Le « revenge porn » consiste à diffuser sur Internet des images ou vidéos à caractère pornographique, sans le consentement du ou des intéressés, et à des fins de vengeance.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a eu à se positionner sur le fait de savoir si cela constituait une infraction.
En l’espèce, un homme a diffusé sur internet une photo de son ex-compagne alors qu’elle était nue. Il a été condamné en première instance. Le jugement a été confirmé par la cour d’appel de Nîmes.
Mais la Cour de cassation a estimé que si la plaignante n’avait pas manifesté son consentement pour la diffusion de la photo, rien n’indiquait qu’elle n’était pas consentante lors de la prise de l’image.
En effet, par un arrêt du 16 mars 2016, elle a décidé :
« Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que n’est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l’image d’une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé » (Cass. Crim., 16 Mars 2016, n° 15-82676).
La vengeance pornographique n’est pas une infraction prévue au Code pénal et n’est pas réprimée.
Par cet arrêt, la Cour de cassation fait une interprétation stricte de l’article 226-1 du Code pénal et casse l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes qui avait décidé :
« Le fait, pour la partie civile, d’avoir accepté d’être photographiée ne signifie pas, compte tenu du caractère intime de la photographie, qu’elle avait donné son accord pour que celle-ci soit diffusée ».
Afin de comprendre la décision de cassation il convient de rappeler que l’article 226-1 du Code pénal dispose :
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ».
La Cour de cassation a précisé, au visa de l’article 111-4 du Code pénal et par un attendu de principe :
« Attendu qu’aux termes du premier de ces textes, la loi pénale est d’interprétation stricte ».
C’est donc en faisant une interprétation stricte de l’article 226-1 du Code pénal que la cour a abouti à cette solution.
En effet, ce texte condamne la captation, l’enregistrement ou la transmission de l’image d’une personne sans son consentement. Il ne condamne pas la diffusion sans consentement.
En définitive, dès lors que l’image est réalisée dans un lieu privé avec le consentement de la personne, sa diffusion n’est pas pénalement réprimée.
La technologie d’Internet et les nouveaux moyens de communication ou de diffusion rendent, dans une certaine mesure, inefficace le Code pénal.
A l’avenir, la décision de la Cour de cassation sera différente.
En effet, l’amendement 841 au projet de loi pour une République numérique, voté par les députés, modifie l’article 226-1 du Code pénal afin de réprimer les actes de revanche pornographique.
Cet amendement prévoit :
« 1° Au dernier alinéa les mots : « présent article », sont remplacés par les références : « 1° et 2° » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
Est puni des mêmes peines le fait de transmettre ou diffuser, sans le consentement de celle-ci, l’image ou la voix d’une personne, quand l’enregistrement, l’image ou la vidéo sont sexuellement explicites. »
Cela sonnerait le glas de la revanche pornographique.
En outre, il convient de préciser que le droit civil offre aux victimes des moyens de défense variés et efficaces !
Elles peuvent notamment solliciter la suppression du contenu diffusé. Il convient d’agir vite afin de limiter les conséquences qui peuvent être désastreuses.
Discussions en cours :
Je ne comprends pas l’interprétation du texte par la cour de cassation :
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
En l’espèce, la transmission consiste à poster la photo de l’ex-girlfriend, et on imagine bien que la fille n’était pas présente et pas consentante quand l’éconduit a validé son post.
Je ne vois pas de différence entre une transmission et une diffusion...
Lisanne,
Il convient de faire une application stricte des articles 226-1 et 226-2 du Code pénal.
Le premier fait référence aux moyens d’obtenir l’image litigieuse et le second à sa diffusion.
Or, en l’espèce, il s’avère que l’image de la femme nue n’a pas été fixée et enregistrée sans son consentement.
L’ancien compagnon n’a donc pas obtenu cette photo à l’aide de l’un des actes prévus par le premier texte.
Dans ce cas, l’article 226-2 du Code pénal dispose :
"Est puni des mêmes peines le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1".
Le compagnon éconduit ne peut pas être réprimé par ce texte pour avoir diffusé la photo car il l’a obtenue avec le consentement de la "victime".
En effet, la diffusion n’est condamnée que si l’auteur a obtenu l’image à l’aide des moyens de l’article 226-1 du Code Pénal.
C’est pour éviter cela que l’amendement au projet de loi pour une République numérique prévoit :
"Est puni des mêmes peines le fait de transmettre ou diffuser, sans le consentement de celle-ci, l’image ou la voix d’une personne, quand l’enregistrement, l’image ou la vidéo sont sexuellement explicites".
J’espère avoir répondu à votre interrogation.
La Cour de cassation fait, comme c’est son devoir, une interprétation stricte de la loi pénale dont l’ambiguïté éventuelle doit être résolue dans le sens favorable au prévenu.
Il est vrai que la nuance sémantique entre transmission et diffusion est bien mince et qu’on peut avoir le sentiment que la Cour de cassation joue sur les mots.
Sauf que le code pénal prévoit, concernant l’image d’une personne dans un lieu privé, deux infractions distinctes : d’une part la fixation, l’enregistrement ou la transmission de l’image sans le consentement de cette personne (article 226-1), d’autre part « le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1 » (article 226-2).
Si, dans l’esprit du législateur, transmission avait voulu dire diffusion, l’article 226-2 eût été inutile.
Il y a donc bien une différence, légalement parlant, entre la transmission (acte technique permettant d’obtenir le document litigieux, tel que transfert de l’image de l’appareil photo à l’ordinateur) et la diffusion (communication du document au public ou à un tiers). Et l’interprétation littérale et comparée des deux textes répressifs conduit en effet à considérer que la diffusion (avec ou sans consentement) n’est punissable que si la photo a été prise (ou enregistrée, ou « transmise » d’un support à un autre) sans le consentement de l’intéressé(e).
Évidemment, c’est totalement immoral et inique puisque le fait d’accepter (ou de ne pas refuser), que ce soit par amour, par innocence ou par jeu, d’être photographié(e) ou filmé(e) dans une tenue, une position ou une action particulière, n’implique nullement le consentement à une diffusion ultérieure, et que la loi laisse ainsi impunis des actes particulièrement lâches et ignobles, souvent dévastateurs pour les victimes.
C’est pourquoi il est grand temps que le législateur remédie à cette désastreuse lacune, ce à quoi il s’emploie puisque le texte adopté par l’assemblée nationale en première lecture vient la semaine prochaine devant le sénat.
Ceci étant, l’amendement relatif à cette question n’est pas totalement satisfaisant. Selon l’arrêt du 16 mars 2016, la demanderesse se plaignait de la diffusion par son ex-conjoint, d’une photo « la représentant nue alors qu’elle était enceinte », de sorte qu’un texte se limitant à réprimer la diffusion d’images « sexuellement explicites » ou, selon la version précédente, « à caractère sexuel » pourrait encore, en pareille situation, être sujet à interprétation.
L’intimité de la vie privée, qu’il s’agit de protéger quand, pour certains, l’heure de la vengeance a sonné, ne peut se limiter à la sexualité, encore moins à la pornographie.