Les personnes morales de droit public qualifiées ainsi par la loi délivrent des actes qui revêtent force exécutoire. Ces actes sont dénoncés au débiteur. Il en est ainsi pour la contrainte.
Elle peut se définir comme un acte ayant force exécutoire décernée par l’administration au débiteur. La contrainte, une fois dénoncée, permet à l’administration de procéder au recouvrement forcée de sa créance.
La problématique qui nous intéresse concerne le délai accordé à l’administration pour procéder au recouvrement forcé de sa créance en vertu d’une contrainte. Il était admis que l’administration pouvait poursuivre le recouvrement forcé de sa créance dans les trente ans suivant la délivrance de la contrainte.
En effet, la contrainte bénéficiait des mêmes effets que les jugements et notamment en matière de délai de poursuite.
Ainsi, avant la loi portant réforme de la prescription du 17 juin 2008 [1], le délai de poursuite était de trente ans.
Cette loi est venue ajoutée un article 3-1 à la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution.
Cet article, devenu L. 111-4 du Code des procédures civiles d’exécution, modifie notamment les délais de poursuites exercées en vertu d’un jugement [2]. Il prévoit que l’exécution ne peut être poursuivie que pendant dix ans.
Dans ce texte, il n’est pas référence aux contraintes. Se pose alors la question de savoir quel est le délai pour exécuter en vertu d’une contrainte. Il apparaît que le législateur n’a pas voulu aligner les effets de la contrainte sur ceux du jugement en ce qui concerne l’exécution forcée.
C’est la position adoptée par la Cour de cassation qui, par deux arrêts du 17 Mars 2016 , a décidé :
« L’exécution de la contrainte qui ne constitue pas l’un des titres mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 susvisé, est soumise, eu égard à la nature de la créance, à la prescription de trois ans (…) » (Cass. Civ. 2e, 17 mars 2016, FP-P+B, n° 14-21747 ; Cass. Civ. 2e, 17 mars 2016, FP-P+B, n° 14-22575).
Cela étant, la contrainte tire sa force exécutoire de ses effets (I). Cependant, il est désormais acquis en jurisprudence que le délai d’exécution forcée en vertu d’une contrainte diffère de celui d’un jugement et dépend de la nature de la créance concernée (II).
I – La contrainte a, de manière générale, les mêmes effets qu’un jugement
La contrainte est un titre exécutoire visé au 6° de l’article L.111-3 Code des procédures civiles d’exécution qui dispose :
« Seuls constituent des titres exécutoires :
1° Les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lorsqu’elles ont force exécutoire, ainsi que les accords auxquels ces juridictions ont conféré force exécutoire ;
2° Les actes et les jugements étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés exécutoires par une décision non susceptible d’un recours suspensif d’exécution, sans préjudice des dispositions du droit de l’Union européenne applicables ;
3° Les extraits de procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties ;
4° Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
5° Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque ;
6° Les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement ».
La loi accorde à la contrainte les mêmes effets qu’un jugement.
En effet, l’article L.244-9 du Code la sécurité sociale dispose :
« La contrainte décernée par le directeur d’un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, dans les délais et selon des conditions fixées par décret, tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire ».
Il est alors patent que la contrainte a, de manière générale, les mêmes effets qu’un jugement. Ainsi, la contrainte constitue bien un titre exécutoire, ouvrant à l’administration la possibilité de poursuivre le recouvrement forcé de ses créances.
Mais dans quel délai ?
II – Le délai pour exécuter en vertu d’une contrainte est différent de celui prévu pour les jugements
La loi portant réforme de la prescription a notamment modifié les délais de poursuite de l’exécution pour les jugements (1). Il s’agit d’une volonté du législateur d’harmoniser les règles de prescription tout en cherchant à éviter des recouvrements forcés ad vitam æternam.
En accordant un délai spécifique de recouvrement en vertu d’un jugement, le législateur a modifié le délai applicable aux contraintes. Il convient alors de faire application du droit commun de prescription attaché à la nature de la créance visée dans la contrainte (2).
1- Le délai pour exécuter propre aux jugements
L’article L.111-4 Code des procédures civiles d’exécution dispose :
« L’exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l’article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long.
Le délai mentionné à l’article 2232 du Code civil n’est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa ».
La contrainte correspond au 6° de l’article L.111-3 du Code des procédures civiles d’exécution, et n’est pas visée par l’article L.111-4 du même Code.
Il est alors évident que le législateur a voulu créer un délai de poursuite de l’exécution pour les jugements différent de celui appliqué aux décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.
Cette exclusion de la contrainte dans l’article L.111-4 Code des procédures civiles d’exécution révèle la volonté du législateur de soumettre le délai d’exécution forcée de la contrainte au droit commun.
2- Le délai d’exécution en vertu d’une contrainte
Le délai de prescription concernant l’exécution forcée en vertu d’une contrainte est le même que celui attaché à la nature de la créance qu’elle contient.
Les deux arrêts du 17 mars 2016 rendus par la deuxième de la Cour de cassation entérinent cette position.
En effet, c’est notamment au visa des articles L.111-3 et L111-4 du Code des procédures civiles d’exécution que la Cour a décidé de soumettre le délai d’exécution de la contrainte au délai de prescription de la créance concernée.
Prenons l’exemple du recouvrement des cotisations sociales (contrainte délivrée par l’URSSAF). Le délai de prescription attaché à l’action civile en recouvrement des cotisations sociales est de 5 ans.
En effet, l’article L. 244-11 du Code de la sécurité sociale dispose :
« L’action civile en recouvrement des cotisations ou des majorations de retard, intentée indépendamment ou après extinction de l’action publique, se prescrit par cinq ans à compter de l’expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure prévus aux articles L. 244-2 et L. 244-3 ».
Ainsi, le délai pour poursuivre l’exécution forcée en vertu de la contrainte délivrée pour défaut de paiement des cotisations sociales est de 5 ans à compter du moment où elle est décernée.
Compte tenu de la réforme de la prescription par la loi du 17 juin 2008, le point de départ de ce délai est le jour d’entrée en vigueur de cette loi. Dès lors, l’exécution forcée en vertu d’une contrainte antérieure à 2008 ne peut excéder 5 ans, soit le 17 juin 2013.
Le délai de poursuite de l’exécution forcée en vertu d’une contrainte dépend donc de la nature de la créance pour laquelle elle a été délivrée. Ainsi, la Cour de cassation en faisant une application stricte des textes a décidé que le délai de poursuite en vertu d’une contrainte diffère de celui prévu pour les jugements.
Ce raisonnement s’applique aussi pour les titres exécutoires suivants :
Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire ;
Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque.
Pour les actes notariés ; il convient de préciser que le Code de la consommation prévoit que le délai de prescription pour les impayés en matière de crédit immobilier est de deux ans à compter de l’échéance impayée [3].
Discussion en cours :
Depuis le 17 mars 2016 jurisprudence de la cour de cassation, 2 eme CC, le délai est de 3 ans. Cela concerne l’urssaf :”La durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance “.