Par une Loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique le législateur a introduit une nouvelle infraction dite de « Revenge porn », à l’article 226-2-1 du Code pénal, qui incrimine la diffusion d’une image obtenue avec le consentement d’une personne, lorsque cette image présente un caractère sexuel :
« Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1 ».
La loi punit donc la diffusion, sans son accord, de l’image d’une personne présentant un caractère sexuel réalisée dans un lieu privé, quand bien même cette image aurait été obtenue avec son consentement.
L’atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée d’une personne était déjà réprimée par les articles 226-1 et 226-2 du Code pénal, mais ne permettait pas de condamner quand la victime avait consenti à la captation de son image. Ainsi, une fois l’image obtenue avec l’accord de l’intéressé, le fait de la diffuser sans son accord n’était pas réprimé, ce qui a donné lieu à de nombreuses dérives, accentuées par le développement des réseaux sociaux.
Ce nouvel article est donc venu pallier le vide laissé par les articles 226-1 et 226-2, en matière de paroles ou images présentant un caractère sexuel.
Mais en dépit d’une jurisprudence pourtant claire de la Cour de cassation certains juges du fond ont persisté à faire une application extensive et contra legem de ces textes.
En l’espèce il était reproché au prévenu d’avoir diffusé, tant au profit d’un tiers que sur les réseaux sociaux (ce que ce dernier contestait vivement), des photographies à connotation sexuelle de sa compagne, prises à l’époque avec l’accord de cette dernière.
Les faits dataient de février 2016 et étaient donc antérieurs à l’introduction de la nouvelle infraction par la loi du 7 octobre 2016. L’infraction de revenge porn n’existait donc pas à l’époque des faits, ce qui aurait dû conduire l’enquête vers un classement sans suite.
Qu’à cela ne tienne, le parquet a cru bon de renvoyer le mis en cause devant un tribunal correctionnel sur le fondement des articles 226-1 et 226-2 du Code pénal.
Il a été suivi dans sa démarche par le Tribunal correctionnel de Paris qui, en violation du principe de l’interprétation stricte de la loi pénale consacré à l’article 111-4 du Code pénal et de la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation a condamné le prévenu pour des faits qualifiés d’atteinte à la vie privée, sur le fondement de l’article 226-1 du Code pénal.
Pour rappel, l’article 226-1 du Code pénal dispose :
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ».
Le tribunal a cru pouvoir donner le sens qu’il souhaitait à l’acte matériel de « transmission », en l’assimilant à l’exploitation de l’image ou à sa diffusion (actes réprimés par les articles 226-2 et 226-2-1 du Code pénal), alors qu’il s’agit d’une modalité de captation de l’image.
En effet, l’acte matériel de l’infraction de l’article 226-1 du Code pénal est uniquement relatif aux modalités de captation d’une image, c’est-à-dire un « acte » permettant l’enregistrement ou l’obtention de l’image.
A titre d’exemple, un individu a été condamné pour atteinte à la vie privée par captation et transmission d’image pour avoir au moyen d’un système d’émetteur-récepteur, transmis les images réalisées entre une salle de bain/toilette et une autre pièce par le biais de la radio-caméra et d’un téléviseur.
Pour comprendre au mieux l’acte de « transmission », Hervé Pelletier, Président honoraire de la chambre criminelle de la Cour de cassation écrit :
« L’article 226-1, 1° vise enfin la transmission des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel. Souvent, celle-ci est le relais nécessaire entre l’écoute et l’enregistrement dans le cas où l’ enregistrement de l’écoute et l’appareil d’ enregistrement lui-même sont dissociés. Il en est ainsi du micro caché dans un récepteur téléphonique et qui est assorti d’un procédé de transmission permettant de suivre à distance une conversation tenue dans une pièce et de l’enregistrer. De même, peut être punissable la simple transmission, en direct et en public, et sans enregistrement, d’un entretien intime » [1].
L’acte matériel de l’infraction prévue à l’article 226-1 du Code pénal ne porte donc pas sur l’exploitation ou la diffusion dans l’espace public, qui relèvent uniquement du champ matériel d’application des articles 226-2 et 226-2-1 du Code pénal.
La Cour d’appel de Paris, statuant sur l’appel du prévenu, a donc en toute logique infirmé le jugement de condamnation de première instance et a relaxé ce dernier des fins de la poursuite.
Si ce rappel présente désormais peu d’utilité pour des fait similaires qui seraient commis antérieurement à l’introduction de l’article 226-2-1 (qui seraient désormais tout simplement prescrits), il demeure utile pour l’application de l’article 226-1 du Code pénal qui continue pleinement à s’appliquer en matière d’atteinte à la vie privée ne présentant pas de caractère sexuel.