences conjugales. De nombreuses raisons peuvent être avancées. Notamment, certaines victimes ressentent une forme de honte à « avouer » avoir fait l’objet de violences conjugales. Parmi les raisons, on retrouve aussi le manque d’information.

Il s’agira donc ici de faire un rappel sur les recours légaux dont disposent les victimes de violences conjugales.

Avant toute chose, il est important de savoir que les violences conjugales n’ont pas toujours étaient réprimées par la loi. Ainsi, par exemple pendant longtemps la question du viol entre époux a largement était mise de côté par la loi et la jurisprudence.

En effet, l’article 215 du Code civil prévoit un devoir de communauté de vie qui a été interprété comme incluant un « devoir conjugal ». Partant de ce constat, pendant longtemps, en cas de violences a fait prévaloir une présomption de consentement à l’égard de la personne s’estimant victime de violences dans le couple.

Il a fallu attendre un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation en date du 5 septembre 1990 pour que soit admis le viol entre conjoint.

Le droit a donc beaucoup évolué. La dernière évolution en la matière est la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour « l’égalité réelle entre les femmes et les hommes », qui renforce l’arsenal existant en la matière, notamment par la généralisation du téléphone « Grand danger », ligne téléphonique spécialement dédié aux victimes de violences.

En matière de violences conjugales, il convient surtout d’avoir à l’esprit certaines règles :

- Tout d’abord, en toutes hypothèses, et même en cas de mariage, la victime peut toujours quitter le domicile conjugal. En effet, si le Code civil vient prévoir un devoir de communauté de vie entre époux, l’abandon du domicile familial ne peut en aucun cas caractériser une faute de nature à justifier un divorce pour faute.

- Il est aussi particulièrement recommandé de s’adresser à un médecin afin que celui-ci constate les séquelles dans le cadre d’un certificat médical. A cet égard, l’étude de l’INHESJ nous indique que seul 20% des femmes, ayant fait l’objet d’agressions, vont consulter un médecin. C’est d’autant plus important que l’existence d’un certificat médical constitue une preuve permettant d’attester de l’existence de violences.

- Une fois les violences constatées, un dépôt de plainte auprès d’un poste de police, d’une brigade de gendarmerie, ou bien directement au Procureur de la République est nécessaire. De manière assez fréquente, les officiers de police judiciaire qui reçoivent les plaintes ont tendance à pousser les plaignants à ne pas déposer plainte mais seulement à déposer une main courante, ce qui aura des conséquences beaucoup plus légères. Le dépôt de plainte est un droit, celui-ci va entrainer la saisine du procureur de la République qui pourra alors engager des poursuites. A l’inverse, la main courante n’entraine pas de procédure pénale, celle-ci à seulement une valeur déclarative.

- La procédure pénale peut s’avérer longue. C’est pour cela qu’il existe une procédure spéciale auprès du Juge aux Affaires familiales permettant de mettre fin aux violences. Il s‘agit de l’ordonnance de protection de l’article 515-9 du Code civil. Celle-ci est ouverte à toute personne (Concubin, Pacsé ou conjoint) victime de violences. La notion de violence est appréciée par le juge au regard des atteintes physiques et psychiques subies par la victimes. La saisine du Juge aux Affaires familiales peut se faire par requête (formulaire disponible sur internet) ou bien par assignation. Une fois saisi, le juge convoque les parties. Après avoir auditionné les parties, ensemble ou séparément, le juge rend sur le champ une ordonnance par laquelle il peut prendre un certain nombre de mesures prévues à l’article 515-11. Parmi les mesures le juge peut notamment :

- Interdire au conjoint ayant exercé les violences de rencontrer certaines personnes dont notamment la victime et les éventuel enfants.
- Statuer sur la résidence séparée des époux en précisant lequel des deux continuera à résider dans le logement conjugal et sur les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement.
- Attribuer la jouissance du logement ou de la résidence du couple au partenaire ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences.

Les victimes de violences conjugales disposent, donc, d’un panel important de possibilités permettant la résolution des situations.

Pour autant, les statistiques, de l’INHESJ et des autres instituts de sondage, sont claires : le taux d’engagement des poursuites à l’égard des personnes coupables de violences conjugales reste faible. Si les réponses juridiques sont nombreuses, l’évolution des mentalités semble aussi devoir jouer un rôle important. Les violences conjugales sont souvent perçues comme une forme d’échec dont il ne faut pas parler. Un travail d’écoute des victimes semble donc essentiel afin de permettre de briser l’"omerta" entourant ce phénomène. A cet égard, on ne peut que saluer le travail de nombreuses associations telles que la FNSJ qui a mis en place une ligne d’écoute à l’attention des victimes (3919).

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Discussion en cours :

  • par hannae , Le 13 août 2015 à 16:48

    Je suis actuellement en instance de divorce pour des faits de violences à mon égard, et je peux témoigner que cela n’est pas une mince affaire.
    La société actuelle est dans l’intention très attentive aux violences faites au conjoint, mais dès lors qu’on se retrouve dans la réalité, on se heurte à des murs, à des policiers qui vous conseillent de ne pas porter plainte au risque de ne pas pouvoir prouver vos dires ou pire de faire arrêter et incarcérer le père de vos enfants avec toute la culpabilité qui en découle, aux assistantes sociales et aux élus qui vous expliquent gentiment qu’ils ne peuvent rien faire pour vous, qu’il faut travailler pour vous en sortir, mais que si vous travaillez vous pouvez perdre la garde de vos enfants car votre mari a les moyens de les garder et peut payer le loyer, alors que vous non.
    Vraiment des fois on en vient à se dire qu’on accepterai presque la violence psychologique, physique et financière dans le couple, tellement la violence psychologique presque physique et financière que représente un divorce est immense.
    Je sais que mon commentaire restera lettre morte, car on me comprend, mais on ne peut rien faire"...

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