I/ Cumul d’une retraite nationale et communautaire :
A/ Règles générales actualisées de calcul des retraites en France :
Une retraite française se calcule de la façon suivante : pension à percevoir = " nombre de trimestres liquidables " x un certain pourcentage (par exemple 75 % pour les cadres depuis le 1er janvier 2004, dont 50 % au titre de la retraite de base) / " nombre de trimestres nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum ". Ce dernier est de 152 trimestres en 2004, et augmentera de 2 trimestres chaque année pour atteindre 160 trimestres en 2008 (soit 40 années de travail au total).
En conséquence de la réforme du 21 août 2003, un système assez complexe de coefficients de minoration (par trimestre) ou au contraire de majoration s’applique pour le calcul de la pension en fonction d’un départ en retraite " précoce " (minoration appelée décote) ou " tardif " (majoration appelée sur-côte). Le coefficient de minoration s’annule à partir d’un certain âge. A titre indicatif, la minoration serait de 0,125 % (0,5 % par an) en 2006, 0,25 % (1% par an) en 2007, etc... pour passer progressivement à 1,25 % par trimestre (soit 5% par an) en 2019.
Concrètement, la pension effective minorée sera alors la suivante : montant de la pension x (1 - coefficient de minoration).
Le coefficient de majoration au-delà de 160 trimestres est de 0,75 % par trimestre, soit 3 % par an pour les trimestres validés depuis le 1er janvier 2004.
Quant au salaire moyen de base retenu pour le calcul de la pension, il passe progressivement de celui des 10 meilleures années à celui des 25 meilleures années (ce qui est nettement moins avantageux) suivant la date de naissance (de 1934 à 1948) (tableau disponible sur le site de la CNAV).
Dans l’hypothèse d’un travail à temps partiel (" retraite progressive "), l’assuré peut demander la liquidation provisoire de sa pension et le service d’une fraction de sa pension (art. L 351-15 al. 1 du CSS). Le montant de la pension est alors recalculé lors de la retraite définitive.
En cas de carrière échelonnée sur le territoire de plusieurs Etats, en principe, chaque pays calcule séparément le montant de la pension de vieillesse qu’il versera compte tenu des périodes d’assurance accomplies sous sa législation et le taux de la pension est déterminé par chaque Etat sans additionner les périodes d’assurance accomplies dans plusieurs Etats (sauf convention bilatérale contraire). Ceci peut conduire à des pensions cumulées faibles par rapport à une retraire unique qui serait calculée en fonction de la durée totale d’assurance tous pays confondus. C’est pourquoi, il convient d’examiner le système de retraite " communautaire " qui peut aboutir à un calcul plus favorable aux pensionnés.
B/ Le calcul d’une pension " communautaire " :
Pour tenir compte des carrières menées dans plusieurs Etats au cours d’une même existence, un système de calcul dit de " retraite communautaire " a été mis en place sur le plan européen.
Il convient alors de comparer le montant des pensions nationales calculées séparément avec le montant théorique de retraite que l’assuré aurait perçu s’il avait travaillé dans un seul et même Etat ; le pensionné peut alors choisir de percevoir le montant le plus élevé.
Les calculs sont rendus difficiles par un système de " proratisation " des durées d’affiliation aux différents régimes de retraite nationaux.
En principe, la " retraite communautaire " sera plus intéressante car les carrières fractionnées sur plusieurs Etats conduisent logiquement à la " perte " des périodes de travail d’une durée insuffisante pour donner lieu à retraite compte tenu des législations de chaque Etat concerné et à un taux de retraite minoré. Une comparaison au cas par cas est toutefois indispensable.
En pratique, la " retraite communautaire " ne sera pas pour autant versée par des institutions européennes : les organismes nationaux sont seuls chargés de calculer et verser les pensions. La CNAV réalise déjà ce genre de calculs.
Concrètement, il convient de mettre en exergue que les calculs de pension sont très complexes, ce qui rend presque impossible la vérification des résultats des caisses de retraite sans logiciel spécialisé. Au-delà même des problèmes mathématiques, les règles et principes sont difficiles à comprendre. Les lecteurs les plus avertis consulteront par exemple avec intérêt les fiches explicatives disponibles sur le site " www.legislation.cnav.fr ". Sur ce site de la CNAV sont aussi archivées la plupart des conventions internationales, y compris bilatérales, régissant notamment la question des calculs et cumuls de retraites nationales ou communautaires.
Pour résumer, le système européen consiste à comparer :
d’une part la retraite calculée en fonction de la seule carrière en France (ou l’autre Etat concerné),
d’une autre la part française (en fonction de la durée d’assurance en France : calcul au prorata) de la pension " communautaire " prenant en compte toutes les activités dans les différents Etats membres.
L’organisme national (par exemple la CNAV dans le cas français) s’engage à payer le montant le plus élevé (suivant le taux de retraite retenu x salaire de base français).
Si la date d’effet de la pension n’est pas la même dans tous les Etats concernés (notamment en cas d’âge minimum de prise de la retraite plus tardif), la pension est attribuée provisoirement. Elle ne devient définitive qu’à la date d’effet de la dernière pension attribuée ou demandée par l’assuré (une majoration de retraite à ce moment est alors envisageable).
En cas de contentieux suite à une décision de la CNAV, il faut d’abord passer devant une Commission de Recours Amiable, puis éventuellement saisir le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale.
II/ Cumul d’une retraite et d’un emploi :
A/ Cumul autorisé :
La perception d’une retraite est subordonnée dans un premier temps à la cessation de la dernière activité salariée ou non salariée (voir modalités précises dans le décret du 19 octobre 2004).
Par contre, le pensionné peut s’assurer un complément de revenus dès sa retraite chez un autre employeur que celui qui l’occupait avant sa retraite, à condition de respecter la règle de non dépassement du " dernier salaire " (voir ci-après). Le pensionné ne peut reprendre (dans les conditions ci-après) une activité salariée (ou non salariée) pour le compte de la même entreprise que celle pour laquelle il travaillait précédemment qu’au bout d’un délai de six mois à compter du début de la retraite.
Il faut noter également qu’il existe des exceptions limitées permettant la perception de revenus même immédiatement après la liquidation de la retraite, notamment en cas de retraite progressive mais aussi pour les artistes - interprètes, les activités à caractère artistique, littéraire ou scientifique qui étaient déjà exercées accessoirement avant la liquidation de la retraite ou les consultations occasionnelles (article L 161-22 du CSS) ou bien encore en cas d’activité procurant des revenus inférieurs à des seuils déterminés par décret suivant les zones géographiques (article L 634-6 du CSS).
En cas de reprise d’une activité salariée, l’institution de retraite doit en être obligatoirement informée (dans un délai d’un mois) mais cette activité n’entraînera aucune réduction de la pension perçue à condition que l’emploi salarié ne procure pas au pensionné une rémunération, compte tenu de la pension, supérieure au " dernier salaire " de l’intéressé au moment de sa retraite.
Par exemple, si le retraité touche 60 % de son ancien salaire au titre de sa pension de retraite consécutive à son ancien emploi, il peut " cumuler " avec un nouvel emploi à hauteur de 40 % de son ancien salaire (total retraite + nouveau salaire = 100 % de l’ancien salaire).
Pour l’appréciation du montant du " dernier salaire ", il faut en réalité calculer une " moyenne mensuelle " des revenus d’activité salariée ou non salariée, l’ensemble des revenus étant pris en compte (voir modalités précises dans le décret du 19 octobre 2004).
En cas d’emploi à temps partiel précédent la retraite, il faut calculer le revenu correspondant à un temps plein. En cas de temps partiel pour plusieurs employeurs différents, l’on tient compte de " l’activité à temps complet la plus élevée " (décret précité).
En vertu d’un décret du 19 octobre 2004, le cumul est dorénavant autorisé à partir de 55 ans, et non plus 60 ans.
B/ Cumul prohibé :
La pension n’est pas due si le retraité " n’a pas cessé son activité à la date d’effet de sa pension " (décret du 19 octobre 2004). La suspension du versement de la pension ne cesse que sur preuve par l’assuré de la cessation de son ancienne activité.
Par contre, le pensionné peut s’assurer un complément de revenus dès sa retraite chez un autre employeur que celui qui l’occupait avant sa retraite, à condition de respecter la règle de non dépassement du " dernier salaire " (voir A/). Il ne peut retravailler pour son ancien employeur qu’au bout de six mois au minimum après avoir pris sa retraite.
En cas de reprise d’une activité salariée dans les conditions ci-dessus ou chez l’ancien employeur au bout de six mois, l’institution de retraite doit en être obligatoirement informée (dans un délai d’un mois) et si cette activité ne présente pas un caractère réduit (voir conditions ci-dessus exposées), l’allocation de retraite de base et complémentaire est suspendue (voir modalités précises dans le décret du 19 octobre 2004).
La suspension du versement de la pension ne cesse que sur preuve par l’assuré soit de la cessation de sa nouvelle activité, soit de la réduction des revenus tirés de celle-ci.
III/ Cumul d’une retraite et d’une pension de réversion :
A/ La situation à la veille des nouvelles réformes en cours :
Les règles ont été revues à effet du 1er juillet 2004.
Les conditions de perception d’une pension de réversion par un conjoint survivant encore marié ou même divorcé (mais en cas de remariage de l’assuré avant son décès, la pension de réversion est alors partagée entre l’ancien conjoint et le nouveau au prorata de la durée respective de chaque mariage) étaient assez favorables aux pensionnés.
En particulier, seuls les revenus, y compris ses avantages personnels de retraite (sauf la bonification de pension pour trois enfants), du conjoint (ou de son ménage) invoquant la faculté de réversion étaient pris en compte pour calculer ses droits (article L 353-1 du CSS). Les seuils étaient fixés par décret.
Depuis la loi du 21 août 2003, aucune condition d’âge (suppression progressive de cette condition déterminée par décret du 23 décembre 2004 - information disponible sur le site internet de la CNAV), d’absence de remariage ou de durée du mariage avec l’assuré décédé n’était plus exigée (dispositions en vigueur au 1er juillet 2004).
Il faut également signaler que les conditions posées pour bénéficier d’une réversion de retraite complémentaire peuvent être différentes (conditions récapitulées sur les sites d’information des ARRCO ou AGIRC ) ; à titre indicatif, l’allocation de réversion pour ce type de retraite correspond à 60 % (hors majorations) des droits acquis (dont 54 % - hors majorations - au titre de la retraite de base de la CNAV).
B/ Les modifications les plus récentes et les projets :
En application d’un décret du 24 août 2004 et d’un décret du 23 décembre 2004, les conditions de perception d’une pension de réversion ont encore été revues.
Il convient dès lors de vérifier, pour la perception d’une pension de réversion, qu’un seuil de ressources fixé par décret ne soit pas dépassé.
En effet, la perception d’une pension de réversion est soumise à un plafond annuel maximal de 15.828,80 _ (2080 fois le SMIC horaire de 7,61 _ au 1er juillet 2004) de ressources à ne pas dépasser pour pouvoir toucher une partie de la retraite du régime de base de la sécurité sociale du conjoint décédé (article D 353-1-1 du CSS).
Ces ressources à comparer au seuil de 15.828,80 _ ne comprennent pas les revenus d’activité et de remplacement (retraite) de l’assuré décédé, ni les avantages de réversion des régimes légalement obligatoires complémentaires aux régimes de base, ni enfin les revenus des biens mobiliers et immobiliers acquis par succession, donation ou legs (décret du 23 décembre 2004, article 1, n° 1, 2 et 3).
Les ressources du conjoint survivant qui sont évaluées comprennent tous les avantages d’invalidité ou de vieillesse propres, les revenus professionnels (en faisant abstraction de tous abattements ou exonérations fiscales) et les revenus de biens mobiliers et immobiliers (ainsi éventuellement que les revenus des donations des 10 années précédentes : voir articles R 815-25 et R 815-27 du CSS notamment modifié le 29 juin 2001).
Toutefois, les revenus d’activité du conjoint survivant sont abattus de 30 % s’il est âgé de 55 ans ou plus (décret du 23 décembre 2004, article 1 in fine).
Il faut noter que les ressources du conjoint survivant pouvant évoluer, une révision de la pension de réversion est possible, sauf après trois mois après l’entrée en jouissance de sa propre pension de retraite ou après 60 ans dans le cas d’un conjoint sans avantages de retraite propres (décret du 23 décembre 2004, article 2).
En outre, il avait été prévu à l’automne dernier que la retraite complémentaire du défunt serait prise en compte pour le calcul des droits maxima du bénéficiaire de la réversion en sus de ses propres ressources.
Avec ce projet de réforme, si le conjoint décédé aurait touché par exemple 7.000 _ de retraite complémentaire annuelle, alors que le conjoint survivant a déjà des ressources de 10.000 _, ce qui ferait un total de 17.000 _ en cas de réversion en totalité, le plafond de 15.828,80 _ aurait été dépassé. Ce projet ayant été largement critiqué, il semble " abandonné " (selon divers articles de presse de la fin de l’année 2004).
Auteur : Vincent COLLIER
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Activités : Droit des affaires - Droit social - Droit fiscal