Ces échanges n’ont toutefois pas permis d’améliorer sensiblement la situation des partenaires pacsés, même s’ils permettent de donner le ton actuel du Parlement et du Gouvernement sur ce sujet apparemment toujours sensible.
Par amendements des sénateurs, trois améliorations au régime juridique ont été proposées.
1. L’extension aux salariés qui contractent un PACS du bénéfice du congé pour événement familial (rejet par le Sénat)
Il a été proposé d’étendre aux salariés qui contractent un PACS le bénéfice du congé pour événement familial, dans un souci de rapprochement des régimes applicables au mariage et au PACS, en matière de droits sociaux.
Il est utilement précisé que ce droit à un congé au profit des partenaires pacsés existe déjà au sein de la fonction publique, ainsi que dans certaines grandes entreprises et que la proposition a également été émise dernièrement par le Médiateur de la République.
Cette proposition, à vocation égalitaire, a cependant été très loin de créer un consensus chez les sénateurs et a été finalement rejetée.
Il peut être relevé que la commission des affaires sociales du Sénat a fait totalement abstraction de la motivation égalitaire de la réforme et rejeté très nettement cette réforme au motif économique « qu’elle ferait peser une charge nouvelle sur les entreprises, y compris les plus petites d’entre elles, alors que nous sommes encore dans une période de sortie de crise ». Il a été également ajouté que cette réforme « aboutirait à aligner le statut du mariage sur celui du (PACS). Or, si le PACS a son utilité, c’est justement parce qu’il offre un statut différent de celui du mariage ».
Le tout nouveau Garde des Sceaux a abondé dans le même sens en affirmant que l’amendement visait « à étendre aux personnes ayant souscrit un PACS le bénéfice du congé pour mariage. Or cela (lui semblait) difficile dans la mesure où le PACS n’est pas le mariage » et renvoyant d’éventuelles améliorations à ce titre à d’éventuelles « dispositions négociées par les partenaires sociaux » et s’appliquant aux partenaires pacsées.
L’argument simpliste et éculé selon lequel le PACS n’est pas le mariage peut laisser songeur, tant il nie, sciemment, la nécessaire égalité qui devrait exister entre personnes pacsées, investies de devoirs d’assistance mutuelle, et personne mariées.
Enfin, le Garde des Sceaux a ajouté assez brutalement que « les gens connaissent les avantages et les inconvénients des quatre formes de couple qui existent dans notre pays. Ils ont la liberté de choisir, mais une fois qu’ils ont choisi, qu’ils ne prétendent pas aux droits accordés à un autre mode d’union : ils doivent assumer les avantages et les inconvénients de leur décision. Il me semble que le système est relativement clair. Les quatre modes de formation du couple sont différents et présentent chacun des avantages et des inconvénients. Les gens, je le répète, ont la liberté de choisir. Cependant, le PACS ne doit pas devenir le mariage, et inversement. C’est ainsi que nous pouvons vivre ensemble dans notre pays ». On me permettra de n’en penser pas moins.
La « messe » était dite et l’amendement a été bien évidemment rejeté par la majorité des sénateurs.
2. L’inscription sur l’acte de décès des prénoms et nom de l’autre partenaire, si la personne décédée était liée par un PACS (vote favorable du Sénat)
Cette proposition de modification de l’article 79 du Code civil avait comme finalité d’améliorer le sort du partenaire survivant, en révélant d’abord ouvertement et officiellement son existence et, par là-même, en « facilitant » la naissance et l’exercice de ses éventuels droits de succession, par rapports aux autres ayants-droits du partenaire décédé.
En d’autres termes, la préoccupation des auteurs de cet amendement, à connotation purement humaine, reposaient pour l’essentiel sur un certain nombre de témoignages révélant le mépris certain porté au partenaire survivant par la « famille » officielle du partenaire décédé.
La proposition avait également pour effet, pour reprendre la motivation principale de cet amendement, « d’assurer un parallélisme avec les dispositions du Code civil relatives aux mentions portées sur l’acte de naissance, qui font, elles, apparaître les prénoms et noms du partenaire de PACS ».
Cette proposition a, cette fois, pleinement convaincu la commission des affaires sociales du Sénat et recueilli son avis favorable.
Le Garde des Sceaux, quant à lui, s’est révélé une nouvelle fois particulièrement hostile à cette proposition en affirmant, toujours aussi sèchement que précédemment évoqué, que « toute mention portée sur un acte d’état civil doit être justifiée par des raisons juridiques précises – il ne s’agit pas seulement de se faire plaisir. Ainsi, les dispositions prévues par l’article 79 du Code civil ont pour objet de faciliter le règlement de la succession du défunt, le conjoint survivant ayant la qualité d’héritier légal. Tel n’est pas le cas des couples unis par un PACS, au sein desquels le partenaire survivant n’a pas de vocation successorale légale ».
Il est vrai qu’en l’état actuel du droit, seule la convention de PACS, assortie d’un testament en bonne et due forme, est de nature à faire du partenaire pacsé survivant un héritier du partenaire décédé.
Toutefois, la proposition a fini par être votée par la majorité des sénateurs, en dépit de l’avis défavorable du Gouvernement. Il semble, qu’au-delà des aspects purement « humanitaires » de cette réforme (état civil de la personne décédée correspondant à sa situation de « famille » réelle, information des tiers, facilitation et consolidation des droits du partenaire pacsé survivant, etc.), l’argument du parallélisme entre l’inscription du PACS sur l’acte d’état civil et l’inscription du partenaire survivant sur l’acte de décès ait été déterminant dans le choix des sénateurs.
3. La qualité pour « pourvoir aux funérailles » du partenaire décédé accordée au partenaire survivant (rejet du Sénat)
Par cet amendement, les sénateurs avaient souhaité, à nouveau par un souci d’humanité élémentaire, mettre fin à certaines difficultés rencontrées par le partenaire survivant en ce qui concerne le sort de l’urne funéraire et des cendres du partenaire décédé.
Là encore, des faits particulièrement pénibles opposant certains partenaires pacsés survivants et la prétendue « famille » officielle du partenaire décédé motivaient, très nettement, cette proposition de réforme.
Certes, la loi actuelle est loin d’être hostile aux partenaires pacsés, dans la mesure où elle prévoit, en l’état actuel du droit, que l’organisation des obsèques échoit à la personne ayant qualité pour « pourvoir aux funérailles », cette responsabilité revenant naturellement le plus souvent à une personne proche, avec laquelle le défunt a un lien stable et permanent.
Il n’en restait pas moins que certains conflits sordides entre des partenaires survivants et la famille des partenaires décédés avaient conduit à des situations que tout à chacun pourrait trouver inhumaines et intolérables, en en prenant connaissance.
Il ne paraît en effet plus possible à la fin de l’année 2010 de refuser des droits élémentaires à la famille de cœur et de sentiments que des individus ont librement choisie, parfois en opposition violente avec leur « famille » de sang.
L’intervention du juge paraît, dans ce contexte délicat, d’autant plus inappropriée et source de peines inutiles et d’incompréhensions, en période de deuil : en d’autres termes, autant préciser clairement les rôles et responsabilités des uns et des autres, face à la mort d’un être aimé.
Malheureusement, la commission des affaires sociales du Sénat a été peu sensible à ces arguments et a confirmé l’état du droit actuel, à savoir qu’ « il n’existe en droit ni définition de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles ni présomption légale. Il n’est donc pas envisageable d’en créer une au profit des partenaires du PACS, le juge devant être en mesure d’apprécier quelle est la personne la mieux placée pour cela ». Le Garde des Sceaux a bien évidemment adopté strictement la même position.
Dans ce contexte hostile, l’auteur de l’amendement a préféré purement et simplement retirer cet amendement, afin qu’il ne soit pas expressément rejeté par le Sénat, ce qui n’aurait pas manqué de choqué les auteurs des témoignages qui avaient motivé le dépôt de cet amendement.
4. Conclusions provisoires, dans l’attente des prochains travaux parlementaires
Comme on le perçoit au travers de ce dernier débat parlementaire, le législateur actuel est extrêmement frileux sur toute évolution du PACS qui aurait pour effet d’aligner son statut juridique sur le mariage, le Gouvernement, étant quant à lui, au regard des positions particulièrement tranchées du Garde des Sceaux, totalement hostile à ces évolutions.
Il s’agit du reflet d’une position particulièrement conservatrice qu’on avait déjà pu constater lors des débats actuels sur la loi de finances ou bien encore, lors du dernier congrès des notaires de France qui avait adopté et formulé un certain nombre de propositions, notamment afin de réformer le régime juridique du PACS.
On se rappellera à cet égard des propositions suivantes :
La proposition, somme toute légitime, d’étendre le bénéfice de la pension de réversion au partenaire pacsé survivant avait été rejetée par l’assemblée des notaires, ce qui peut sembler à tout le moins rétrograde et à l’encontre des évolutions de la jurisprudence actuelle de la CJCE.
Le congrès des notaires de France avait ensuite souhaité clarifier le régime de l’indivision spéciale des partenaires (article 515-5-1 du Code civil) qui prévoit actuellement que les partenaires peuvent opter pour le régime de l’indivision spéciale des biens qui rend le bien acquis indivis par moitié entre eux, sans recours pour contribution inégale.
En l’absence de précision de la loi, les partenaires ont actuellement la possibilité de limiter conventionnellement à certains biens ou certaines catégories de biens cette indivision. Les notaires sont manifestement hostiles à cette liberté conventionnelle et proposent, à titre de clarification, que la loi interdise toute convention visant à aménager le périmètre de cette indivision spéciale.
Cette position particulièrement rigide était justifiée par les notaires dans le fait que cette indivision spéciale constitue un mode d’acquisition exorbitant de la propriété et un avantage économique exceptionnel, et en affirmant curieusement que « la liberté des partenaires réside avant tout dans la faculté de rupture unilatérale de l’union à tout moment ».
Les notaires proposaient de soumettre les PACS conclus avant le 1er janvier 2007 au régime de base de la séparation des patrimoines, et non plus à celui de l’indivision.
Actuellement, la loi n’imposait stricto sensu aucune obligation de liquidation pour les partenaires ayant rompu leur PACS ; c’est pourquoi les notaires proposaient de rendre obligatoire la liquidation des intérêts patrimoniaux entre les partenaires au moment de la rupture, unilatérale ou conjointe, du partenariat et suggèrent un mécanisme de forclusion de cette liquidation.
Sur le droit au logement du partenaire survivant, rappelons qu’en l’état actuel du droit, le partenaire pacsé survivant bénéficie d’un droit de jouissance à titre gratuit au domicile commun des partenaires pendant une durée d’un an. Afin de protéger le partenaire pacsé survivant, il avait été généreusement proposé de conférer au partenaire survivant un droit viager au logement, sur option, et dont le régime serait inspiré des dispositions applicables aux époux. Cette résolution, inspirée par l’équité, a malheureusement été retirée, à cause d’un prétendu trop grand rapprochement du PACS avec le mariage…
Enfin, comme on le savait déjà, les notaires souhaiteraient vivement procéder eux-mêmes à l’enregistrement des PACS, en lieu et place des greffes des Tribunaux d’instance. La Garde des sceaux semble par ailleurs aller dans leur sens. Outre le fait que le passage devant un notaire pour enregistrer un PACS pourrait donner, à tort ou à raison, l’impression de sortir l’enregistrement des PACS de la sphère administrative, cette mesure paraît susceptible d’en augmenter le coût vis-à-vis des partenaires pacsés.
On peut espérer que les actuels Gouvernement et Parlement ne puisent pas leur inspiration dans ce catalogue d’idées particulièrement conservatrices des notaires.
Stéphane Michel
Avocat au Barreau de Paris