A. Bref rappel du régime de l’article 1843-4 C civ
Rappelons qu’au titre de cet article, pour toute vente forcée, le prix est déterminé par expert. La règle est particulièrement perturbatrice puisque l’expert dispose de pouvoirs très étendus. Non seulement, il ne peut pas recevoir de directive sur les modalités de calcul du prix (c’est pour cette raison que toutes les formules de calcul du prix sont inopérantes, quel que soit leur bien-fondé). Mais également son évaluation est insusceptible de contestation, sauf en cas d’erreur grossière.
Comme l’indique le flot de jurisprudence sur la question, avec un nombre important de cassations, cette jurisprudence, aussi fondée en droit qu’elle puisse être, est mal acceptée car elle pose de nombreux problèmes aux justiciables et praticiens. Elle met en péril tous les pactes d’actionnaires et autres accords ayant pour objet de stabiliser et/ou organiser la répartition du capital.
B. L’article 1843-4 C civ est-il applicable à toutes les cessions forcées d’actions ?
Mais le recours à l’expert est-il réellement obligatoire en cas de cession forcée d’actions découlant de la mise en œuvre d’une promesse (unilatérale) de cession d’actions ? Cette question est d’autant plus importante qu’en la matière il est difficile d’envisager que le pacte d’actionnaire soit soumis à un droit étranger plus flexible que le droit français [1], sauf à créer une société étrangère. Elle se pose avec d’autant plus d’acuité que la chambre commerciale a récemment [2] appliqué l’article 1843-4 C civ à un pacte d’actionnaires .
L’article 1843-4 C civ s’applique à toutes les sociétés, sauf disposition légale contraire.
Or, en ce qui concerne les SAS, l’article L 227-18 du Code de commerce énonce indirectement que les statuts peuvent, dans certains cas, préciser les modalités du prix de cession des actions en cas de vente forcée et que ce n‘est qu’à défaut d’une telle précision statutaire que l’expert doit être désigné en cas de contestation.
C. Importance et intérêts de la SAS
Il ne faut pas sous-estimer l’importance de cet article. L’INSEE nous renseigne sur la population (au sens statistique) des nouvelles sociétés. En 2010, parmi les sociétés créées, 81% étaient des SARL (pour lesquelles on peut penser qu’il y a rarement des pactes d’associés) et 14% des SAS. Le nombre de SA créés n’est pas détaillé ; il est inclut dans les 4% de la catégorie « autres sociétés » parmi lesquelles figurent notamment les SCA, SCP et SC, soit un vaste domaine. La SAS est donc une institution dynamique.
La transformation de SA en SAS est une opération simple et relativement peu couteuse. En outre, elle offre de nombreux avantages qui justifient déjà une telle transformation : règles de gouvernance plus flexibles, allègement des règles relatives aux commissaires aux comptes, nombre d’actionnaires, règles de cumul des mandats, parité homme-femme non-applicable…
En d’autres termes, on ne saurait trop recommander aux SA de se transformer en SAS. La liberté de détermination du prix de cession, sous condition – et non dans un contrat – est un avantage complémentaire du choix de la forme de la SAS.
Certaines SA ne peuvent pas se transformer en SAS : les sociétés procédant à une offre au public (placement public ou sociétés admises à la négociation sur un marché règlementé). Mais dans ce cas, le recours à l’expert n’a pas les mêmes inconvénients puisque l’incertitude devrait être bien moindre. La valeur des titres est en général moins contestable parce qu’il y a un marché organisé qui sert alors de référence à l’expert. On voit mal ce dernier attribuer aux actions une valeur très différente de celle du marché, sauf à commettre une erreur grossière qui permet alors de mettre en cause la détermination du prix.
D. Modalités pratiques
L’article L 227-18 du Code de commerce ne s’applique que si la cession est consécutive à (i) un agrément (ou plus probablement un défaut d’agrément), (ii) la mise en œuvre d’une clause d’exclusion ou (iii) au changement de contrôle d’un associé. Pour se couler dans son moule, il convient donc de prévoir l’exclusion d’un associé dans les cas où la promesse devait jouer (les autres cas visés à l’article L 227-18 C com semblant moins pertinents). Les modalités contractuelles de détermination du prix peuvent alors être mentionnées dans les statuts, ce qui a l’inconvénient de les rendre publiques.
Afin de protéger les actionnaires minoritaires, les cas de mise en jeu de ces exclusions doivent être précisément définis. En outre, il convient de prévoir une majorité particulièrement forte (voire l’unanimité) pour procéder à une modification de l’article prévoyant l’exclusion et ses modalités [3]. A défaut, l’actionnaire majoritaire aurait beau jeu de modifier la disposition statutaire à son avantage.
Dans la promesse, il convient de prévoir que le bénéficiaire de la promesse ayant levé l’option peut y renoncer en cas de mise en œuvre d’une clause statutaire d’exclusion.
Dans les hypothèses de LBO dans lesquelles un sponsor dispose en général de la majorité des droits de vote, la mise en jeu des dispositions est relativement aisée. Dans le cas d’une dispersion des droits de vote, il peut être convenu dans un pacte que si certaines conditions objectives sont remplies quant à la personne à exclure, et si un certain nombre d’associés veulent procéder à l’exclusion, alors tous les associés doivent la voter.
Les statuts doivent également prévoir qui va acheter les titres en question : la société ou certains actionnaires qui peuvent ou doivent s’y substituer ?
En conclusion nous voulons rappeler que, aussi peu économique que soit l’application actuelle de l’article 1843-4 C civ, son champ d’application doit être strictement délimité.
Discussions en cours :
Bonjour maitre,
Vous rappellez que le 1843-4 s’impose pour "toute vente forcée". J’avais par ailleurs noté que ce dernier ne trouvait son application que dans le cas où un associé est tenu de vendre ses parts sociales ou l’entreprise de lui acheter (statutaire).
Qu’en est-il dans le cas d’une convention librement consentie entre deux associés tel un pacte d’associés (extrastatutaire) ?
Vous remerciant par avance.
J’ai signé avec mon associé , une promesse de cessions d’actions(sous seing privé ,expert comptable , à hauteur de deux parts dans le cadre de l’achat d’un fond de commerce , où il s’engage dans les 5 ans à me revendre ces deux parts , il s’avere que celui ne respectait pas les engagements et j’ai donc décidé de levée cette promesse de cessions, il argue du fait q’il à été floue et trompé et qu’il n’a pas souvenir d’avoir signé ce document,qu’en est il en matière de jurisprudence ?